le vent
le vent me prend dans ses bras, me berce, ôôôôôôôôô fait la tessiture du vent, archet sur le violon des arbres, il accorde, dans la rue, l’orchestre de ses instruments. il dévale les allées, les avenues à un pas cadencé, un pas de conquête pour qui tout est ouverte Belgique, un pas qui conserve le pas gagné dans l’escarcelle de sa familiarité, un pas qui annexe d’une main généreuse les phénomènes en raison de leur qualité de phénomène, un pas d’épidémie, un pas d’ontologie contagieuse.
un pas qui chemine sous la peau et l’assèche, l’étire, comme les cordes du mat sous l’action combinée de la lumière et du sel.
un pas qui dévore le dedans sous l’effet du dehors.
un pas de corde rabougrie, recroquevillée, de cordon ombilical, corde d’une névrose balancée dans la brise, avalée par l’étiage d’un puits vomissant l’ombre comme l’aube vomit la lumière, par à-coups de rayons.
mais le vent touche à toutes choses sans en changer la nature.
les vents jetés sur le monde le matin comme une foule de voyageurs engloutissant les quais du métro, comme une colonie de fourmis dévorant tout sur leur passage, les vents qui se jettent sur le monde et rongent la chair des arbres, copeaux par copeaux, les vents qui lèchent les plaies de l’écorce et tirent sur les épines des conifères comme les enfants sur les pattes des insectes si faciles à disloquer.
et c’est pour cela qu’ils les disloquent.
la dislocation des fourmis est la conséquence logique de leur fragilité.
en philosophie, on appelle cela une disposition.
Claudine Tiercelin, titulaire de la chaire de métaphysique analytique au collège de France, est une spécialiste internationalement reconnue du concept de disposition.
une disposition est une sorte de potentialité: par exemple, la disposition du verre à se briser. c'est un genre particulier de propriété. la largeur, la couleur du verre ne sont pas des dispositions. sa brisure potentielle, si. la disposition est une propriété révélée par le monde. c'est le monde qui s'inscrit dans la chair des choses.
je n’ai jamais étudié plus que ça le concept de disposition. je m’en suis tenu à ma première impression, qui est de trouver ce concept ridicule, en même temps que je savais que j’avais tort, puisque je ne suis pas spécialiste du sujet et que des chercheurs, des professeurs éminents, comme Claudine Tiercelin, y ont consacré des sommes théoriques denses, précises, informées, savantes, que je ne l’ai pas lues.
je trouve le concept de disposition ridicule, parce que je trouve son pouvoir explicatif quasiment nul, semblable à ces considérations aristotéliciennes : la pierre tombe parce que son élément naturel est le sol; elle souhaite demeurer au sol, elle est donc disposée à tomber.
le vent est fort, grand, il me prend dans ses bras et me rassure.
la disposition des visages est la dissimulation, le carnaval. on parle si souvent du fait de montrer son vrai visage. sans masque, la chair est tendre, faible. le vent nous lèche. il expose nos plaies. les visages sont comme des escargots sans coquilles. nus, ils sont disposés à souffrir. la disposition à souffrir est l'inscription du monde en nous, ses vexations et ses humiliations futures. cette souffrance existe dans une virtualité. elle nous traverse, pourtant, comme des vitraux par la lumière, comme les branches de l'arbre secouées par le vent. elle occulte des pans du monde où nous pourrions croitre, elle en prive nos bouches assoiffées. elle balaye des sédiments que notre métabolisme psychologique est pourtant disposé à désirer. nous sommes disposés à souffrir, alors le monde nous renverse, nous qui nous croyions si importants, uniquement par habitude, si disposés à nous y aménager un rôle, une place, subitement, sans que rien de particulier n'advienne, tout s'écroule.
un pas qui chemine sous la peau et l’assèche, l’étire, comme les cordes du mat sous l’action combinée de la lumière et du sel.
un pas qui dévore le dedans sous l’effet du dehors.
un pas de corde rabougrie, recroquevillée, de cordon ombilical, corde d’une névrose balancée dans la brise, avalée par l’étiage d’un puits vomissant l’ombre comme l’aube vomit la lumière, par à-coups de rayons.
mais le vent touche à toutes choses sans en changer la nature.
les vents jetés sur le monde le matin comme une foule de voyageurs engloutissant les quais du métro, comme une colonie de fourmis dévorant tout sur leur passage, les vents qui se jettent sur le monde et rongent la chair des arbres, copeaux par copeaux, les vents qui lèchent les plaies de l’écorce et tirent sur les épines des conifères comme les enfants sur les pattes des insectes si faciles à disloquer.
et c’est pour cela qu’ils les disloquent.
la dislocation des fourmis est la conséquence logique de leur fragilité.
en philosophie, on appelle cela une disposition.
Claudine Tiercelin, titulaire de la chaire de métaphysique analytique au collège de France, est une spécialiste internationalement reconnue du concept de disposition.
une disposition est une sorte de potentialité: par exemple, la disposition du verre à se briser. c'est un genre particulier de propriété. la largeur, la couleur du verre ne sont pas des dispositions. sa brisure potentielle, si. la disposition est une propriété révélée par le monde. c'est le monde qui s'inscrit dans la chair des choses.
je n’ai jamais étudié plus que ça le concept de disposition. je m’en suis tenu à ma première impression, qui est de trouver ce concept ridicule, en même temps que je savais que j’avais tort, puisque je ne suis pas spécialiste du sujet et que des chercheurs, des professeurs éminents, comme Claudine Tiercelin, y ont consacré des sommes théoriques denses, précises, informées, savantes, que je ne l’ai pas lues.
je trouve le concept de disposition ridicule, parce que je trouve son pouvoir explicatif quasiment nul, semblable à ces considérations aristotéliciennes : la pierre tombe parce que son élément naturel est le sol; elle souhaite demeurer au sol, elle est donc disposée à tomber.
le vent est fort, grand, il me prend dans ses bras et me rassure.
la disposition des visages est la dissimulation, le carnaval. on parle si souvent du fait de montrer son vrai visage. sans masque, la chair est tendre, faible. le vent nous lèche. il expose nos plaies. les visages sont comme des escargots sans coquilles. nus, ils sont disposés à souffrir. la disposition à souffrir est l'inscription du monde en nous, ses vexations et ses humiliations futures. cette souffrance existe dans une virtualité. elle nous traverse, pourtant, comme des vitraux par la lumière, comme les branches de l'arbre secouées par le vent. elle occulte des pans du monde où nous pourrions croitre, elle en prive nos bouches assoiffées. elle balaye des sédiments que notre métabolisme psychologique est pourtant disposé à désirer. nous sommes disposés à souffrir, alors le monde nous renverse, nous qui nous croyions si importants, uniquement par habitude, si disposés à nous y aménager un rôle, une place, subitement, sans que rien de particulier n'advienne, tout s'écroule.