La chasse à courre
Je me souviens de ce passage de quelques jours, en primaire, chez un correspondant en tous points différent de mon environnement, vers Bourges. Une belle ville, dans mon souvenir, un peu désuète, au milieu de laquelle une impressionnante cathédrale, que nous avions visité, certains chahutant un peu trop au gré de la guide. Au retour, nous avions composé avec nos camarades quelques planches avec des cartes postales commentées par des écrits de nos âge sur ce séjour. Autour de Bourges, c'était plat, avec des champs immenses, des champs d'une taille que je n'aurais pas imaginé, sans talus, cultivés sur des kilomètres avec des tracteurs gigantesques. Dans la famille du correspondant, je me sentais perdu, sans repère. Au milieu de la salle à manger, des têtes d'animaux empaillés, dans le couloir aussi. Le père était amateur de chasse à courre. Nous étions allés une après-midi l'accompagner, nous étions restés des heures dans un grand manoir à nous ennuyer. Des cris de chiens, de corne, des voix gueulantes. Je ne savoir rien quoi dire, la plupart du temps, je me tenais à carreau. Un jour, à la maison, mon correspondant fut appelé par sa mère en colère, pour une raison que j'ignore. Je me tenais dans la cuisine où j'étais resté, et je l'entendis gronder, et l'autre se débattre, ou faire semblant, puis j'entendis les coups de fouet, et les cris de douleur, ou à moitié de plaisir je ne saurais dire. Je garde un souvenir étrange de ce passage, comme s'il s'était agi d'un autre monde dont je ne connaissais rien, et qui m'apparût crûment, cruel.