L'O et moi

par Casimir, mardi 05 juin 2018, 19:21 (il y a 2363 jours) @ Casimir

Sur la façade blanche d’un immeuble de quatre étages, plusieurs fenêtre se juxtaposent de haut en bas. Chaque étage fait trois mètres. Les fenêtres se juxtaposent de haut en bas, ou de bas en haut. Parfois, on tire un rideau ou on ferme des volets. Cela dans un ordre bien précis, qui est celui de la grimace. Par exemple, la grimace du troisième étage ferme avant celle du premier étage. Mais tout cela n’a de sens que si on se met face aux fenêtres de l’immeuble. Impossible de percevoir les grimaces si on est de biais ou bien totalement, mais cela n’a pas de sens, derrière la façade. Dans ce cas il serait aussi impossible de voir, et de détailler, que les pieds écrasés des fenêtres font la grimace, dans un ordre bien précis. Ainsi, je ne pourrai pas rendre compte, et vous parler de ce manège, puisque c’en est un, si je n’étais pas bien en face de ce qui arrive, et si je n’en étais pas parfaitement conscient. Et si je n’avais pas moi non plus le pied écrasé, je ne me rendrai même pas compte que je fais la grimace. Si je n’avais pas moi aussi le pied écrasé, par une pression légère, je pourrai même croire que je suis fou, alors que je suis parfaitement conscient. Je pourrais croire, par exemple, que l’ordre de tirer les rideaux ou fermer les volets est arbitraire, ce qu’il n’est pas. D’autant plus qu’il serait épuisant de considérer cet ordre arbitraire, et ça, ma santé ne me le permet pas. J’ai par exemple le pied fragile. Les grimaces aussi sont fatigantes, elles tirent les muscles du visage, et elles doivent se suivrent à la perfection. La réussite de la grimace dépend de toute une série de mouvements précis. Elle ne cède pas à l’improvisation. Un éternuement ou le fait de tousser, par exemple, peut invalider toute une série de grimaces. Alors à quoi servirait mon pied écrasé et l’effort de cette pression légère ? A quoi servirait mon étude méticuleuse de l’ordre des rideaux et des volets tirés ? Cela n’a pas de sens, les étages ne feraient pas trois mètres, la façade ne serait pas blanche, on ne tirerait pas les rideaux et les volets. Ils ne feraient pas la grimace sans leurs pieds écrasés et je n’aurais pas une santé si fragile. Je n’aurais pas le pied écrasé, les fenêtres ne se juxtaposeraient pas de haut en bas, peut-être que je penserai autre chose. Mais ce serait autre chose, et je ne serai pas en face de la façade. Je serai en biais, ou derrière la façade, ce qui n’a pas de sens.

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