gros bleus — musique lourde
je te demande pardon je n’écris pas mes mains sont vides vides d’un début d’été à faire des cartons pendant que les forêts du Nord brûlent et enfument la moitié du continent américois, pendant que des migrants se noient par centaine, pendant qu’une poignée d’humains riches se suicide dans un sous-marin non homologué pendant que l’économie ressemble de plus en plus à une roue de supplices et de massacres invisibles autant des écosystèmes que des êtres pendant que des orques attaquent des bateaux en mer pendant que les publicités disent quoi acheter et comment penser pendant que nos gouvernements nous docilisent
je te demande pardon j’ai un coup de bourdon entre quitter ma vie et commencer une nouvelle vie dans un autre lieu où mes gestes n’ont pas d’empreinte où je ne suis pas encore j’ai le bourdon d’avoir un logis quand tant et tant sont sans ressources ni rien rien de rien que dalle ni toit ni eau ni riz ni pain ni j’ai ce bourdon qui ne cède pas comme si la souffrance des uns empêchait chez moi la moindre joie comme si la situation pouvait véritablement changer comme si
je te demande pardon je m’efface et me recule devant tant de bruit vide tant d’inutilité je m’efface et disparais des surfaces des vitrines des miroirs des écrans des images qui reflètent en mentant car le véritable du vrai est dans le silence immense qui m’entoure celui qui te gonfle comme une voile un silence vaste comme l’ensemble de l’humanité depuis le début de l’humanité un silence inouï qu’aucun langage ne peut traduire dans le pauvre disible des êtres
je te demande pardon tandis que la pluie salie de polluants éternels se déverse en chantant et en murmurant triste sa mémoire ancienne de particules pures sur toutes surfaces construites par l’homme et sur toutes les créatures vivantes de la planète en les contaminant sérieusement et que le monde meurent sous nos pieds, nos corps promènent leurs maladies en laisse car la mode veut qu’on se pavane le mal et le mieux que les autres en pétant de la broue jusqu’au ciel pourri
je te demande pardon je n’ai pas le cœur à dire des beautés ni rien certains jours la laideur des gestes et des mots que je vois et entends me dégoûtent autant que tout l’immense égout puant rempli de nos milliards d’étrons continus qui se déversent dans les eaux propres et la nature comme de l’épandage de lisier de porc qui n’engraisse rien d’autre que la mort je te demande pardon nous vivons tous ainsi au bord de soi sans vivre vraiment sous la peau sauf la douleur sauf la peine et le chagrin sauf la fin du globe parfait la fin de ce monde par notre putain de faute d’animaux se pensant pensant — quelle merde