Neiges
il neige
les flocons recouvrent rêves et souvenirs
les flocons rassemblent les vivants comme les morts
enfouis sous le manteau
je les entends
j’aime leurs voix mêlées
uniformes sous le linceul blanc
les peines comme les joies
et mon traineau glisse accrochant leurs mains leurs pieds
il neige beaucoup dans la tourmente
il neige beaucoup pour que s’étoffe la blancheur qui nous sépare
ces soleils blafards qui rendent admissibles l’enfouissement des corps
tout est beau
le sautillement d’un oiseau qui ne conduit nulle part
mais je vois très loin jusqu’à la dispersion de mes ennuis
une cheminée un village une barrière
pendant des heures le monde réprime son orgueil
neige sereine que mon sommeil rencontre
neige du vieux temps du babil des enfants quand les cristaux brûlaient nos paumes rougies
neige qui habille tout de blanc les ossements des charniers
neige qui renvoie à demain ce qu’on doit faire aujourd’hui
neige sur les routes disparues
neige de l’apaisement
neige qu’il ne faut pas balayer devant sa porte
neige purgative des limbes
neige tombée tombante
sur les tombes
neige qui étouffe le bruit bavard des hommes
neige polaire fantasme du casanier
neige constante des ciels d’hiver
neige des éternels retours
neige l’écriture froide de mes mots
faudrait que j’éteigne mon téléviseur pour que je vois le monde
cette pluie de flocons obstrue ma tête
*