Point Zéro

Un long fil se dévide
Sur la terre entrouverte
Parmi les miettes molles
D’un sous-sol remué
L’ exhalaison aride
l’haleine de la perte
Dans les vapeurs d’alcool
D’herbe sèche coupée
*
Les mains sont incertaines
Sur la pierre brûlante
Aux frottements secs
Et sucrés de la sève
Elle coule de vos veines
En eau froide et stagnante
Les mains les mains avec
Les lignes de vos rêves
*
Leurs empreintes trop lisses
Comme une peau tendue
Sur la mémoire des morts
Des pères avant les pères

Le devenir des fils
et des filles perdus
Sur la mémoire des corps
Des mères avant les mères
...
...
Regarde
Mille strates ancrées de mille temps
De tant d'opacité
N’est-on que durcissement?
Le linceul des lois
Que les hommes ont tissées
La surface et le poids
De leur médiocrité ?
*
Pourtant
Pourtant
Nulle fièvre nulle fuite
Que le cœur immobile
Parmi des équations
Ce cœur qui dort au fil
De nos lueurs futures
Et d’autant d’illusions

...
...
Alors, entre les
silhouettes cristallisées
Des temps lointains
Tu retrouves les traces
De tes anciens moi
Avant tes moi
Puis découvres les traces
De tes nouveaux moi
Avant tes moi
*
Tu es la veille
Le témoin
L’angle rebondi
L’espace qui se déploie
Quant l’horizon s’efface
Et l’aube s’élargit
Dans la clarté rendue
De tes noms de guerre lasse

...
...
Tu peux attendre
Respire encore s’il le faut
Avant de te lever
Fouilles afin de jeter
Les codes périmés
Fouilles la cicatrice
Les failles obligées
Les moindres interstices
Lézardes nécessaires
Des anfractuosités
*
Il y a tant à défaire
De tes propres secrets
Tant de poids sur le dos
De murs non percés
Des figures des échos
Jusqu’au point de rupture
Non-retour point zéro
*
Corps et âme
Temps sans plus
De secondes latentes
Imagines-tu ?
Corps sans âmes
Tant et plus
La petitesse des tyrans
Dans leurs yeux en attente
Leurs caprices d’enfants ?
...
...

L’amnésie l’amnésie…
Elle marche et décèle la fissure de l’os
La cicatrice s'ouvre à son propre secret
Lentement
*
Une plainte souterraine
Ébranle la surface
Comme une fumée lourde
Une mémoire oubliée
Se gonfle souveraine
Une fibre se tend
*
Un cri de terre se lève
Des poussières se soulèvent
Couvrent le vide au coeur
Comme s’élève un chant

*
La chair la chair alors
Respire
Offre
Gémit
Tremble
Grande relique d’or
Se souvient et façonne
Où le ventre frémit
Lumière sacrée
Dont les fragments aspirent
A devenir un temple
...
...
(Car tu es la sève, le quartz
Le tombeau, l’innocente
Tes noeuds portent des noms de guerre
Sous leurs feuilles naissantes
Les vertèbres du monde
Remontent des enfers
Et rampent vers le ciel
Les os craquent et fondent
Comme des grains de sel)
...
...

Tu te réveilleras
Dans le dur lit
D’une séquence nouvelle
La mémoire de ton rêve
Le geste de l’attente
Invisible et pérenne
*
Alors dans vos regards
Nous saurons
Les effets de miroirs
Nous saurons
Où étaient les erreurs
Et les trous de mémoires
Comme des trous au coeur
Nous saurons
Dans le dur lit
De l’enfance
Où s’étaient tapi
L’ignorance
...
...

Si un seul signe advient
Prends le je t’en conjure
Dans la densité de ton effort
La transparence de l’azur
Et ce qui vient
Des confins de ton corps
Libérée de tout ordre
Prends le
*
Écris dis clame
Ton histoire de femme
Ce long poème du désordre
Ce livre des adieux
*

Et dans la foison d’atomes
Entre toi et toi
*
Le point de non-retour
Ton absolu
Ta voix