Texte de saison
Si l’envol noir d’une pie strie le ciel,
le soleil illumine un coin de carrelage pas encore nettoyé par la fille de ménage,
mais le nid perché là-haut dans le frêne blanc nous donne envie d’être oiseau,
car si on observe bien les pins en écoutant la mer,
les pins finiront par se balancer au rythme des vagues.
C’est ici que Judith, en petite robe à fleurs, mollets musclés et gros nœud,
désire fortement écrire une phrase avec le mot « promenade ».
Toutefois, il n’y a que le soleil couchant,
qui peut éclairer frontalement le revers d’une feuille,
parce que changer de fenêtre pour regarder le monde,
n’est pas moins difficile que de changer de maison,
surtout quand le chat de Judith éternue en secouant exagérément son corps.
Bien sûr, on revient toujours aux mêmes images parce qu’elles ne sont jamais vivantes.
La transparence d’un arbre l’hiver laisse mieux voir les nuages lointains.
Les Gueules de Loup, dans leur bac, se trémoussent au soleil.
Un cerisier en fleurs éclaire la nuit.
Des petits drapeaux qui claquent dans le vent se réjouissent d’être vus.
Une feuille de chêne tombée à terre se redresse, aidée largement par la brise.
La floraison du cerisier s’invite jusque sur la table de mon salon.
Ce n’est pas le rossignol qui chante, c’est l’arbre tout entier.
Le matin, dans le lit, on s’étire longuement pour toucher la croûte terrestre,
qu’il faudra fouler.
Un ciel nuageux aujourd’hui est incertain, même pour le croyant.
Etrangement, quand je décide que mon regard devienne poème,
les choses se mettent à gondoler de rire.
Alors pour la Fête du Printemps,
un jardinier accroche des feuilles vertes aux branches des arbres.
Pour laver les vitres, la fille s’accroupit devant,
les vitres alors baissent les yeux.
Les parents marchent sur le macadam,
mais les enfants piétinent l’herbe de la pelouse.
Judith regarde infiniment le paysage flotter entre les bourgeons.
Sur le toboggan de l’aire de jeux,
les moineaux se posent pour en faire leur perchoir.
Quelqu’un qui marche sous la pluie battante,
s’imagine être sous le soleil.
Il faut avouer que lorsque le brasier de la vie ne me consume pas,
j’allume des briquets poétiques.
Et mes obsessions deviennent ce brouillard,
où on aurait kidnappé le soleil.
Il n’y a qu’une linotte, pour siffloter ce texte de saison sans raison.
Le vent s’engouffre dans les jupes des fleurs.
Et si une fille court, ses cheveux l’accompagnent naturellement.
Sur la pelouse neigent des averses drues de pâquerettes.
Les vacanciers et les paysans n’ont pas une même opinion du soleil.
Dans le ciel crémeux, les montagnes se montrent avec leurs chapeaux pointus.
Et une jeune fougère se dresse, gaillarde, au-milieu de la rouille des anciennes.
Judith alors dessine d’un trait la forme croquignolette des Gueules de Loup,
roses et mauves sur fond de ciel bleu,
pendant que les arbres verdissent tendrement,
dans les ultimes brumes trainardes de l’hiver.