Itinéraire d'un enfant raté
Je lis toujours mieux quand il y a du monde autour de moi. Ça me rassure je crois. Le mieux c'est d'aller à l'église. Et le mieux du mieux c'est qu'en plus je ne fume pas, que je sois non-fumeur. Comme ça pas besoin de sortir toutes les cinq minutes. Je dis ça et je viens de faire une pause de plus de deux heures.
Si j'avais passé ces deux heures à travailler, certes cela aurait été du travail, mais dans quel état aurais-je été ? J'aurais eu besoin d'une plus grande pause encore.
Comment faire que la seule pause que l'on s'accorde c'est de se coucher le soir, et même, dans l'absolu, que ce soit seulement la mort au bout de sa vie, sans jamais s'être reposé ?
Seul le Christ y est parvenu semble-t-il. Et encore, ne dort-il dans la barque quand la tempête menace ses compagnons ? Même le Christ...
A quoi rêvait-il alors ? Le diable appelle la mort physique du Christ. Est-ce parce qu'il la veut avant que tout soit accompli ? Les voies du Seigneur sont impénétrables. Mais quelles sont-elles des voies du diable ? Il paraît évident que non, qu'elles ne le sont pas, mais pas pour tout le monde, tout de même.
Or, qui mieux que les saints sont à même de les pénétrer ? Peut-être aussi les génies, car ce qui semble hermétique à ces voies sont la méchanceté et la bêtise, et dont d'ailleurs elles sont les instruments. Aussi d'ailleurs sûrement un faux génie se reconnaît à sa méchanceté, et un faux saint à sa bêtise. Car les deux s'interpénètrent : il n'est pas de saint qui ne soit proche du génie, de même qu'il n'est pas de génie qui ne soit proche du saint. La méchanceté représente l'interdit moral du saint, tandis que la bêtise représente l'interdit moral du génie.
Personnellement, je sais que je peux développer mon intelligence par la charité (par exemple). C'est presque un truc automatique. Je donne ça, Dieu me donne ceci en retour. J'ai néanmoins une incompréhension, parmi d'autres, sur la signification d'ignorer ce que fait sa main gauche pendant que donne la main droite quand on fait l'aumône. Je veux bien que nous ne devions pas être dans un marché avec les hommes. Mais n'est-on pas cependant dans un marché avec Dieu, avec tout l'extrême discernement que cela suppose ?
Je ne crois pas que nous ne soyons pas dans un marché, je crois même que nous sommes en plein dedans, que nous n'en ressortirons même pas forcément après notre mort, que ça continue là-haut, d'une autre manière. Mais jusqu'où ?
Si l'on prend l'exemple suprême, le Christ ne s'en sort pas, il est même le dernier à s'en sortir. Et qui sont d'autres les derniers à devoir s'en sortir ? N'est-ce pas justement les pires scélérats, ceux qui ont le plus de choses à racheter ? Aussi pour s'en sortir au plus vite faudrait-il être dans la moyenne molle, le tiède, la bourgeoisie tranquille et éclairée. N'est-ce pas là un grand paradoxe de la divinité, du christianisme en particulier ? Il faut autant de saints qu'il y a de criminels, autant d'Abel qu'il y a de Caïn, autant de disciples du Christ qu'il y a de Pharisiens, autant de force productive qu'il y a de Capital.
Ou l'équilibre est rompu. Ou c'est la fin du monde. Mais les voies du Seigneur (saigneur ? ) sont impénétrables.
Alors je reviens sur ce que j'ai dit et je me tais. Limite je brûle ce cahier, je n'y pense plus et j'oublierai bien vite ce qui doit être niaiseries devant l'Eternel qui patiente pour moi comme il patiente pour tous les autres imbéciles. Et je n'ai qu'à attendre que Sa pitié m'atteigne et perce la croûte infernale de ma bêtise cristallisée en une souffrance d'insensé.
Je me demandais si j'allais publier sur delivre ces trois dernières pages, mais ce serait une connerie. Je n'ai pas envie d'avoir les inconvénients de la célébrité sans avoir rien d'autre. A la rigueur ce serait un entraînement pour quand je serai célèbre. Mais je n'en suis même pas là. J'ai encore avant énormément de travail pour développer mes talents et, pourquoi pas, faire éclore un génie. Et si pour couronner le tout un jour je deviens célèbre, j'aurai largement assez de temps pour déjouer les pièges les plus subtils. Et puis ce sera un nouveau jeu, un jeu peut-être plus facile en comparaison du jeu auquel je me prépare. Avant le jeu avec les hommes, le jeu avec Dieu... " Nul n'est bon que Dieu seul. " C'est la seule chose, et pas des moindres, qui m'inquiète dans cette perspective bien hypothétique de la course au Goncourt, qui peut tout aussi bien se terminer au rayon supermarché des romans érotiques...
Et si je changeais d'avis ? Il n'y a que les imbéciles qui n'en changent pas, non ?
Si j'avais passé ces deux heures à travailler, certes cela aurait été du travail, mais dans quel état aurais-je été ? J'aurais eu besoin d'une plus grande pause encore.
Comment faire que la seule pause que l'on s'accorde c'est de se coucher le soir, et même, dans l'absolu, que ce soit seulement la mort au bout de sa vie, sans jamais s'être reposé ?
Seul le Christ y est parvenu semble-t-il. Et encore, ne dort-il dans la barque quand la tempête menace ses compagnons ? Même le Christ...
A quoi rêvait-il alors ? Le diable appelle la mort physique du Christ. Est-ce parce qu'il la veut avant que tout soit accompli ? Les voies du Seigneur sont impénétrables. Mais quelles sont-elles des voies du diable ? Il paraît évident que non, qu'elles ne le sont pas, mais pas pour tout le monde, tout de même.
Or, qui mieux que les saints sont à même de les pénétrer ? Peut-être aussi les génies, car ce qui semble hermétique à ces voies sont la méchanceté et la bêtise, et dont d'ailleurs elles sont les instruments. Aussi d'ailleurs sûrement un faux génie se reconnaît à sa méchanceté, et un faux saint à sa bêtise. Car les deux s'interpénètrent : il n'est pas de saint qui ne soit proche du génie, de même qu'il n'est pas de génie qui ne soit proche du saint. La méchanceté représente l'interdit moral du saint, tandis que la bêtise représente l'interdit moral du génie.
Personnellement, je sais que je peux développer mon intelligence par la charité (par exemple). C'est presque un truc automatique. Je donne ça, Dieu me donne ceci en retour. J'ai néanmoins une incompréhension, parmi d'autres, sur la signification d'ignorer ce que fait sa main gauche pendant que donne la main droite quand on fait l'aumône. Je veux bien que nous ne devions pas être dans un marché avec les hommes. Mais n'est-on pas cependant dans un marché avec Dieu, avec tout l'extrême discernement que cela suppose ?
Je ne crois pas que nous ne soyons pas dans un marché, je crois même que nous sommes en plein dedans, que nous n'en ressortirons même pas forcément après notre mort, que ça continue là-haut, d'une autre manière. Mais jusqu'où ?
Si l'on prend l'exemple suprême, le Christ ne s'en sort pas, il est même le dernier à s'en sortir. Et qui sont d'autres les derniers à devoir s'en sortir ? N'est-ce pas justement les pires scélérats, ceux qui ont le plus de choses à racheter ? Aussi pour s'en sortir au plus vite faudrait-il être dans la moyenne molle, le tiède, la bourgeoisie tranquille et éclairée. N'est-ce pas là un grand paradoxe de la divinité, du christianisme en particulier ? Il faut autant de saints qu'il y a de criminels, autant d'Abel qu'il y a de Caïn, autant de disciples du Christ qu'il y a de Pharisiens, autant de force productive qu'il y a de Capital.
Ou l'équilibre est rompu. Ou c'est la fin du monde. Mais les voies du Seigneur (saigneur ? ) sont impénétrables.
Alors je reviens sur ce que j'ai dit et je me tais. Limite je brûle ce cahier, je n'y pense plus et j'oublierai bien vite ce qui doit être niaiseries devant l'Eternel qui patiente pour moi comme il patiente pour tous les autres imbéciles. Et je n'ai qu'à attendre que Sa pitié m'atteigne et perce la croûte infernale de ma bêtise cristallisée en une souffrance d'insensé.
Je me demandais si j'allais publier sur delivre ces trois dernières pages, mais ce serait une connerie. Je n'ai pas envie d'avoir les inconvénients de la célébrité sans avoir rien d'autre. A la rigueur ce serait un entraînement pour quand je serai célèbre. Mais je n'en suis même pas là. J'ai encore avant énormément de travail pour développer mes talents et, pourquoi pas, faire éclore un génie. Et si pour couronner le tout un jour je deviens célèbre, j'aurai largement assez de temps pour déjouer les pièges les plus subtils. Et puis ce sera un nouveau jeu, un jeu peut-être plus facile en comparaison du jeu auquel je me prépare. Avant le jeu avec les hommes, le jeu avec Dieu... " Nul n'est bon que Dieu seul. " C'est la seule chose, et pas des moindres, qui m'inquiète dans cette perspective bien hypothétique de la course au Goncourt, qui peut tout aussi bien se terminer au rayon supermarché des romans érotiques...
Et si je changeais d'avis ? Il n'y a que les imbéciles qui n'en changent pas, non ?