La limite des mots disponibles
La limite des mots disponiblesLe soleil rase le sol et fait pousser la poussière,
c’est pour cela que Flavien accumule sur Margot
un sémillant filet d’eau qui peut devenir un lac d’amertume.
Mais Emma culpabilise Flavien. Il doit se raser,
pour être lisse et que l’épreuve ne s’accroche pas à lui.
Ensuite il danse avec Rosemonde. Il paraît que chez les babouins
une grimace suffit pour déclencher une mini-émeute.
Margot bâille de contentement et précise quand même que les hommes
ne sont pas uniquement des usines à gazs mais aussi des usines à rêves,
ce qui fait sauter Rosemonde dont la beauté n’existerait pas sans notre regard.
Emma crochète Margot, qui comme une goutte d’eau,
se suspend à la rambarde du balcon.
Combien de temps va-t-elle tenir ainsi ?
Arrive Robin.
Rosemonde arrête alors de danser, car le ventre gras d’une vahiné en dansant,
forment des vagues.
Robin touche Margot.
Margot est scotchée à Robin.
Deux personnes devant un lavabo inévitablement se bousculent.
Dehors le hululement de la chouette dépeint le paysage,
et la demi-lune éclaire entièrement le parquet.
Flavien voudrait perforer Robin qui à présent joue et pédale avec Margot,
dont le métier est caissière, elle commence à sourire
seulement juste avant la fermeture de son magasin.
Son quotidien nous fait rêver parce qu’il n’est pas le nôtre.
Pour Margot et Robin, il ne leur reste plus à manger
que quelques pommes de Cézanne.
Flavien est un dictateur, il reposait dans un cimetière de campagne.
Etre cloué au lit est une crucifixion vivante sans fin.
Alors il boxe, il se gonfle, il surveille, il urine, il défèque,
un homme d’Etat ne s’intéresse aux catastrophes sentimentales
que si elles favorisent son élection.
Robin est vite compressé et dompté. Les lentes agonies
nous aident à mieux aimer les couchers de soleil.
Rosemonde et Emma sont lacérées de peur.
Bien sûr les métaphores en période de censure font du rebelle un poète.
Les nuages sont alors les lunettes du soleil
et les peupliers les gardiens des rivières.
Robin camoufle Rosemonde.
Rosemonde embrasse et touche Margot.
Embrasser, caresser, étreindre est une réponse à aucun pourquoi.
Flavien gicle. Il dit que c’est par l’extrémité de soi qu’on repeuple le monde.
Il y a de l’humidité dans l’air, chantonne craintivement l’électricien,
ce serait le métier de Flavien. Il aimerait beaucoup tresser
les cheveux de Margot mais elle est chauve. La poésie traduit par des mots
ce qui est inconnu aux mots, et chaque parole se situe entre deux souffles :
le premier et le dernier.
Robin hurle qu’il a surpris des républicains dormant d’un sommeil royal.
Rosemonde a cessé de bouger, elle brûle. Elle ne sera bientôt plus qu’un souvenir,
un linge transparent dont par les mots on retrouve la texture.
Mais tous souvenirs heureusement demeurent tangibles par son poids de poussière.
Combien de pères fantomatiques ainsi sont ils recherchés par de vrais enfants ?
Emma s’empile sur les autres filles. Autrefois sous leur chapiteau, les filles avaient
des cordages qui soutenaient leurs bas, dans leur fente s’époumonaient des cracheurs de feu.
Si Grégoire était là, il inciserait tout le monde de son tatouage salvateur.
Son empathie comprendrait la malveillance des gens.
Partout se répandrait la fraîcheur, un baiser de nature à la salive de pluie.
Les trilles de Grégoire, costumé en loriot, tireraient un à un les fils bleus du jour.
Le niveau des rivières baisserait, laissant apparaître les carcasses de voitures.
Le disque solaire diffuserait de la musique.
C’est la femme la première qui a fait du bruit en mangeant la pomme,
répète Robin, le malintentionné.
Avec Grégoire, les mimosas à eux seuls recréent la lumière.
Le choc des assiettes qui se cognent fait sursauter Margot,
les amis qui souffrent vous passent amicalement leur souffrance,
et sur la fenêtre au mois de juillet, une étoile de Noël encore collée,
rappelle que ne plus écrire empêcherait naturellement notre lâcheté
à nous réfugier dans les mots,
tandis que la nuit, l’océan frappe à la porte,
et que si le matin on lui ouvre,
l’océan repart préférant l’horizon à notre hospitalité.
Les vivants n’en finiront jamais de s’exprimer tant qu’ils seront visibles,
gazouille l’oiseau Grégoire, sur sa branche.
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