l'usure — extrait de carnet
l’usure d’un clignotement
[…] parlant de la nuit cependant l’on pointe du doigt les noctambules sans réfléchir qu’ils réfléchissent un pan de Nuit comme des miroirs d’états vivants mais aussi intranautiques non reconnus — car nous faisons du déni au sujet même de la Nuit-même : nous y voyons des maux quand il y est foison de sens — aussi par soucis de contradiction nous adulons les cosmonautes fonçants dans l’espace phénoménal dit Nuit cosmique et ridiculisons ceux qui se cherchent un sens depuis leur intérieure nuit psychique c’est qu’en « vérité » nous avançons vers et encore tous somnambules ou obnubilés par la croyance étrange en Demain tel qu’appris dès le plus jeune âge et dont la bannière d’un vert espoir atténue continument sa couleur au fur et à mesure que l’orbe nous roule une ronde d’illusions portant le nom de Crépuscule et alors que nous lui tournons simplement le dos la nommée Aurore enfante un autre Demain cette perpétuelle promesse encore et à son approche nos pas s’engourdissent du poids des songes des contes anciens ces histoires à dormir debout ce mythe et ses messies polluants et d’un incertain que nous pensions certain car c’est avec une lenteur infinie que se comprend qu’il n’est rien de certain il n’est rien de certain et nous avançons poussés par masses et hordes et troupeaux soumis dans la brèche écartelée par les éclats lumineux que nous nommons Jour et nous traitons ce Jour comme un Maître et à ses ordres nous avançons aveugles éblouis ordonnés par les gouvernances chaotiques et crachantes vers ce qui n’est que l’usure à l’extrême d’un clignotement momentané dans la mer inouïe et indicible qu’est la Nuit la mère du Monde et des infinis visibles et invisibles […]
extrait du « carnet de Nuit »