travelling latéral

par seyne, lundi 25 mars 2019, 15:42 (il y a 2070 jours)

j’ai glissé pendant des jours
à la surface lisse d’un fleuve
ou d’un canal ancien et rectiligne orienté d’est en ouest.
il n’y avait aucun choc, l’eau me portait comme de l’huile.
ainsi je suis sortie des lieux
que je connaissais.

les maisons, les rives d’herbe
le bruit murmurant des avions au-dessus
le voyage des nuages dans l’autre sens
c’était comme si la ciel et la terre
me quittaient doucement
s’effaçaient.

je me disais qu’on ne désire vraiment que l’aventure, l’ailleurs
mais qu’au bord du pays des autres
au bord du mystère,
debout sur la frontière on ne peut que voir, deviner.
on peut pas appartenir, alors on glisse.
à chacun sa langue maternelle, dont les subtilités échappent à tout autre personne
– forcément étrangère.

ainsi depuis la ligne de partage je regardais, je passais, debout sur la péniche de ma vie.
et ton pays défilait dans l’autre sens sous mes yeux, majestueux et ordinaire
avec ses maisons aux façades offertes.

je tendais l’oreille
imaginant les gens à l’intérieur des maisons
attentive à ce qui sortait des cheminées ou des portes-fenêtres
entrebâillées sur les jardins qui bordaient le canal.

comme ces cavités, ces ouvertures du corps,
attendent d’être remplies
de sons d’images ou de nourriture
ou du contact d’un autre corps sensible.

travelling latéral

par au phil de la vie, lundi 25 mars 2019, 17:53 (il y a 2070 jours) @ seyne

Beau poème ! Savoureux.

"à chacun sa langue maternelle, dont les subtilités échappent à tout autre personne
– forcément étrangère."

travelling latéral

par sobac @, lundi 25 mars 2019, 18:35 (il y a 2070 jours) @ seyne

j'ai descendu le fleuve au gré de tes mots de tes emotions, la lumière comme un phare me guidant dans les strates de ma vie
un film ou le dialogue me pousse à rêver, imaginer, sans jamais avoir l'impression d'être sur un strapontin

travelling latéral

par Périscope @, lundi 25 mars 2019, 19:12 (il y a 2070 jours) @ sobac

ce que j'apprécie c'est le brouillage entre le monde réel, concret, et l'émotion, la pensée, le sensible

souvent on bascule soit dans l'abstrait ou le réalisme obtus, tandis que là tu parviens à tenir cet équilibre fragile, aléatoire

ce qui fait que les "marqueurs" réels permettent au lecteur de rentrer dans le contexte, c'est une porte compréhensible et ensuite on peut te suivre dans tes projections plus personnelles, ton voyage intime

c'est un compromis d'écriture très agréable pour nous

ce travelling latéral devient aussi celui d'une transversalité (comme on dit aujourd'hui)