Au salon
Murielle, debout, refermant son livre, dit :
Le balcon dans la clarté matinale et le céladon des feuillages devient mauve.
Sylviane, assise, faiblement dit :
Les pétales fanés au pied du camélia sont ses gouttes de sang.
Ode, venant du jardin, dit :
Moi, je trouve que le seuil de la porte est l’endroit le plus agréable pour un invité.
Stan, fumant son cigare, dit :
Pour écrire le réel, il faudrait d’abord le vivre.
Alban, marchant nerveusement, dit :
Dans ce qu’on fait, la contrainte souvent est ce qu’on ne sait pas faire.
Murielle, déclamative, dit :
Mon premier baiser du matin fut le sourire de l’autre.
Alban, essuyant le verre de ses lunettes, dit :
L’ombre des chiens sous les arbres ressemble à des sangliers.
Stan, poursuivant, dit :
Les animaux et les plantes sauvages prennent la couleur des alentours.
Alban, rechaussant ses lunettes, dit :
Aujourd’hui, la pluie accélère prodigieusement la pousse des feuilles.
Sylviane, un peu désespérée, dit :
Les sommets arborent leurs dernières neiges sous le ciel éblouissant.
Alban, dubitatif, se laissant tomber dans un fauteuil, dit :
Mais comment se mettre à la place d’un animal sans imagination ?
Stan, posant son cigare, dit :
Oh ! par temps de canicule, seul le vent a pitié des hommes.
Ode, riant aux éclats, dit :
Il mettait son bonnet de nuit pour se protéger du soleil.
Stan, après une quinte de toux, dit :
Créer, c’est être dans la séparation de ce que nous admirons.
Alban, se dirigeant vers la fenêtre, dit :
Comment aimer la voix d’un président à qui on a pas donné sa voix ?
Murielle, nostalgique, dit :
Un paysage est souvent mieux ordonné qu’une maison.
Ode, s’emparant du livre de Murielle, dit :
Les gens racontent leurs petites histoires surtout pour eux-mêmes.
Stan, à la recherche d’un verre d’eau, dit :
Le grondement de l’orage n’est peut-être que le bruit du voisin du dessus.
Murielle, Sylviane, Ode, Stan, Alban, regardent craintivement le ciel,
qui n’est autre que le plafond.
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