deuils
Cabu et Wolinski, c'était un peu mes grands frères, ceux qui vous font découvrir la liberté de penser tout ce qu'on pense vraiment, et surtout de rire, quand on est encore hésitant, encore presque enfant.
Je dis (pour rire) que je suis née une deuxième fois en mai 68, à 15 ans, eh bien voilà une époque qui s'achève.
Je dis (pour rire) que je suis née une deuxième fois en mai 68, à 15 ans, eh bien voilà une époque qui s'achève.
deuils
Je suis très triste aussi.
deuils
Triste car ce sont de chics types qui ont été assassinés. Triste de voir que les barbares s'attaquent toujours en premier lieu aux plus ouverts, aux plus tolérants, aux plus innocents, signe distinctif sans doute de la barbarie. Triste aussi car ce sont certainement les prémices d'une époque qui ne va pas aller vers l'éclaircie...
deuils
en même temps, ce qui est quand même clair, et frappant, c'est l'extraordinaire cohérence de tout leur trajet. C'est exactement la même chose qu'ils ont combattue au tout début, et qui les a tués aujourd'hui...sous des masques différents. A l'époque, ce n'est pas tout à fait sa peau qu'on risquait, mais je crois qu'il y a un moment où ils ont su que c'est ce risque là qui se dévoilait, et ils l'ont pris.
deuils
.... j'écoutais la radio hier, il y avait une prof de philo qui était très perdue parce que parmi ses élèves de terminale, à qui elle avait proposé un texte de Spinoza sur la liberté de conscience, certains ont dit : "ils l'ont bien cherché". Et ils ont demandé dans la classe un vote, et la moitié de la classe était d'accord...
J'écoutais aussi le président du Rugby Club toulonnais, un homme d'origine maghrébine qui a hissé le club au premier rang en partie grâce à sa propre réussite financière. Il a décidé qu'il y aurait une minute de silence au début du match de cet après-midi à Toulon, disant que son combat à lui avait été celui de l'intégration, d'apporter des choses à son pays, mais que sa fille aînée "en avait pris plein la tête à l'école" en septembre 2001, et que sa deuxième fille - il le savait - allait en prendre plein la tête à l'école elle aussi. Alors il voulait tout tenter pour éviter les radicalismes et pousser les jeunes issus de l'immigration vers une autre voie que cette mise à l'écart du pays .
Il y avait enfin un psy dont le nom m'échappe, qui disait que certes, nous étions tous en état de choc et bouleversés, et que se rassembler dans ces moments-là est une chose essentielle, mais qu'il ne fallait pas que cela nous amène à fonctionner de la même façon que ceux qui nous attaquent, dans le manichéisme, les amalgames et la diabolisation. Qu'il fallait continuer à réfléchir comme des gens civilisés.
Alors m'est venue l'idée que peut-être il y avait derrière tout ça aussi un malentendu autour de la question de la religion.
Pour les gens de Charlie Hebdo, et la plupart d'entre nous, la religion (catholique) est restée du côté d'institutions liées au pouvoir, à l'ordre, à des positions réactionnaires. Alors que pour beaucoup de jeunes musulmans elle est du côté des humiliés de cette société, de leur groupe d'appartenance qui subit racisme, rejet et freins à la réussite sociale. Ce sont des valeurs de résistance et de fierté face à l'humiliation, celles qu'ils vivent, celles qu'ont vécu leurs parents souvent.
Alors peut-être que les gens de Charlie Hebdo en caricaturant Mahomet avaient le sentiment de caricaturer une sorte de Pape super-réac (ou du moins ce qu'il peut représenter), mais ont caricaturé pour ces jeunes une figure paternelle autour de laquelle on peut retrouver sa fierté.
Et dans ce cas, alors oui, à cause de ce malentendu qui n'a pas été assez clairement perçu et éclairci, je comprends cette phrase : "ils l'ont bien cherché".
Ce dont je suis sûre c'est que si on veut que nos valeurs de liberté d'expression, de respect de la vie, de laïcité etc....prennent ou gardent sens pour certains jeunes, il nous faut faire l'effort de comprendre leurs valeurs, y compris religieuses, et admettre que la religion pour eux n'ait pas le même sens que pour nous, héritiers des "Lumières" et de la révolution française.
Ceci dit, qu'il y ait une guerre qu'il va falloir mener contre des gens aussi haineux et dangereux que le furent les nazis, c'est une évidence.
J'écoutais aussi le président du Rugby Club toulonnais, un homme d'origine maghrébine qui a hissé le club au premier rang en partie grâce à sa propre réussite financière. Il a décidé qu'il y aurait une minute de silence au début du match de cet après-midi à Toulon, disant que son combat à lui avait été celui de l'intégration, d'apporter des choses à son pays, mais que sa fille aînée "en avait pris plein la tête à l'école" en septembre 2001, et que sa deuxième fille - il le savait - allait en prendre plein la tête à l'école elle aussi. Alors il voulait tout tenter pour éviter les radicalismes et pousser les jeunes issus de l'immigration vers une autre voie que cette mise à l'écart du pays .
Il y avait enfin un psy dont le nom m'échappe, qui disait que certes, nous étions tous en état de choc et bouleversés, et que se rassembler dans ces moments-là est une chose essentielle, mais qu'il ne fallait pas que cela nous amène à fonctionner de la même façon que ceux qui nous attaquent, dans le manichéisme, les amalgames et la diabolisation. Qu'il fallait continuer à réfléchir comme des gens civilisés.
Alors m'est venue l'idée que peut-être il y avait derrière tout ça aussi un malentendu autour de la question de la religion.
Pour les gens de Charlie Hebdo, et la plupart d'entre nous, la religion (catholique) est restée du côté d'institutions liées au pouvoir, à l'ordre, à des positions réactionnaires. Alors que pour beaucoup de jeunes musulmans elle est du côté des humiliés de cette société, de leur groupe d'appartenance qui subit racisme, rejet et freins à la réussite sociale. Ce sont des valeurs de résistance et de fierté face à l'humiliation, celles qu'ils vivent, celles qu'ont vécu leurs parents souvent.
Alors peut-être que les gens de Charlie Hebdo en caricaturant Mahomet avaient le sentiment de caricaturer une sorte de Pape super-réac (ou du moins ce qu'il peut représenter), mais ont caricaturé pour ces jeunes une figure paternelle autour de laquelle on peut retrouver sa fierté.
Et dans ce cas, alors oui, à cause de ce malentendu qui n'a pas été assez clairement perçu et éclairci, je comprends cette phrase : "ils l'ont bien cherché".
Ce dont je suis sûre c'est que si on veut que nos valeurs de liberté d'expression, de respect de la vie, de laïcité etc....prennent ou gardent sens pour certains jeunes, il nous faut faire l'effort de comprendre leurs valeurs, y compris religieuses, et admettre que la religion pour eux n'ait pas le même sens que pour nous, héritiers des "Lumières" et de la révolution française.
Ceci dit, qu'il y ait une guerre qu'il va falloir mener contre des gens aussi haineux et dangereux que le furent les nazis, c'est une évidence.
deuils
...chance je n'ai pas la télé... J'écoute FIP à la radio et c'est tout. Je ne peux pas plus, ni n'en veux d'avantage. Je m'informe à dose modérée par Internet, j'essaye de trouver des articles corrects et dépassionnés, je fouille, je cherche à savoir qui, quoi, et à comprendre, déjà, mais encore trop tôt pour prendre du recul et connaître les dessus-dessous et être capable d'analyse, d'y voir clair, et de dire ; j'en parle autour de moi, je suis à la fois présent, pris dedans comme chacun, en même temps j'essaye de garder à distance les flots, et tâcher de suivre le principe des quatre accords de Toltèques, bien utiles en l'occasion. Car, de non-sens en on sens, "je" serais conduit à me perdre.
Garder la tête froide et le coeur chaud...
Pas plus.
bises,
Garder la tête froide et le coeur chaud...
Pas plus.
bises,
deuils
![[image]](images/uploaded/2015011021004354b192fbe9f37.jpg)
"Tromperie règne", inscrit sur le mur d'un cachot. Probablement au XVIIIème siècle. Fort saint-andré, 10 janvier 2015.
deuils
je suis comme toi kellig. je n'écoute que les flash info sur france musique et ça me suffit.
deuils
Aujourd'hui, force est de constater tristement que l'Union fait la farce.
deuils
Cette inscription me rappelait simplement l'esprit de charlie hebdo, même si elle a été écrite en d'autres temps et pour des raisons bien sûr différentes. Peut-être aux alentours de 1789... Dans mon esprit elle n'avait aucun rapport avec les rassemblements d'aujourd'hui, que je trouve personnellement magnifiques.
deuils
D'un point de vue esthétique, c'est sans doute beau. Mais d'un de vue politique, c'est zéro. Surtout à Paris... Tout ce ramassis de politiciens pourris est à vomir. Ce qui n'empêche qu'il y avait des gens chouettes à ces manifs, mais pour moi c'était non. Cette sacro-sainte union résonne en moi en malaise.
J'étais hier à celle de Marseille, avec un appel clair et sans ambiguïté, et c'était un beau moment, simple et sans manipulation ni récupération.
En tous cas cette photo je la trouve pertinente.
J'étais hier à celle de Marseille, avec un appel clair et sans ambiguïté, et c'était un beau moment, simple et sans manipulation ni récupération.
En tous cas cette photo je la trouve pertinente.
deuils
Oui, cette photo (cette inscription) est pertinente. Elle l'était il y a deux siècles. Elle aurait pu l'être il y a 2000 ans et elle le sera toujours dans 2000 ans s'il reste quelqu'un pour la lire. C'est en cela qu'elle m'a bouleversé, en résonance avec ce qui a été attaqué dernièrement, on en a pas fini, c'est différent, c'est pourtant la même chose, cette lutte sans fin, perdue d'avance, quand même indispensable...
Sinon, oui, je trouve ces marches magnifiques, au-délà des visages pourris en tête de cortège (certains dont la présence dans cette marche est assez comique en effet), au-delà de la bêtise du nombre, des malentendus généralisés, de la symbolisation de ce qui ne demande surtout pas à l'être, ce qui me plaît c'est cet élan, vers quelque chose qui dépasse la somme des individus présents.
Sinon, oui, je trouve ces marches magnifiques, au-délà des visages pourris en tête de cortège (certains dont la présence dans cette marche est assez comique en effet), au-delà de la bêtise du nombre, des malentendus généralisés, de la symbolisation de ce qui ne demande surtout pas à l'être, ce qui me plaît c'est cet élan, vers quelque chose qui dépasse la somme des individus présents.
deuils
moi j'ai trouvé ça bien, que tous les chefs d'états aient été invités à cette grande fête, et qu'ils aient marché - "devant" - cette foule. Qu'aucune tribune ne leur ait été offerte pour parler. Qu'ils aient senti dans leur dos ce que c'est que l'attachement des peuples à la liberté. Le fait qu'ils l'aient fait en silence, un peu forcés de ressentir ça physiquement, d'entendre ça. Que Coppé se soit fait huer par la foule quand il a essayé de serrer des mains.
Je suis reconnaissante à Hollande d'avoir pris ces risques, et que les choses aient été bien organisées, mais pas plus qu'il ne fallait.
Bien sûr il en retire un bénéfice, mais quand on fait les choses bien, on en retire souvent un bénéfice, ce n'est pas une raison pour ne pas les faire, à moins d'être maso :)
Le seul truc qui m'ait agacée c'est le "aujourd'hui la France est le centre du monde"....qui prouve encore que les hommes politiques ont la comprenette dure. Qu'est-ce qu'on en avait à faire d'être le centre du monde ? C'était bien que le monde soit là.
Tu vois Kelig, je crois que si on veut garder une énergie pour agir, il faut savoir se désoler des horreurs du monde, mais aussi se réjouir complètement des moments de grâce. Vivre les montagnes russes, avec la naïveté utile. Le temps de la réflexion, des bémols, c'est après.
Je suis reconnaissante à Hollande d'avoir pris ces risques, et que les choses aient été bien organisées, mais pas plus qu'il ne fallait.
Bien sûr il en retire un bénéfice, mais quand on fait les choses bien, on en retire souvent un bénéfice, ce n'est pas une raison pour ne pas les faire, à moins d'être maso :)
Le seul truc qui m'ait agacée c'est le "aujourd'hui la France est le centre du monde"....qui prouve encore que les hommes politiques ont la comprenette dure. Qu'est-ce qu'on en avait à faire d'être le centre du monde ? C'était bien que le monde soit là.
Tu vois Kelig, je crois que si on veut garder une énergie pour agir, il faut savoir se désoler des horreurs du monde, mais aussi se réjouir complètement des moments de grâce. Vivre les montagnes russes, avec la naïveté utile. Le temps de la réflexion, des bémols, c'est après.
deuils
Ben non justement, pour moi c'est pas après, c'est carpe diem. ou pas.
deuils
je comprends bien en quoi nos visions divergent.
deuils
oui, et ta vision est probablement plus proche de celle de Charlie Hebdo que la mienne.
deuils
C'est surtout que j'aurais tellement de chose à dire qu'il vaut mieux... Que je me taise.
ok
- pas de texte -
deuils
Pour moi c'est esthétique, ces marches énormes, de l'ordre du tellurique, naturel, beau comme une irruption volcanique ou solaire. Et très spécifique à la France. La France vient de se donner des nouvelles d'elle-même.
deuils
(et comme si chacun était une cellule indifférenciée cherchant à former inconsciemment un organe encore inexistant)
deuils
Oui, merci aux québécois qui étaient nombreux aussi...c'est une autre mondialisation qui s'est dessinée. Organique, oui.