Tronche de vie
Pourquoi venu ici un après-midi de vacances face à la plaine à perte de vue sous un soleil immobile, des hannetons des mouches dans l’air sans humidité, moi à l’ombre d’un chêne blanc, l’unique, quelque chose à distance laissé en suspens avant ce moment, les cris, la douleur, la détresse de Miss Anning, à dix kilomètres sans doute dans une ferme, et ici ma carcasse sèche insensible à l’arôme des champs, ici avant le soir dans l’obscurité duquel vers la ferme mes pas même pas fièrement l’un après l’autre vers des murs tremblant de détresse, vacillant sous les gestes de lamentation de Miss Anning , les murs de la ferme tout gluants de mon repentir, et mes bras en direction de toutes les pièces, la cuisine, la chambre, les chiottes, mes mains à la recherche de Miss Anning avec sa tronche d’amour, à cet instant un couteau tombé de la table, un couteau entre mes pieds crottés de terre, sa lame tachée de rouge, sa lame miroir de mon obsession, quand des soupirs ponctués de cris rauques juste là derrière la porte, celle de la cave, l’horreur de la cave, l’impossibilité de cette solution, pourtant dans mes mains quelques fleurs ramenées des talus, des fleurs soudain par lesquelles la noirceur de la cave, des fleurs plus fortes que la détresse de Miss Anning, des fleurs au nectar répandu dans sa gorge hurlante, mais le couteau ramassé, les fleurs sectionnées à leur queue, par mon choix, le couteau à la lame brillante dans la poisse de la cave, au raz du nez de Miss Anning, son nez plein de morve gamine, son nez sur ma manche, ma manche toute mouillée par la douleur de Miss Anning, de la cave ses kilos de chair extirpés jusqu’à la lumière du jour de notre cuisine, avec un saucisson, de la rosette de Lyon, et une canette de bière du Rhin pour le sourire revenu de Miss Anning, les fleurs dans le pot, le couteau destiné au saucisson, tout dans son rôle de retour magnifique, tout sauf quelque chose encore…