La trace luisante de l'escargot

par Périscope @, dimanche 26 novembre 2017, 11:04 (il y a 2555 jours)

La trace luisante de l’escargot

Avec sa carabine à air comprimé il tire sur les oiseaux.
Son tipi est fabriqué de vieilles couvertures au-milieu du jardin.
Les plans de salades gelés brillent dans leur sillon de terre.
Une camionnette (celle du boulanger) klaxonne en roulant
lentement sur le chemin que bordent les haies coiffées de neige.
Dans les bosquets humides coulent les larmes du soleil.
La nuit, parfois, on marche à coté de soi, je sais je sais,
et le jour seulement donne son explication de la nuit.
L’enfant a les doigts et le nez rougis par le froid. Il rate
les oiseaux avec ses flèches en caoutchouc trop lourdes.
La camionnette s’est arrêtée, la vieille femme discute avec le
boulanger, en triturant le tréfonds de son porte-monnaie.
Il y a parfois des gens qui vous sourient gratuitement.
Prenons le temps de respirer avant que n’arrive le dernier souffle,
si le soleil te fixe la réciproque n’est pas pareille.
Dans son drôle de tipi le mioche joue à Davy Crockett.
Sur le muret de ciment, les escargots laissent des traces luisantes.
La camionnette poursuit sa tournée, klaxonne.
Davy Crockett parle à des fantômes de circonstance.
Une squaw s’allonge dans le tipi, avec ses nattes de jais,
sa robe en peau de renne.
Le mouflet s’efforce de résister au froid, jusqu’à la limite de ses forces.
Un hiver s’est installé dans la cheminée de ses sinus.
Pour ne pas devenir inhumain, il suffit de se donner des buts accessibles.
Quand un chat désire quelque chose, il le caresse de tout son corps.
Le marmot rentre dans la cuisine. Il prie le bon dieu, à genoux sur
le banc de bois. Aïe, il souffre !
En prononçant avant les mots de ce qu’on va faire,
on trouve ensuite l’envie de faire.
Je dis que l’expression d’un visage est comme un scanner de la pensée.
On sait que c’est dans la nuit noire que les moignons des arbres
cognent les carreaux gelés du dortoir.
Le petit garçon regarde les autres lits vides, dans l’espoir qu’un esprit jaillira.
C’est encore à nos ennemis qu’on adresse nos songes les plus fous.
C’est par l’usure des objet qu’on touche l’écoulement du temps.
Le cuivre des lits glacés.
Sur le haut du buffet, des photos, le crucifix, un compotier rempli
de fruits, des cierges.
Si le mioche ouvre la porte du buffet, un arôme de cacao s’évade.
Pourquoi on ne rencontre jamais les ouvriers de l’aube qui vous préparent le jour ?
Dites le avant de le faire, dites le, dites le !
Alors le marmouset rêve de cacao durant sa prière.
Le sacristain s’envole de terre en tirant sur la corde de la cloche.
Pour pisser, on déboutonne tous les boutons de la soutane.
Mon curé sentait fort le tabac,
et par grand vent on se cramponne la calotte sur le crâne.
Un soleil de novembre fait reluire les meubles, tandis que la
cuisine est dans une brumaille de souvenirs.
C’est mon récit, antérieur à tous les événements, qui sera le plus beau.
Entre gagner ou perdre que reste-il à l’homme pour vivre ?
Blablabla.
Le polisson invite sa squaw aux nattes de jais,
dans un lit glacial du dortoir.
Ils se partagent des oiseaux, que le trappeur n’aura jamais attrapés.
La camionnette a vendu tout son pain, elle se retire des
chemins verglacés.
Quand un homme politique a réponse à tout,
c’est qu’il ne répond à aucune question.
Alors le mioche saisit une brique brûlante dans le fond du four,
et se l’applique sur le ventre,
en attendant des astres meilleurs.
Fait trop froid à son cœur,
dans l’orphelinat du monde,
où on n’est plus que pensionnaire.
Trop froid à ces tristes couilles de l’absence.

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