intérieur, extérieur

par loulou, vendredi 24 avril 2020, 03:19 (il y a 1674 jours) @ loulou

j’ouvre les yeux. la table, la chaise, le lit, la fenêtre, la météo, tout ça ne fait aucun doute. les choses se déclinent avec les coups d'oeil comme on inventerait au fur et à mesure du papier à musique. par la fenêtre, un espace que couve une bordée d'immeubles, à distance respectueuse des arbres et du ciel, promène le linge de sa verdure entre les dents de la lumière, le sang obtenu dessinant les commissures de son pli.

le vent entre ses paumes fait, comme des billes, rouler les prénoms des objets. on est entouré par des objets dont la fonction n’est pas discutable, même à se regarder dans le miroir. les mains: saisir. les yeux: voir. les jambes: marcher. le visage: dévisager.
une sorte de malaise persiste à cette idée, par coquetterie.

je ferme les yeux. ma toux contient la cigarette d’hier comme celle d’il y a dix ans; ainsi font les rides, où reposent les injures de la fatigue et du soleil. lorsqu’on pense, en revanche, on s’assoit rarement sur un monticule plus élevé que par les quinze minutes de pensées qui précèdent.

il y a des pensées qui ont des fonctions, comme les tables, les chaises, les mains ou les poumons. fonction d’encouragement, d’admonestation, de repentir, etc. ce sont des pièces mentales. si je regarde le vide avec gravité, c'est qu'intérieurement je dois être confiné dans une chambre de bonne avec les canalisations qui gouttent.

par contre, ne pas savoir quoi penser a toujours une fonction différente, relative aux circonstances, c'est à dire à l’oubli du chemin censé mener à ce qu’il faudrait qu’on pense. c’est ce qu’on a jamais su qu’on oublie le mieux, comme tout ce qu'on fait sans y penser. par exemple, c'est plus facile de ranger sa mémoire que son appartement.

j’ouvre parfois une fenêtre dans mon regard pour admirer le paysage. je me recule du sentir pour mieux sentir. on est parfois trop proche, trop mêlé aux choses pour les considérer vraiment. mais si on s'éloigne un peu trop, l'expérience des choses est gâchée par sa propre ombre portée, et on ne sait plus s'en défaire, comme un chewing-gum qui colle irrésistiblement aux doigts.

si on se concentre suffisamment longtemps, on ne sait plus, au bout d’un moment, si le paysage se verse dans nos yeux ou si l'on est versé dans le paysage, on aurait du mal à y trouver une différence.

deux pas en arrière, un pas en avant, ça ressemble au menuet.

et maintenant, réfléchissez, les miroirs.

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