Petits récits en vers
Au fond du snack, seul,
il ne mange pas,
il plonge sa tête dans ses bras, sur son
plateau vide. Je
lui apporte un plat
rempli. Il n’a pas faim, il est fatigué,
attend des amis
qui ne viennent pas.
Ah ! Alors j’bouffe mon plat de charité !
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C’est la grève, on ne
travaille pas. C’est
la tempête, on ne travaille pas. Il
fait trop chaud, on se baigne.
On est malade, on
se soigne. On est chômeur, on ne peut pas
travailler. Quelqu’un
est mort, on peut pas
travailler. C’est la fête nationale,
on travaille pas.
On gagne le gros,
lot on ne travaille plus. On écrit un
roman ou on est
alcoolique, on ne
travaille plus. Homo, noir, musulman, ils
ne travaillent pas.
Tu aimes dans ta
maison femme et gosses, tu peux travailler.
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Où que tu sois, tu
l’entends ce clapot
sourd et sec à la fois, qui fait sursauter.
Quoi, il te rappelle
ce clapot ? Le ventre
mou de la mère, la pénombre glacée
des couloirs, le rire
idiot des cancres,
ce clapotis de bouteille qui revient
quand il vous remplit
les verres, glouglou
d’eau, de vin, d’alcool, glouglou abondant qu’on
verse sans compter
dans les bocks des riches,
glouglou clapotant dont on ignore le
commencement. Une
ivresse perdue.
Déjà dans le biberon, il te gonflait.
Enfin coule un
ruisseau, lui aussi
gloutegloute, mais lui, étrangement, tu l’aimes !
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C’était une grosse,
mais pas salope et
c’était une pauvre mais pas conne, aussi
c’était une garce,
mais pas petite et
une blonde mais pas superficielle,
c’était une femme,
mais pas faible, alors
c’était une femme tout court et rien d’autre.
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La punaise est au
plafond. Avec un
journal, la chasser, l’écraser. Mais voilà
qu’elle disparaît
derrière un tableau,
au mur, accroché, un si joli tableau
avec des fleurs, qu’on
aime regarder,
qu’on voit à présent, avec une punaise
qui pue !
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Un enfant attend
d’être un écolier,
l’écolier attend d’être un étudiant,
puis l‘étudiant
va attendre de
travailler, après le travailleur attend
la retraite et le
retraité attend
la mort et le mort attend le paradis.
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