focale (16)
par seyne, mardi 15 octobre 2019, 14:19 (il y a 2007 jours)
Il cherchait la douleur et la beauté, comme un ange charognard aux yeux bleus, il n’avait pas assez souffert, c’est tout.
focale (16)
par seyne, mardi 15 octobre 2019, 14:31 (il y a 2007 jours) @ seyne
La visière de sa casquette aussi était éclairée par en dessous, ainsi que son regard inquiet, ses yeux détournés. À quoi servaient ces boîtes oblongues ? On aurait pu croire qu’il y cachait ses bras, ou plutôt des moignons ? L’ idée invérifiable modifiait tout, et l’énigme de l’horreur emplissait l’esprit, obscurcissait la scène entière, tandis que sa noire lumière le faisait ressortir plus nettement. Il semblait que la lumière du ciel n’était là que pour écraser ses épaules vêtues d’une veste grise, qu’un éclat venu de l’enfer révélait par ces reflets étranges son visage, sa douleur sans remède, ses yeux pourtant encore témoins de tout, de tout le reste de sa vie à vivre.
focale (16)
par seyne, mardi 15 octobre 2019, 14:48 (il y a 2007 jours) @ seyne
L’homme, je l’ai vu de dos, j’ai mis un instant à comprendre, j’ai compris ce qui lui était arrivé, ce qu’il faisait, la lumière était puissante comme sur une scène, je l’ai doublé, je me suis retourné et je l’ai pris.
Proie au-delà de la chasse, roi déchu sans royaume, il a détourné la tête. J’ai lu comme un livre entier dans ce mouvement, comme s’il m’apprenait quelque chose de ma hantise. Les autres gens de la rue me regardaient aussi, visage vide, eux qui avaient appris depuis si longtemps à l’épargner, à l’entourer de leurs non-regards.
focale (16) corrigé
par seyne, mardi 15 octobre 2019, 15:20 (il y a 2007 jours) @ seyne
Il cherchait la douleur et la beauté, comme un ange charognard aux yeux bleus, il n’avait pas assez souffert, c’est tout.
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La lumière tombait droite dans la rue, elle se reflétait sur les sortes de boîtes vernies que portait l’homme de chaque côté de son torse étroit, et éclairait son visage par en dessous. Il avait un de ces vieux visages secs, petit homme aux aguets.
La visière de sa casquette aussi était éclairée par en dessous, ainsi que son regard inquiet, ses yeux détournés. À quoi servaient ces boîtes oblongues ? On pouvait croire qu’il y cachait ses bras, ou plutôt des moignons ? L‘idée invérifiable flottait sur tout, et l’énigme emplissait l’esprit, obscurcissait la scène entière, tandis que sa noire lumière le faisait ressortir plus nettement. Il semblait que la lumière du ciel n’était là que pour écraser ses épaules vêtues d’une veste grise, qu’un autre éclat venu de l’enfer révélait par ces reflets étranges son visage, sa douleur sans remède, ses yeux pourtant encore témoins de tout, de tout le reste de sa vie à vivre.
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Je marche tout le temps aux aguets, rien d’autre ne m’intéresse que « voir ». L’appareil n’est là que comme un Jiminy Cricket, un autre moi mécanique, qui m’empêche de perdre du temps, qui met le temps de côté.
L’homme, je l’ai vu de dos, j’ai mis un instant à comprendre, j’ai compris ce qui lui était arrivé, ce qu’il faisait, la lumière était puissante comme sur une scène, je l’ai doublé, je me suis retourné et je l’ai pris.
Proie au-delà de la chasse, roi déchu sans royaume, il a détourné la tête. J’ai lu comme un livre entier dans ce mouvement, comme s’il m’apprenait quelque chose de ma hantise. Les autres gens de la rue me regardaient aussi, visage vide, eux qui avaient appris depuis si longtemps à l’épargner, à l’entourer de leurs non-regards.
focale (16) corrigé
par sobac , mardi 15 octobre 2019, 20:00 (il y a 2007 jours) @ seyne
ensuite reste la photo et l'appreciation de ceux qui la regarde
et là débute les interrogations , pourquoi avoir saisi cet instant
est ce pour fabriquer une photo parfaite ou alors c'est l'improvisation totale simplement pour le plaisir de partager sa passion
voila pour cette focale bien retranscrite
focale (16) corrigé
par seyne, mardi 15 octobre 2019, 20:13 (il y a 2007 jours) @ sobac
Pour cette série des « focales », je m’oblige à suivre dans l’ordre les photos du livre et ça faisait très longtemps que je buttais sur celle-ci, à cause des étranges boîtes et de leur contenu invisible je crois.
Finalement j’ai remarqué combien les regards des personnages (et celui du photographe) sont divergents.
focale (16) corrigé
par Périscope , mercredi 16 octobre 2019, 11:02 (il y a 2006 jours) @ seyne
c'est l'énigme de la visibilité qui te fait écrire
mais pourquoi entourer ton observation de tous ces commentaires personnels
qui affaiblissent le texte ? à mon avis
pourquoi ne pas affirmer davantage ? enlever les "peut-être" les "il semble" etc...
ta subjectivité deviendrait alors à son tour "objective" faussement bien sûr,
mais c'est cela la force de la littérature, un mensonge qu'on fait passer comme réel
peut-être ici que ton écriture gagnerait à être moins soucieuse, mais pour gagner
en efficacité sur le lecteur
"Finalement j’ai remarqué combien les regards des personnages (et celui du photographe) sont divergents."
Il en est toujours ainsi, sinon il n'y aurait pas d'intérêt à la photo
à moins que le modèle regarde sciemment l'objectif, mais c'est une autre démarche,
pas celle de CB.
focale (16) corrigé
par seyne, mercredi 16 octobre 2019, 11:14 (il y a 2006 jours) @ Périscope
Et les "peut-être", "un peu " etc. font partie de mes péchés mignons. Une participante de l'ex mythique forum bleu parlait des "formules d'atténuation"...il faut que je m'en débarrasse, ou que je les atténue :)
focale (16) corrigé
par sobac , mercredi 16 octobre 2019, 11:04 (il y a 2006 jours) @ seyne
donc retranscrire est toujours très personnel
focale (16) corrigé
par seyne, mercredi 16 octobre 2019, 11:15 (il y a 2006 jours) @ sobac
si je pouvais définir ce qui me donne envie d'écrire, ce serait ça. Surtout que je suis convaincue que la perception de cette intersubjectivité, c'est ce qui nous permet de nous connaître, mais aussi de vivre ensemble. Et puis c'est tellement extraordinaire quand on le voit vraiment...très loin du plus petit commun dénominateur, de la conformité.
Mais ce n'était pas un projet de départ pour ce texte, c'est au fur et à mesure que j'en suis arrivée là...à cause des boîtes mystérieuses.
une citation d'H. Cartier-Bresson
par seyne, mercredi 16 octobre 2019, 16:02 (il y a 2006 jours) @ sobac
focale (16) corrigé
par s[i]e[/i]nile ll , dimanche 27 octobre 2019, 23:53 (il y a 1995 jours) @ seyne
focale (16) corrigé
par sobac , lundi 28 octobre 2019, 10:07 (il y a 1994 jours) @ s[i]e[/i]nile ll
les vivants aux prix des morts
focale (16)
par 411, samedi 26 octobre 2019, 15:25 (il y a 1996 jours) @ seyne
Quelle fin sublime. Ce poème est très puissant. Merci.
focale (16)
par seyne, dimanche 27 octobre 2019, 09:49 (il y a 1995 jours) @ 411
Je n’ai aucun doute sur l’empathie et l’engagement personnel d’Henri Cartier Besson envers ceux qu’il photographiait ni sur l’authenticité de cette quête qui l’a conduit souvent dans les lieux de la misère, de la guerre, du malheur, lui qui était un fils de famille, pour qui tout était simple apparemment.
J’ai vu une photo de lui à l’époque où il a pris cette photo, on est saisi par sa beauté. Il paraît que les gens d’un des pays où il a voyagé parlaient du jeune homme très beau « au visage couleur de crevette ».
Mais à cause de la fascination que m’a donné cette image, et même d’une sorte de sidération, je me suis rendu compte de l’ambiguïté de ce qu’on appelle « empathie ».