Le virus de la rime

par Périscope @, mercredi 10 juillet 2019, 16:38 (il y a 1963 jours)

Le virus de la rime


Un poulain se positionne dans l’ombre de sa jument.
Sous le feuillage thérapeutique d’un chêne je m’arrête un moment.
C’est au détour d’un virage qu’apparaissent soudain les masures de l’enfance,
ces portes qui claquent dans des courants d’air de souffrance,
parce que les hommes les ferment mal.
Pourquoi ma tristesse est plus lourde qu’une joie normale ?
C’est d’elle surtout dont je me souviens.
Les mères mettent ainsi au monde des enfants sereins,
pour plus tard les accabler de leur agonie.
J’aimerais tant utiliser une métaphore mieux choisie ;
cette Gueule de Loup est aussi avide d’eau,
que les naufragés d’un radeau.
En écrivant on dresse un tribunal,
dont nous sommes l’accusé principal.
D’autres préfèreront jouer de la clarinette,
et qu’entre leurs doigts dansent des filles blondinettes.
Je marche sur des môles, je bute contre les océans,
des mouettes me guident dans leurs couloirs géants.
Une journée sans problème serait donc problématique,
comme un paysage sans ombre fantomatique.
Mais ce qui nous traverse n’est pas ce qu’on pense.
Le vent apporte des choses sans importance.
Et le blanc laiteux du raisonnement,
ne se mélange pas au café noir du désir naturellement.
Comment connaître son manque,
puisqu’il nous manque ?
Le chat frotte sa mélancolie contre des barreaux de chaise.
Le sculpteur pelote sa folie dans des boules de glaise.
Tandis que la pie se balance sur une branche de pin,
les pauvres gens dépensent leur argent de bon matin,
le vent balance la branche et la pie,
tandis que les riches dépensent leur argent après midi.
Les pigeons roucoulent, l’avion gronde, la mer mugit.
La métaphore est mon maquillage, une idéologie.
Saluer quelqu’un dans la rue, c’est lui ouvrir une porte.
Les rivages sont à la jeunesse pendant que le fleuve m’emporte.
Regardons sur le macadam mouillé,
un chat roux se déplacer,
avec la dégaine d’un guépard.
Regardons sur les remparts,
notre conscience rouiller,
cette gardienne hagard,
qu’on met à l’épreuve toute la journée.
L’infirmière est bourrée, sa piqure sera ivre.
Pendant les canicules, notre peau est de cuivre.
Mais si vous jetez vos ongles de pieds dans la nature,
des hommes végétaux sortiront de vos raclures.
Dans les villages le ciel plante son chapiteau de plomb.
Sous le soleil on est tous égaux et couillons.
Mais quel ennui sont ces mots à l’universelle définition !
Les gens ne meurent pas pour eux-mêmes,
mais pour les autres qui les aiment.
Et si un livre ouvre nos mains, c’est pour qu’on le lise,
avant que les tempêtes nous martyrisent.

Le virus de la rime

par sobac @, jeudi 11 juillet 2019, 10:02 (il y a 1962 jours) @ Périscope

de belles rimes, pur un virus a fleur de peau


Une rime en voyage

Il y avait une rime en bout de page, voyage
Le sac était prêt, et mes souliers aussi
Restez l’itinéraire, mais ce n’est jamais un souci
Quand t’as le temps d’improviser en matant les nuages

La rime me rattrapait me parlait d’aventures
Loin des tracas de la vie, bien plus loin que la périphérie
Vers un univers sans règles préétablies
À la frontière des songes qui ont la vie dure

Le voyage serait une succession de belles images
Un condensé d’instants volés au temps
Des moments d’exaltations intenses assurément
Avec des arrêts inattendus en gare de triage

D’innombrables carrefours m’indiquant d’autres détours
Quelques impasses les jours de spleen
Mais aussi des boulevards avec d’authentiques héroïnes
Et puis des rues encore et toujours, chaque jour

Il y aurait bien sur les odeurs qui donnent la direction
Quand perdu, seul, sans la moindre tune
Un signe, un instinct orientent les pas vers la lune
De ces nuits bercées par des paroles de vagabonds

Au hasard des rencontres, des aléas, et autres et cætera,
Viendront s’ajouter des discussions passionnantes
Des idées en devenir et des utopies permanentes
Avec le brin de folie nécessaire à cet Himalaya

Quand l’occasion fera une pirouette en chanson
La rime en voyage dansera sur mes empreintes
Et les nuits deviendront des issues loin de mes craintes
Dans une symphonie d’émotions et de tourbillons

Le jour où la page sera tournée, la rime endormit,
Les pas fatigués d’avoir trop imaginé l’azur étoilé.
L’heure sonnera au carillon enfin décidé à sonner
Le temps du voyage, de la rime amie, plus besoin d’alibis

Le virus de la rime

par Annie, jeudi 11 juillet 2019, 20:27 (il y a 1962 jours) @ Périscope

"Comment connaître son manque,
puisqu’il nous manque ?"

lumineux (je ne plaisante pas!)

Le virus de la rime

par catrine, jeudi 11 juillet 2019, 22:13 (il y a 1962 jours) @ Annie

Le virus de la rime

par 411, vendredi 12 juillet 2019, 18:35 (il y a 1961 jours) @ Périscope

Eh bien voilà: sir Periscope sort de l'entraînement pour marquer l'essai qui renversera le match.. Un très beau poème, qui va plus loin que la maîtrise technique (hin hin), qui vient toucher le coeur à grands coups d'images précises et fortes.
J'ai aussi adoré la phrase sur le manque.
Le verbe est affûté, et j'aime le mot "couillon", et ce poème est grand.

Le virus de la rime

par Timothée @, vendredi 12 juillet 2019, 19:10 (il y a 1961 jours) @ Périscope

Le virus de la rime

par catrine, jeudi 18 juillet 2019, 19:24 (il y a 1955 jours) @ Périscope

allo

j'ai marché dedans complètement, même ton "hagard" m'a fait sourire,
alors que d'habitude la rime me semble si artificielle et forcée, tu fais ici l'antithèse de..
c'est comme de l'eau fraîche — le poème est vivant
chapeau