Le dernier grand voyage
(Voici le 3ème et dernier volet des deux textes précédents "A l'autre bout de la corde" et "Après la chute")
Le dernier grand voyage
Je suis le danseur de corde tombé de sa corde.
Sur le dos d’une fille je suis porté, loin des discordes.
Sur son passage, on la hue d’abord car elle est prostituée,
mais puisqu’elle porte un mort, chacun retient ses huées.
Dans les ruelles les clients s’écartent devant la putain
à l’odeur de cadavre, c’est pourtant de ses mains
qu’elle veut enterrer son danseur de corde. Au cimetière,
les fossoyeurs refusent de creuser un trou pour le mettre en bière.
Ce prétentieux qui crache sur le monde, on en veut pas,
ils disent. Alors la prostituée vers la forêt dirige ses pas.
Les animaux sauvages commencent à hurler dans la nuit.
Les loups sortent leurs crocs à la vue de cet étrange biscuit.
Au bord des marécages, la putain et son fardeau,
le matin, arpentent les humides roseaux.
Des serpents entre les jambes de la fille dessinent
des entrelacs venimeux aux intentions assassines.
Puis à midi, enfin éloignés de cette terreur,
une autre bête surgit et s’ajoute au malheur.
Une bête au creux de la femme, dans son ventre,
une bête qui s’appelle La Faim, dans son épicentre,
elle braille, plus terrible que l’ours ou le loup
la fille affamée tombe à genoux, ce mort à son cou,
lui pèse, lui arrache tout courage et rédemption.
Elle jure par tous les mots de la terre contre cette punition.
Vers le soir seulement une masure sur son chemin
dresse une ombre délabrée. En jaillit une sorte d’humain.
Un vieillard affable. Il prépare un souper d’herbes et de racines.
Votre compagnon est mort de faim, j’imagine.
Non, il est mort tout court, rétorque vite la catin.
Je voudrais l’inhumer dans un merveilleux jardin.
Il est tombé du ciel parce que les hommes
lui semblaient mauvais, aussi dégoûtants qu’un rectum.
Sur son cordage de lumière il dansait frénétiquement,
et je voudrais l’accompagner dans son ensevelissement.
Nous avons croisés les bêtes sauvages et des serpents ensorcelés,
tous nous ont épargné dans notre marche échevelée.
Alors le vieillard se levant, ouvre la porte de son potager
débordant de vierges broussailles, ses gestes sont légers
pour enfourner le corps dans un brasier de ronces,
et on voit ainsi la putain et le vieillard s’agenouiller en guise de réponse.
Du fond de sa mort le danseur de corde murmure avec gravité ;
A l’aube prochaine, je reviendrai et je danserai pour vous une éternité.
Le dernier grand voyage
Je suis le danseur de corde tombé de sa corde.
Sur le dos d’une fille je suis porté, loin des discordes.
Sur son passage, on la hue d’abord car elle est prostituée,
mais puisqu’elle porte un mort, chacun retient ses huées.
Dans les ruelles les clients s’écartent devant la putain
à l’odeur de cadavre, c’est pourtant de ses mains
qu’elle veut enterrer son danseur de corde. Au cimetière,
les fossoyeurs refusent de creuser un trou pour le mettre en bière.
Ce prétentieux qui crache sur le monde, on en veut pas,
ils disent. Alors la prostituée vers la forêt dirige ses pas.
Les animaux sauvages commencent à hurler dans la nuit.
Les loups sortent leurs crocs à la vue de cet étrange biscuit.
Au bord des marécages, la putain et son fardeau,
le matin, arpentent les humides roseaux.
Des serpents entre les jambes de la fille dessinent
des entrelacs venimeux aux intentions assassines.
Puis à midi, enfin éloignés de cette terreur,
une autre bête surgit et s’ajoute au malheur.
Une bête au creux de la femme, dans son ventre,
une bête qui s’appelle La Faim, dans son épicentre,
elle braille, plus terrible que l’ours ou le loup
la fille affamée tombe à genoux, ce mort à son cou,
lui pèse, lui arrache tout courage et rédemption.
Elle jure par tous les mots de la terre contre cette punition.
Vers le soir seulement une masure sur son chemin
dresse une ombre délabrée. En jaillit une sorte d’humain.
Un vieillard affable. Il prépare un souper d’herbes et de racines.
Votre compagnon est mort de faim, j’imagine.
Non, il est mort tout court, rétorque vite la catin.
Je voudrais l’inhumer dans un merveilleux jardin.
Il est tombé du ciel parce que les hommes
lui semblaient mauvais, aussi dégoûtants qu’un rectum.
Sur son cordage de lumière il dansait frénétiquement,
et je voudrais l’accompagner dans son ensevelissement.
Nous avons croisés les bêtes sauvages et des serpents ensorcelés,
tous nous ont épargné dans notre marche échevelée.
Alors le vieillard se levant, ouvre la porte de son potager
débordant de vierges broussailles, ses gestes sont légers
pour enfourner le corps dans un brasier de ronces,
et on voit ainsi la putain et le vieillard s’agenouiller en guise de réponse.
Du fond de sa mort le danseur de corde murmure avec gravité ;
A l’aube prochaine, je reviendrai et je danserai pour vous une éternité.