Les femmes encore
J’ai eu la chance d’aimer et d’être joyeuse.
Mais aujourd’hui aucune famille ne m’offre son nid.
Je suis malheureuse. Tant pis.
Je vis par des petits boulots.
Des travaux de couture que j’exécute dans ma piaule.
De jour et de nuit. Juste de quoi remplir un peu mon assiette.
A la tombée du jour, je regarde par ma fenêtre, au bord du toit,
et je chantonne jusqu’à ce que les étoiles remplissent le ciel.
Mais à partir de novembre, le vent souffle,
il s’engouffre dans ma chambre en longues rafales.
Je dois allumer la lumière et l’électricité coûte cher.
Le froid se fait glacial et se chauffer coûte cher.
Les tentacules de la misère glissent par le toit, par les fenêtres,
par la porte, je dois vendre le peu qui me reste.
Des meubles, des vieux bijoux, ma télé.
Le travail est rare. Je deviens toute maigre.
J’ai même vendu la croix de guerre
de mon pauvre père que je n’ai jamais connu.
Je suis malade, la toux me déchire les poumons,
jusqu’à effrayer les voisins qui m’insultent dans leur mansarde.
Mais soudain une nuit ma toux cesse.
Dans le silence les voisins frappent à ma porte.
Je ne bouge plus. Des gens de la paroisse arrivent.
Ils descendent mon corps squelettique par l’escalier.
Dans la rue les gens défilent derrière ma dépouille.
Les gamins un peu féroces m’escortent avec des cris moqueurs.
Je porte une longue robe de soie.
Parmi les résidents du quartier certains cachent leur embarras,
mais j’entends aussi des paroles cinglantes disant :
C’est elle ? Oh fous le camp salope !
Et on mon jette dans le trou.
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Périscope,
03/08/2020, 12:30
- Les femmes encore - sobac, 03/08/2020, 19:08