Une insuffisance de douceur envers les femmes
Si l’homme a une insuffisance de douceur envers la femme, c’est parce que la femme en tant que femme est douceur, on ne peut l’approcher autrement que par ce qui la distingue, il ne faut pas en déduire que la douceur est sa faiblesse et sa vulnérabilité, la douceur est sa force parce qu’elle désarme l’adversaire qui ne trouve devant lui que le souffle d’une caresse, le chant d’une parole, la lumière enveloppante d’un regard et dans les alvéoles de son cerveau ce
ne sont que pensées kaléidoscopiques où se nuance l’entreprise des choses pour que rien ne nuise à l’épanouissement, à la continuité, à la régénération des espèces que l’homme tue par sa force cuirassée de certitudes et qu’il présente à la femme avec le mensonge d’un bouquet, l’illusion d’une robe, l’ensorcellement d’un parfum, que les femmes acceptent car elles devinent que leur homme n’a rien d’autre à offrir pour se faire pardonner sa sauvagerie et
l’incompréhension majeure qu’il ressent devant l’océan de douceur dont la femme l’inonde non pour le noyer, mais pour l’emporter avant que sa raison rigide d’homme ne s’oppose à la navigation vers la complexité, la structure gigogne des phénomènes, le mariage multiple entre les contraires et l’effritement du jugement que la femme a décrété comme étant l’opacité la plus stérile parmi les velléités idiotes du mâle, aussi les femmes ne peuvent se dire qu’elles
se suffiraient à elles-mêmes, la femme ne peut pas se satisfaire d’un fac-similé, même si douceur, arrondis, murmures, remplissent l’espace de leur échange, la femme aurait besoin du tranchant d’une décision, d’un ordre, la musculature d’un pays de roc, puisque la culture qui n’est pas nature lui aurait inoculé ce poison, la drogue des hommes qui légitime les combats, la femme dans ses parures gesticule outrageusement pour réclamer qu’on l’aime, qu’on la
respecte, qu’elle puisse voter pour le tyran qui va l’opprimer, qu’elle touche à travail égal autant que l’homme, qu’elle puisse disposer librement de ses organes, qu’on ne tripote pas son secret quand elle dort, quand elle prend le métro, quand elle travaille pour gagner sa vie, car une vie ne se gagne pas, une vie de femme s’étudie puisque c’est la femme qui donne la vie, mais comment fait-elle, et ici une injustice s’instaure, l’homme étant le sot
qui ne sait que pleurer de désir avec ses larmes de foutre, il rampe comme un ver dans les entrailles de l’autre, la femme, l’autre, la femme qu’il ne sera jamais, pour cette raison qu’il ne pourra que battre, vouloir retenir dans ses bras de Léviathan, vu que la femme n’est que vent, brise, foehn brûlant, qu’aucun index d’homme ne pourra pointer, la femme est sable, silex, quartz, si ténus que partout et nulle part elle vibrionne dans l’air qu’on respire à plein thorax,
parce que sans air l’homme tombe, mais là-haut le Dieu de l’Exemplarité doit revoir sa copie, il prend un morceau de glaise et remalaxe deux formes, il enlève à l’une, rajoute à l’autre, et à l’image de la nature végétale, il compose l’humain amphigame, la troisième chance du genre, et comme le Dieu de l’Exemplarité se veut prudent, il lance ses deux formes sur une île d’expérimentation où il peut observer les prototypes de sa nouvelle création, ce n’est pas un
fiasco, il est trop tôt pour se prononcer, dans un premier temps les formes ont été dépressives, aucune occupation ne leur convenait, des mots furent rayés de leur vocabulaire, séduction, pouvoir, plaisir, quand on les rencontre on ne peut pas les différencier, pourtant elles ne se ressemblent pas, elles ont des attributs charmants, aucune forme ne se fait la cour, ni harcèlement, ni abus, alors que reste-t-il aux formes amphigames sur Terre pour espérer se
distraire, créer un idéal, se flatter d’une quelconque acquisition, les formes sont belles, elles ne le savent pas, seulement les hommes et les femmes de l’ancien genre les regardent avec intérêt, quand le dimanche ils viennent se promener sur l’île de l’expérimentation, ils se prennent par la main, se serrent très fort l’un contre l’autre, ils ont des larmes dans les yeux et se demandent si l’amphigame souffre, éprouve des sentiments dans sa nudité naturelle, devenue banale,
l’homme se penche vers la femme et lui dit quelque chose qu’on entend pas, mais la femme l’entend et elle sourit, elle sourit à l’homme qui a baissé sa garde parce que c’est dimanche, de l’insuffisance il pourrait atteindre alors la suffisance, une égalité de douceur entre elle et lui, un nouveau contrat social passé devant les minois indifférents des amphigames expérimentaux, avant qu’ils n’envahissent la planète…