scribe en route

par mg, mercredi 28 août 2019, 21:41 (il y a 1914 jours)

( salut aux ex du bleu; juste de passage. Bonne journée à tous - Michel )

...

[Le Scribe en route. ]

Des années plus tard (selon les computs orbiculaires du soleil)
je croiserai dans une campagne remontant encore une fois au vent jaune
d’où bifurquent de nos élans la plupart des pensées ou des actes
vindicatif comme un prophète blessé par la doucerie des repas de famille

rien dans la pluie qui trempait peu à peu mes épaules
ne permettrait d’affirmer qu’elle n’est pas littéraire :
ainsi que de la gorge du serpent entortillé à l’arbre
fameux s’inspirent et s’expirent des histoires sans fin
en cette pluie s’unissaient et se séparaient maintes distances.

Mes seize ou dix sept ans m’ont rejoint :
tout ce temps j’ai marché marché et marché
en route vers le Château : de temps en temps j’en aperçois
les tourelles élancées, ou des chats imprévus courent à ma rencontre
avant de filer comme des éclairs noirs sous les fourrés
puis je le perds de vue - j’ai demandé mon chemin, bah.

Un moment je me suis tenu dans mes chaussures les pieds
visqueux d’argile et de boue sur le bord d’une sorte de combe :
la pluie bouillonnait au fond de quoi sur un fleuve imprécis de limons :
de l’autre côté en face de moi une silhouette brouillée
se tenait toute semblable à celle que j’aurais dû lui sembler
si mon regard avait rejoint ses yeux. Exalté, terrifié

en ces lieux sans guide, peu à peu glacé par la pluie

ne sachant pas où je pourrais me reposer le soir où m’abriter
je regardais mon double à moitié disloqué par les paumes d’eau
apparaissant, disparaissant sous les grandes flaques verticales.
La pluie, le ravin aux pentes douces, la terre, et la pluie grisaillées,
tout concourait au désir de traverser, de rejoindre, s’unir !
La peur, la solitude, les bouillons du marais s’écoulant
me retinrent sur les bords du ravin.

Puis plus tard le même jour 

me trouvant sous les buissons j’avançais vers la mandorle
de deux branches de sureau en travers du chemin : claires écorces !
Tout ce temps j’avais marché marché et marché
en route vers le Château : de temps en temps j’en apercevais
les tourelles élancées, ou des chats imprévus couraient à ma rencontre
avant de filer comme des éclairs noirs sous les fourrés
puis je le perdais de vue. La pluie désormais
s’était élevée, dont des gouttes scintillaient aux feuilles
sous les branches, dessus les frondaisons.

J’avançais vers les deux tiges inclinées, dont l’écorce était claire,
et qui formaient un arceau sur le chemin du sentier :
les deux branches étarquaient entre elles une membrane : était-ce le sas?

...

("les Thèses Inconnues" - "quelques temps après" - p151-153 )

scribe en route

par soledad, jeudi 29 août 2019, 06:34 (il y a 1913 jours) @ mg

Kafkaien...quête où se mêlent le surréalisme du rêve et la destinée. Que de sensations contradictoires à la lecture de ces vers!

scribe en route

par dh, jeudi 29 août 2019, 08:50 (il y a 1913 jours) @ mg

Michel ! ça alors ! après toutes ces années .... quoi de neuf ?

scribe en route

par dh, lundi 02 septembre 2019, 16:57 (il y a 1909 jours) @ dh

tu ne me réponds pas michel ?

ça t'arracherait la gueule un petit mot de gentillesse ?

scribe en route

par seyne, jeudi 29 août 2019, 10:23 (il y a 1913 jours) @ mg

Bonjour Michel, c’est un plaisir de te relire ici. Moi je n’ai pas pensé à Kafka, on ne sent pas de présence oppressive dans ce château, plus proche de celui des contes ou des quêtes chevaleresques. Le texte me semble une réflexion sur la figure de l’alter ego, à la fois témoin de notre division irréparable et compagnon dont l'altérité nous sauve de la solitude mortelle. Mais je suis sans doute influencée dans ma lecture par le petit poème que je viens de poster.

Je retrouve en tout cas la dimension initiatique de tes écrits, ce thème de l’errance solitaire et de la quête, mais aussi de quelle façon tu t’appuies dans ton récit sur des formes anciennes, comme si le voyage de la vie ne pouvait se séparer du long voyage de la littérature...mais bien entendu la modernité, la singularité est là aussi.

scribe en route

par sobac @, jeudi 29 août 2019, 10:52 (il y a 1913 jours) @ mg

n'étant qu'un scribouillard, j'apprécie cette prose

scribe en route

par Périscope @, jeudi 29 août 2019, 11:17 (il y a 1913 jours) @ sobac

on remarque aussi la magie de la phrase longue
la vigilance de l'auteur du détail à développer venant sous la plume (ou la touche)

une quête, oui, avec des arrêts, car ce qui compte dans la quête, c'est le chemin

la lecture de ce texte le montre bien