fin de mon roman
On approchait du mois de mai. Joseph et Marianne prenaient un verre au café de France, place d’Italie, avant de retourner à l’appartement avenue des Gobelins. Ils avaient l’habitude de se promener au square René Legal vers quatre ou cinq heures, ou d’aller à la piscine de la Butte aux Cailles, puis de consommer un rafraichissement. Souvent Marianne essayait de faire dire à Joseph quels thèmes et idées il abordait durant ses séances de psychanalyse, mais lui restait plutôt laconique. Marianne avait suivi des psychothérapies pendant presque quinze ans et avait une opinion assez mitigée sur ces méthodes d’investigation, d’ailleurs fort coûteuses et très incertaines quant aux résultats. Il ne faut pas s’attendre à des miracles, dit Joseph en posant sa tasse de thé aux fruits rouges sur la table. Ça ne remplace pas les médicaments bien sûr. C’est juste un moyen de mieux se connaître soi-même. Peut-être que tu étais trop gravement malade quand tu as fait tes thérapies pour en sentir vraiment le bénéfice, mais crois-moi, ça aurait été sûrement pire si tu n’avais rien fait. – C’est bien possible opina Marianne, ça m’a peut être évité de couler définitivement quand j’étais dans ma période suicidaire. Mais quand même, je ne suis pas sûre que le fait de ressasser ses petits problèmes et névroses devant un psy pendant des années ouvre des perspectives très intéressantes. Cette madame Finkielstein, je me demande ce que tu lui trouves de si passionnant, je me demande ce que vous vous dites pendant les séances. – Oh rien d’extraordinaire, ce ne sont la plupart du temps que des considérations prosaïques, d’ailleurs elle parle très peu. Parfois on brode autour d’un rêve ou d’une idée. Il faut que les choses soient spontanées et coulent naturellement. Surtout rien de prémédité. – Est-ce que tu lui parles de notre couple ? Du fait qu’on ne fait presque plus jamais l’amour ces derniers temps ? – ça peut m’arriver d’en parler, oui, mais elle n’est pas là pour me proposer des solutions miracles. Je pense qu’il faut envisager ce type de problèmes avec une certaine philosophie. Je suis très heureux de notre couple Marianne. Je sais bien que c’est important de faire l’amour, mais la relation de couple ne se réduit pas à ça. C’est bien plus vaste que ça, et tu le sais d’ailleurs. Alors tout ce que je peux te dire pour le moment c’est : patience. Les mystères de la libido sont impénétrables. Il faut faire de notre mieux chaque jour que Dieu fait et ne pas oublier que finalement nous ne sommes que de très petites personnes dans un monde incroyablement complexe qui nous dépassera toujours. – Heureusement, dit Marianne, et elle but une gorgée de son kir-pêche.