focale (15)
par seyne, jeudi 28 mars 2019, 22:46 (il y a 2067 jours)
Il a plu toute la journée d’hier. Aujourd’hui il a fait froid mais le lycée est bien chauffé. C’est vrai, dans la cour on a eu froid.
Je longe une longue palissade, derrière laquelle il n’y a encore que la terre remuée, nue. Bientôt quelque chose sera construit, « sortira de terre » comme on dit, et la palissade disparaîtra.
De l’autre côté du grand espace vide que je peux voir par les ouvertures, il y a des affiches mouillées. Un garçon erre dans cet espace, interdit par des petits panneaux rouges. Il a les mains dans les poches, regarde tout le temps à ses pieds. Il cherche sûrement quelque chose. Des pièces de monnaie ? des objets qu’il a repérés ? Il s’éloigne de moi en marchant, je le vois prendre son élan devant une grande flaque (j’ai cessé de marcher moi-même pour mieux le voir). Il fait un grand bond, atterrit dans une éclaboussure, poursuit sa route et disparaît.
un nain jailli d’une porte invisible
survole la flaque miroitante
il va c’est sûr crever l’écran
la palissade ne le retiendra pas
il est le maître du crépuscule
comme les chauve-souris, comme le vent qui soulève
un rideau bariolé
focale (15)
par 411, vendredi 29 mars 2019, 11:33 (il y a 2066 jours) @ seyne
Et puis ce petit poème à la fin nous rappelle qu'on est en poésie.
C'est beau, quoi.
focale (15)
par souvenirs vous avez une âme sobac , vendredi 29 mars 2019, 11:47 (il y a 2066 jours) @ 411
focale (15)
par Périscope , samedi 30 mars 2019, 10:52 (il y a 2065 jours) @ seyne
pas de réponse nécessaire
il s'agit bien d'un saut
comme tous les sauts, c'est un élan vers ce qui n'aboutit pas toujours
et heureusement
cela permet d'y suspendre l'imaginaire
le garçon (vrai) atterrit et disparaît
le nain, avec sa singularité, devient l'allégorie d'une hyperbole, dans tous les sens du terme
ton texte est une démonstration de liberté
focale (15)
par seyne, dimanche 31 mars 2019, 13:37 (il y a 2064 jours) @ seyne
Je poursuis cette tentative : prendre dans l'ordre, l'une après l'autre, les photos très célèbres du livre de Cartier Bresson qu'on m'a offert. La contrainte existe, parce que la plupart du temps l'inspiration n'est pas au rendez-vous, au début.
Pour celle-ci (un homme saute au-dessus d'une très grande flaque dont il n'atteindra évidemment pas le bord - en arrière plan une grille et un homme qui le regarde - encore en arrière-plan, à peine visible, une série d'affiches dont une avec la silhouette d'un petit personnage genre lutin), j'ai essayé deux fois d'écrire quelque chose.
la première c'est le petit poème que j'ai mis en fin de texte ; la seconde c'est le début, un récit imaginaire, écrit sans avoir revu la photo depuis longtemps.
Je commence à comprendre ce qui m'intéresse dans cette série: d'abord notre capacité à "entrer" dans une image, à en faire un récit personnel, voire un souvenir, ensuite cette question de l'esthétisation de la réalité, la création d'un arrière-plan autre, dont je viens de comprendre à quel point elle est vitale, mais aussi inévitable.
Il peut arriver, quand on donne des neuroleptiques à un patient délirant qu'on "éteigne" en même temps cette capacité...alors il arrête tout de suite le traitement s'il le peut.
focale (15)
par seyne, dimanche 31 mars 2019, 13:52 (il y a 2064 jours) @ seyne
focale (15)
par Périscope , lundi 01 avril 2019, 15:05 (il y a 2063 jours) @ seyne
photos, souvenirs, un appel du réel...
nous ne pouvons pas "nous écrire nous même" sans une référence du dehors
peut-être le malade mental parvient-il à produire sans le dehors, et encore...
la question qui m'arrive, c'est comment s'organise l'équilibre, la proportion, entre dedans et dehors ?
autrement dit où est le zeste de fantasme, à partir de quand l'ogre du réalisme
s'instaure-t-il, ceci dans une écriture dite poétique ??
focale (15)
par seyne, lundi 01 avril 2019, 15:43 (il y a 2063 jours) @ Périscope
Et notre corps lui-même, nous ne l'appréhendons qu'à travers des outils qu'on nous a donnés.
je pense que ces photos ne seraient pas aussi inspirantes pour moi si elles ne se situaient pas presque toutes à une époque où j'étais enfant. l'émotion et la nostalgie, l"esthétisation" naturelle des enfants sont toujours présentes.
il y a aussi le hasard qui entre dans le processus de création. Par exemple les deux petits textes dont j'ai fait un "collage" dans un deuxième temps font beaucoup écho aux deux plans de la photo : l'homme qui saute et l'affiche étrange au fond. Réel et imaginaire, on pourrait dire ça. Je suis toujours frappée par la façon dont nous vivons, pensons, dans l'interface entre ces deux mondes.
focale (15)
par Périscope , mardi 02 avril 2019, 16:36 (il y a 2062 jours) @ seyne
Réel et imaginaire, on pourrait dire ça. Je suis toujours frappée par la façon dont nous vivons, pensons, dans l'interface entre ces deux mondes.
émotion, nostalgie, enfance : traitres mots
pour ma part ils me poissent, mais c'est personnel !
l'essentiel est le "soulagement" que tu en tires
ces maux font écrire, l'examen de conscience possible pour avancer, et créer
partager aussi avec l'autre pour se sortir de l'autisme
ce qui nous est commun et singulier ; ce distinguo peut aider notre construction
focale (15)
par seyne, mardi 02 avril 2019, 18:46 (il y a 2062 jours) @ Périscope
Devenir adulte, pouvoir enfin choisir, construire, explorer, agir, être autonome, ça a été une délivrance. Et j'ai aussi une vie agréable maintenant, où je n'ai plus trop à choisir, construire, agir, où j'ai le sentiment d'avoir "rempli mon contrat"...même s'il y a un prix à payer, d'autres manques.
Non, quand je parle de "nostalgie", je parle de ces ambiances, odeurs, images anciennes qui se sont profondément inscrites, presque oubliées, et qui ressurgissent parfois avec intensité, dans leur nouveauté primitive, au hasard de ce qu'on vit.
Quand cela m'arrive, c'est comme si je ressentais le tissu de la vie, la nature organique du temps, ce mystère dont on a la prescience dans l'enfance. C'est le sentiment de ce mystère que j'appelle "esthétisation". Il n'y a rien de poisseux pour moi dans cette émotion, au contraire, elle me ressource.
Et les images de Cartier Bresson me ramènent dans ce mystère-là.
Peut-être je me trompe, mais il me semble que si cela ne te parle pas, il y a par contre chez toi aussi une fascination pour les mystères, que tu explores par les travail du style.
focale (15)
par Périscope , mercredi 03 avril 2019, 10:07 (il y a 2061 jours) @ seyne
je comprends mieux ta notion d'esthétique et de nostalgie. D'accord.
Les photos de Cartier Bresson, je les connais assez bien.
Moi-même j'ai rédigé des dizains à propos d'elles.
Certaines me parlent aussi à leur manière.
Je m'étais donné la contrainte du "dizain", pour justement éviter de basculer
dans la "biographie", le journal intime, l'épanchement trop personnel et direct.
Il est vrai que je cherche souvent un prime formel pour mettre à distance
la subjectivité et l'intime...
donc tes focales sur ce sujet m'interrogent beaucoup.
focale (15)
par seyne, mercredi 03 avril 2019, 11:14 (il y a 2061 jours) @ Périscope
Mais cette série "focales" en appelle plus à l'imagination qu'à des souvenirs personnels. Par exemple la scène décrite dans celle-ci est purement imaginaire. A part peut-être les palissades qui dans mon souvenir étaient assez fréquentes dans le XXème arrondissement où j'ai grandi.
focale (15)
par dh, mercredi 03 avril 2019, 12:35 (il y a 2061 jours) @ seyne
le XXème arrondissement où j'ai grandi. >>>
tu étais dans quel coin ? moi je suis près de place gambetta.
focale (15)
par seyne, mercredi 03 avril 2019, 17:07 (il y a 2061 jours) @ dh
Mais le quartier a beaucoup changé, par exemple il y avait une menuiserie dans la courte rue que je prenais pour aller à l’école, de la sciure entre les pavés, qui ont été bitumés.
Ce qui n’a pas changé du tout c’est le square Sarah Bernard où ma mère nous amenait chaque jour après l’école. Je suis retournée voir tout ça récemment, c’est devenu assez classe. C’était des quartiers populaires, en chantier.
focale (15)
par dh, jeudi 04 avril 2019, 09:24 (il y a 2060 jours) @ seyne
place Émile Landrin>>>
ça alors ! c'est juste à côté de chez moi !