Après la chute

par Périscope @, dimanche 10 mai 2020, 10:06 (il y a 1658 jours)

Après la chute

Je suis le danseur de corde, l’étoile qui scintille
dans les yeux de la foule, je suis le dieu des braves filles.

Sur le tranchant de ma corde, je vois tout le monde ;
le menuisier qui se réjouit des ses cercueils en nombre,

je vois le laitier qui gave ses vaches de vitamines,
le constructeur d’immeubles qui rase nos forêts et nos collines,

je vois le prêtre qui s’incline bien bas sur le giron des paroissiennes,
je vois le député qui sourit avec des pensées staliniennes,

je vois le malade et le fou auxquels on jette des cailloux,
je vois des forgerons qui fabriquent des couteaux aux voyous,

je vois sur ma corde le déséquilibre des choses,
moi, dont l’équilibre est aussi précieux qu’une rose.

Mais un vent suffit à me contrarier,
et à faire que dans le ciel on m’entend crier,

et sur le pavé s’écrase mon estomac et mon ventre,
et sur eux se précipitent le menuisier et le prêtre comme des chancres.

Le prêtre prend mon âme, le menuisier ramasse mon corps,
dans les deux cas le remord est une seconde mort.

Une brave fille vient me dire que je me suis laissé séduire,
à danser haut sur mon fil devant une foule en délire.

Mais ne crains pas l’enfer, il n’y a pas d’enfer, elle ajoute,
il n’y a que ton métier de danseur sur ta route,

dans une autre vie remonte sur ton utile corde,
qu’elle soit pour toi un unique chant monocorde,

que chacune de tes figures se mélange aux nuages,
qu’elle te soit l’occasion de voir d’autres images,

observe les tuiles roses des maisons,
contente-toi de la cime des arbres à l’horizon,

dans la poudre de lumière du soir ou de l’aube,
fais valser tes bras comme des sources chaudes,

pense au fil qui te suspend entre la terre
et le ciel, tu es une poussière entre deux hémisphères,

et si une alouette passe, ne te mesure pas à elle,
tu resteras toujours le plus pesant des mortels.

Après la chute

par sobac @, dimanche 10 mai 2020, 11:50 (il y a 1658 jours) @ Périscope

ce second volet du danseur et sa corde annonce la chute
l'après quand il faut se fixer d'autres objectifs pour ne pas mourir

> Mais ne crains pas l’enfer, il n’y a pas d’enfer, elle ajoute,

il n’y a que ton métier de danseur sur ta route,


l'enfer pavé de bonnes ou mauvaises intentions , c'est un débat

Après la chute

par 411, dimanche 10 mai 2020, 12:30 (il y a 1657 jours) @ Périscope

Un très beau texte, qui me fait penser dans sa forme aux Pacques à New-York, de Cendrars. Le sujet est brillant, l'image est lumineuse, il y a un lyrisme assumé, le verbe est vibrant. Seul le rythme ne me paraît pas toujours égal dans son efficacité, même si globalement ça reste quand même bien foutu. Encore une fois je trouve que c'est beau, puissant et lumineux... malgré la terrible "gravité".

Après la chute

par Périscope @, dimanche 10 mai 2020, 17:07 (il y a 1657 jours) @ 411

Merci à sobac pour ta lecture.

Merci à 411 pour ton commentaire détaillé. Ta réaction correspond à ce que je souhaitais. Concernant le rythme, c'est vrai que j'essayais avant tout à raconter une histoire, donc moins soucieux du rythme

Des commentaires détaillés sur le contenu et la forme c'est ce que nous attendons,
ils nous font avancer ainsi, donnant des repères.

Merci encore

Après la chute

par seyne, mardi 12 mai 2020, 18:21 (il y a 1655 jours) @ Périscope

Oui, 411 dit bien.
Excusez-moi, je vous laisse tomber depuis le confinement, je ne sais pas pourquoi...comme si je ne pouvais pas poser mon esprit sur le plaisir de l’écriture, en dire quelque chose. C’est très bizarre.
Comme si peut-être il était entièrement absorbé par ce qui se passe, sans recul possible.
Mais j’admire ce que vous écrivez.

Après la chute

par loulou, mercredi 13 mai 2020, 17:40 (il y a 1654 jours) @ Périscope

très plaisant et bien foutu. je préfère largement la deuxième moitié, regrettant un peu la "moralité" de la première. j'aurais préféré une alternance de ces descriptions "sérieuses" avec d'autres disons plus paradoxales ou ironiques, pour mieux mettre en valeur celles qui devraient l'être - mais c'est mon goût.