Tra la la

Tra la la

Quelque part y a un trou de souris, un vase précieux
dégringole posé sur une pile de livres, par la fêlure du
bol coule une larme de café, des feuilles mortes obstruent
ma bouche d’égout, la notice de mode d’emploi est

vraiment illisible, et mon flacon de parfum est presque
vide, tandis que le couteau de cuisine perd son manche,
aussi des cacas d’oiseaux maculent nos bancs dans les
jardins publics, et le best des dictionnaires de

synonymes est épuisé chez son éditeur, le verrou de la
porte des cabinet est cassé, mon balcon est encombré
de cartons, la selle de mon vélo ne tient plus, au soir
du 24 décembre le chauffage central est tombé en panne,

la cage d’ascenseur se bloque toujours au cinquième,
la cartouche de mon stylo est à sec, des cadavres
de corbeaux sont coincés dans la tuyauterie, c’est la finale
de la Coupe du Monde et mon vieux téléviseur a rendu

l’âme, puis la toile du sommier que déchirent les ressorts,
la cale sous le pied de la table fout le camp, la lampe
de bureau montre des signes de faiblesse, plus de pansement
dans l’armoire à pharmacie, mes photos de mariage sont

enfouies au fond de la cave, une paire de chaussettes se
dépareille, l’été on ferme les fenêtres à cause du bruit, la
tapisserie se décolle au ras du plafond, les aiguilles du
réveil refusent d’avancer plus loin que midi moins le

quart, le toit de ma Cadillac prend l’eau, l’archet du
violoncelle grince sur les cordes, la date de péremption
est dépassée sur la boîte de lait, les moustiques sont
agressifs, les volets claquent dans la nuit, voici pour

résumer un destin tragique d’homme.