suites de poèmes / petites danses et chants muets dans la neige
petites danses et chants muets dans la neige
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pointer piquer du pied
arrondis demi cercle piquer
pas de chat
chasser pas de chat piquer
recommence
je te dis recommence
tête cou épaule à la verticale – imagine qu’un fil te tire au ciel
tes bras sont l’arc tendu et
tu es la flèche
de la cheville aux bouts des pieds est l’empenne
plier les genoux les pieds en première – plie plus
saute et saute et chasser plier arabesque
tu as mal? recommence tu te réchauffes…
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j’inspire les notes froides de la neige, versées du Nord, couvrant l’asphalte. depuis le trottoir je fais un bond et atterris les pieds écartés. des pattes d’oiseaux dessinent un petit parcours que je copie en plus grand. mes pas font des traces noires qui se croissent ou tournent et retournent. puis j’atterris sur l’autre trottoir en faisant un bond. une voiture passe sur la chorégraphie et la raye de parallèles. je pose le pied dans l’une des traces de pneus et de l’autre pied je dessine une ligne plus fine, je saute dans l’autre grande trace, et du pied opposé dessine une autre ligne fine, puis encore une au centre : voici une portée, me dis-je, en sautant sur le trottoir.
il neige sur ma danse et je chante en silence.
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les muscles de l’abdomen bien tendus
on soutient le diaphragme on inspire par les côtes et le dos
on baille la gorge et
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je ne sais pas si les étourneaux sont revenus, j’adore les regarder quand ils paradent. ils dansent en sautant les ailes en haut puis en bas, en faisant tous les sons dont ils sont capables pour charmer une comparse, les imitations de rouge-gorge et de chardonneret tout y passe. ils chantent la gorges renversée grande ouverte comme si le cœur allait en sortir. plus tard, ils apprennent les sons et les intonations à leurs petits, c’est drôle et charmant, la répétition, la patience, l’encouragement, et la victoire dans le chant de l’oiseau dès que son petit acquière la juste modulation. alors ils s’appellent d’une branche à l’autre et se causent d’ici et là
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— mademoiselle, tu n’y es pas du tout
regarde, on fait comme ça comme ça…
— « comme ça », ça ne veut rien dire, madame
— !… et on recommence depuis le début allez les filles!
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j’inspire dans le froid et me tend
je suis une flèche
dans l’arc de mes bras
la neige danse ses rideaux où
mes traces de pas dessinent
un chant dédié
à la disparition
je suis les traces d’oiseaux
sautille avance tourne retourne
entre les allées venues des voitures
un passant fait semblant
de ne pas me voir
je refais des lignes entre
les lignes puis des cercles
je danse dans le voile de neige
à la prochaine nuit de noce du printemps
je danse sur la condensation
je danse la buée et le souffle du monde
je danse la sueur des êtres
je danse
les mers et la plainte des oies
dans le froid
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merci pour votre lecture