Avis aux ronfleurs
Le barouf du ronflement se propage dans le matelas dont les vibrations font trembler les corps endormis ou éveillés à cause du barouf dans la nuit épaisse qui en cache le responsable innocent et heureusement pour lui ignorant, car se savoir soudain responsable de ce barouf le plongerait dans une honte indescriptible, que même la profondeur d’un matelas ne permettrait pas à dissimuler, puisque une propriété morale ne peut se dissoudre dans la mousse latex d’un matelas, même si les progrès techniques aujourd’hui ont sérieusement amélioré le savoir-faire des matelassiers, sans toutefois parvenir encore à concevoir des matelas qui étoufferaient immédiatement les premiers signes intempestifs de ronflement chez le dormeur atteint de ce mal incurable et toujours aussi récurrent de nos jours et qui jette dans l’embarras ceux qui n’en sont pas atteints, les poussant alors à créer une discrimination injuste entre les ronfleurs et les autres, qui se targuent de cette immunité en écrivant des satires in situ inopportuns et maladroits, tandis qu’une sage méfiance devrait les conduire à plus de prudence, car nul ne doit se vanter devant l’éternité d’être à l’écart des maux que la nature jusqu’à présent lui a épargnés, pour l’excellente raison que celui qui ronfle ne le sait pas et que l’accuser de ronfleur ne peut être que l’argument grotesque d’un tiers qui aurait décidé pour sa vengeance personnelle d’accuser son partenaire de sommeil de ronfler odieusement, alors que ce barouf intempestif n’est probablement que mensonge, calomnie, bobard, pour avilir le partenaire, personnage possiblement éminent par ailleurs dans ses journées plus silencieuses que ses nuits ronflantes, mais que le silence rempli d’efficacité et performance dérange ceux qui dorment la nuit sur leurs deux oreilles de rats dans une paix fangeuse, profonde, tourmentée de rêves ou cauchemars maladifs qui les autorisent à accuser de ronfleurs ceux qui rythment le monde de leur respiration sonore, musicale, exercice inconscient beaucoup plus vénérable que celui qui le jour se vautre sur sa plume pour écrire sans retenue des vilenies sur les ronfleurs nocturnes, et que personne ne peut arrêter dans sa phrase interminable, asphyxiante, qui mériterait qu’un ronfleur bienveillant recouvre de son barouf exterminateur…