une cigarette l'après-midi
c’est l’été dans l’air chaud tu te démasques et te masques te remasques sur le masque même de ton visage masquant lui-même tes aspects véritables et mouvants que rien ne démasque que l’épreuve un changement brusque une incertitude soudaine un impromptu ou un petit rien déstabilisant un grain qui coince un engrenage un cailloux dans la sandale métaphysique une surprise bonne ou mauvaise une surprise l’inattendu son instant même même… autrefois tu portais le visage nu et tu le formais jour après jour en un masque socialement massé neutre et acceptable voire normalisé ta binette normalisé au cadre de ta vie la vie que tu te faisais normale comme toi tu conçois le sens de normal en toute subjectivité ta vie avant grise comme avant ta face ta trombine de carte d’identité ta gueule de passeport même… mais c’est l’été tu te lances dans l’air chaud tout visage dehors au vent coulant tu oublies quelques secondes ton masque et tous tes masques et le soleil te frappe t’éclaire brusquement violemment ses dards ouvrent ton visage comme un fruit et ton visage se fend horizontalement malgré toi malgré tout ton visage se déclare et sourit même… alors tes yeux s’illuminent et ce n’est pas de soleil extérieur ce n’est pas d’être frappé là par les rayons drus de l’astre autour duquel la Terre danse non tes yeux s’éclairent depuis toi depuis ton for intérieur ton tréfonds où s’éveillent et baillent en souriant des sensations et des souvenirs de joies libres et tu dirais peut-être insouciantes et enfantines mêmes… cela ne dure que quelques infimes secondes cela un éclair de vitalité vraie apparaissant soudain transformant complètement ta physionomie qui s’anime et je te vois et je souris même et malgré moi alors émue de vie saisie