Venise

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 11:52 (il y a 3590 jours)

J'ai un peu retravaillé, je cherche des coachs....


Dans Venise la rouge…
(ouverture)


Ce serait bien d’oublier le nom :
arriver par la mer un beau jour d’avril
en glissant sur cette lentille convexe, turquoise glauque, lagune
rayée de légers véhicules et de leurs plumes blanches.
Voir au loin le trait appuyé des îles
sans aucun plan en tête – s’avancer –
par hasard arriver à l’endroit décrit
dans le vieux poème immobile. De rouge il n’y a encore rien
mais les lions sont là
l’eau affleure les dalles, il suffit de prendre pied.

1 / temps

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 11:53 (il y a 3590 jours) @ Claire

il faut venir à toi avec des petits enfants
o belle comme belladone
qu’ils voient dès le premier soir le bas de ta robe grenat
trempant et fluctuant au pied des murs dans des algues sombres
que pour la première fois se grave en eux
fin stylet chargé d’encre
ce mot inaudible sorti du passé
qu’on a oublié avant de naître.

tout est mort - tout vit
mais tout n’est que momie mais tout se nourrit encore
de leur attention - l’or de la grande coupole
le cri étonnant des gondoliers dans la nuit
sur l’eau noire revenue au silence
remue encore dans leur coeur
ce qui remua Wagner.


( ils auront le temps plus tard
de lire l’histoire,
sur quelle forêt de troncs immergés tu te tiens
et ce qui te menace.
le temps d’apprendre les fêtes
l’amour masqué, la délation
la rapacité changée en or de la Très Sereine,
où le vieux doge épouse la mer.)

qu’ils voient de maintenant
l’envol des pauvres noirs
avec leurs nappes blanches comme des ailes
remplies de pacotille, devant la police…
qu’ils y voient un jeu.

2 / couleurs

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 11:55 (il y a 3590 jours) @ Claire

il y a le rouge de l’ocre – vieux sang lavé
il y a le turquoise et le vert de l’eau
le noir des livres l’or des filigranes
il y a - dalles, pigeons, quartiers, nuages - le gris
il y a le ciel.

mais aussi
plus fort
ce que dit autour des fenêtres la bordure blanche
qui en fait des yeux
grands-ouverts ou bien vides.

le mystère de l’architecture
qui nous étreint sans image devant des maisons inconnues
comme si on avait habité longtemps partout
qu’on revenait toujours dans les pas
d’une enfance multiple
noyée dans les plissements du temps.

au-devant de ces yeux :
je retrouve le dessin de cette façade
à cette fenêtre je me suis tenue
et de loin -
me regarde venir.

3 / photographies : deux photos

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 11:56 (il y a 3590 jours) @ Claire

debout sur le ponton de bois elle regarde
l’eau dans laquelle s’enfonce un escalier
de bois / debout au début d’un passage
couvert, il est tourné vers la lumière.

ils ont la même position pensive le corps
au repos, dos arrondis – ils rêvent - et l’eau,
l’air, la pâle journée où elle baigne /
la limite de l’obscur intérieur où il
se tient / l’étendue du canal devant elle -
penchée, / les murs noirs autour de lui serrés
font un double entourage autour de leurs corps
/ féminin – masculin /

3 / photographies : fillette invisible

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 12:33 (il y a 3590 jours) @ Claire

Elle est fatiguée des autres, d’être en face des autres, et plus encore de dire des mots et des phrases, soulignés d’expressions du visage et de la tenue du corps. Elle est sortie dans l’après-midi encore clair, a marché aussi droit qu’elle pouvait, passant les petits ponts, longeant les canaux verts, tentacules parallèles ou en arborescence. Elle a traversé des places aux bancs vides, regardé des petits marchands de fruits, de photos. Elle s’est vite perdue, glissant le regard sous des voûtes basses où clapote l’eau, elle a aperçu tous les bateaux, neufs ou ruinés. Fatiguée, elle s’est glissée dans le parc qui s’ouvrait devant elle, désordre, haute futaie, houx. Elle vient d’avoir 12 ans, n’ose que depuis quelques mois se promener ainsi dans la ville. Elle est prudente comme la colombe.
Le parc est tout en longueur pour autant qu’elle puisse en juger. Il s’appuie sur un mur très haut, un palais sans doute. Elle se glisse entre des arbres contraints de monter pour chercher leur lumière. Les grands caducs sont nus, mais des pins, des haies, et des bosquets de buis abandonnés ferment autour d’eux leur écran végétal. Tout au bout du parc, à l’endroit où il se rétrécit, se trouve une pergola au bord festonné, aux volutes de fer pointues.
Soudain, il se découvre devant elle, aussi droit que le grand tronc qui le précède. Droit et beau, encadré d’un arc de feuillages, presque nu dans la fin d’hiver, tête bouclée qui la regarde. Au-dessus de lui piaillent déjà des oiseaux prêts au printemps. Son bras droit pend le long de sa cuisse, et sur son corps parfait, la mousse et les lichens ont dessiné les ocelles d’une fourrure sauvage, la lèpre hasardeuse du temps. Elle reste en face de lui, saisie de cette solitude.

3 / photographies : opacités

par Claire, mercredi 28 janvier 2015, 12:34 (il y a 3590 jours) @ Claire

j’ai rêvé d’une conspiration.
c’était un groupe de gens auquel j’appartenais depuis très longtemps, que je retrouvais toujours d’un lieu à l’autre.
toujours l’eau nous amenait à nous retrouver, avec des bateaux, des barques.
quand j’y repense, dans mes images, la brume joue toujours son rôle étouffé, et un certain danger aussi
qui rendait la vie plus creuse, plus profonde.
l’eau est presqu’opaque, vitrifiée, elle bouge peu. le courant
imperceptible déplace lentement ce qui flotte à sa surface.
pourtant toujours elle nous ramenait les uns auprès des autres.

et nous cherchions le moyen de faire quelque chose
nous cherchions les issues.
il y avait quelque chose d’inacceptable dont il fallait sortir.



au loin
brille dans nos esprit
l’eau verticale d’une cascade
en pleine montagne.
on voit des bâtiments bas entourés d’animaux
où nous pourrions vivre
éternellement.

petite suite d'eaux vivantes

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 19:28 (il y a 3590 jours) @ Claire

brille dans nos esprit
l’eau verticale d’une cascade
en pleine montagne.







je suis heureuse de lire ta main
ta langue et tes sens. ici.

petite suite d'eaux vivantes

par Claire @, jeudi 29 janvier 2015, 22:34 (il y a 3588 jours) @ cat

dis-moi un peu plus Catrine, s'il te plaît.

petite suite d'eaux vivantes

par cat, vendredi 30 janvier 2015, 03:45 (il y a 3588 jours) @ Claire

Venise...




je crois que j'entends ta voix, un timbre en apparence très calme et détaché, pourtant que très animé (dessous), je crois que je lis/entends la voix sous ta voix, la couleur du rire (de rire ensemble de drôlerie - sans méchanceté - par conivence), la couleur du rêve lointain, celle mélangée de souvenirs non moins mélangés, j'entends passer sous silence des pans de vie, des états, des songes, d'autres voyages... j'entends des choses infimes, délicates, de teintes étranges — de ces teintes qui n'existent qu'à l'interieur de toi, comme la couleur singulière que tu donnes à la beauté... bien sûr les textes parlent de choses précises et extérieures et lointaines ou frappantes, identifiables dans le réel du monde de tous, et en même temps, il y a cette cadence qui n'est qu'à toi, une manière de lenteur plus que lente où tout bouge pourtant, puis encore cette accuité ... et en fait je suis heureuse de trouver/rencontrer autant de dimensions, et aussi celles qui ne sont pas écrites mais évoquées..et.. ça me dépayse, ta manière (je parle hors genre, hors type littéraire, hors cadre - je suis incorrigible) d'exister et de faire exister..
j'aime bien ça, ta manière, et être dépaysée ;)

hm... il y a peut-être... des petits bouts de phrase, des petites choses de rien, des adjectifs, des détails... qui... pourraient être retranchés

si tu veux, je peux enregistrer des segments et te les envoyer, peut-être qu'à l'écoute (cette autre dimension-là) tu les entendras, tu entendras ta justesse à toi ? ou peut-être cela validera ta démarche ? bien sûr je propose ça comme ça, c'est à ta seule convenance.

petite suite d'eaux vivantes

par Claire, vendredi 30 janvier 2015, 16:02 (il y a 3588 jours) @ cat

oui, j'aimerais bien.
en répondant à zeio (c'est l'intérêt des échanges), j'ai pris conscience des enjeux qu'il y avait dans cette série de poèmes "de commande" à propos d'un thème rebattu. Et j'aimerais bien creuser, aller chercher le diamant de cette réalité qu'on perçoit par moments : l'émotion esthétique pure, sa dimension maternelle qui vous ramène au statut le plus pur de petit enfant, balance d'une chiquenaude vos prétentions intellectuelles...et le rire libérateur derrière. Surtout j'aimerais mieux le transmettre.

Je suis allée trois fois à Venise. La première il faisait un froid de canard, il tombait de la neige mouillée et après avoir erré de café en café on a décidé d'aller plus au sud. La deuxième fois j'étais avec trois petits enfants ,et c'est là qu'on a réussi à me traîner dans une gondole (!) de nuit (!). Et cette expérience ridicule a été une des plus fortes sensations esthétiques de ma vie...je me souviens du pull que je portais, c'est pour dire :)

petite suite d'eaux vivantes

par cat, vendredi 30 janvier 2015, 20:26 (il y a 3587 jours) @ Claire

(enregistré & envoyé)

petite suite d'eaux vivantes

par Claire, samedi 31 janvier 2015, 14:26 (il y a 3587 jours) @ cat

Ça y est, j'ai pu écouter !

Il y a une tranquillité très tendre dans ta voix, et effectivement les quelques complications inutiles du texte apparaissent bien.
Je vais corriger tout ça, je crois que je vais ajouter en introduction les choses que j'ai dites à zeio, qui expriment bien finalement ce que donne cette ville quand on y va "innocemment".

merci beaucoup Catrine

petite suite d'eaux vivantes

par cat, samedi 31 janvier 2015, 17:20 (il y a 3587 jours) @ Claire

mais de rien )))

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 13:31 (il y a 3590 jours) @ Claire

il n'y a pas de coach, claire.

écrire c'est être dans la solitude.

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 14:10 (il y a 3590 jours) @ dh

oui denis, c'est évident qu'écrire se fait seul. mais il vient un moment dans l'écrire où les yeux ne voient plus. l'écrivant conscient, ou rendu conscient de ce moment aveugle dans l'écrire et conscient que l'écrire demande un regard, se tourne vers (appelle) un regard d'autrui qui permet un repositionnement, une validation, d'élaguer, nudifier pour rester dans l'essence concentrée, ne pas se trahir, ne pas trahir l'écrire.

accepter ce regard est aussi se franchir, se rendre, c'est une nécessité puisqu'écrire est a donner, offrir. c'est aussi une étape dite d'expiration, expiration vitale après une longue inspiration (plongée). l'expiration rend possible la transition suivante qui est de donner tout à fait (abandonner, et ce sevrement précis) cet écrire particulier aux yeux des autres, à tous nos autres, étrangers proches-lointains, pour toujours.

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 15:00 (il y a 3590 jours) @ cat

oui, le regard de l'autre est aussi nécessaire.

que penses-tu de mon poème en anglais ci-dessus ?

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 15:54 (il y a 3590 jours) @ dh

j'ai coupé mes mains critiques à la nouvelle année, faudra attendre que ça repousse ;)

Venise

par Ecrire, mercredi 28 janvier 2015, 17:38 (il y a 3590 jours) @ cat

Mais tu n'as pas pour autant perdu ton doigté !

Venise (et mes couleurs)

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 19:10 (il y a 3590 jours) @ Ecrire

ha ça !
;)

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 17:40 (il y a 3590 jours) @ cat

tu as tort chère catrine. moi j'ai toujours bien aimé tes critiques, contrairement à d'autres...

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 17:44 (il y a 3590 jours) @ dh

et je pensais que tu maîtrisais l'anglais.

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 18:50 (il y a 3590 jours) @ dh

and I do so, pall
well, not quite, but quite ;)

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 19:06 (il y a 3590 jours) @ dh

ha non c'est terrible quand je fais ça...
aawwhh j'ai tellement pas de filtre
(Gauloise sort de mon corps!)




bon sang, perd-on jamais le goût des Gauloises..

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 19:03 (il y a 3590 jours) @ dh

ton poème contient des passages intéressants
mais pourquoi t'auto-traduire, surtout vu que l'écrire est déjà en lui-même traduction ?

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 19:52 (il y a 3589 jours) @ cat

j'ai envie de me traduire en anglais car cela donne un regard nouveau sur le poème. beaucoup d'écrivain se traduise eux-même, a n'a rien d'original. et puis comme ça je peux être lu par un autre publique. voilà.

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 19:54 (il y a 3589 jours) @ cat

ton poème contient des passages intéressants>>>


d'habitude on dit ça quant on n'a pas aimé.

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 20:06 (il y a 3589 jours) @ dh

ben d'hab quand j'aime pas ou je dis "j'aime pas" ou je me la ferme parce que d'autres aimeront et je ne veux pas influencer la lecture de ces autres que je respecte - mais très souvent j'aime, même j'aime beaucoup et je ne dis rien non plus... (parce que ça me regarde) ;)

quand je dis "contient des passages intéressants" c'est que je pense "contient des passages intéressants" - est-ce possible d'être sincère et simple, et/ou simplement sincère ?





p.s. tu as interdiction de me couper les cheveux en 4, cette opération est réservée à Claire ;)

Venise

par dh, mercredi 28 janvier 2015, 20:52 (il y a 3589 jours) @ cat

ah bon très bien.

merci catrine.

Venise

par cat, mercredi 28 janvier 2015, 19:01 (il y a 3590 jours) @ cat

des fois je ferais mieux de me taire, ou du moins, de ne pas penser tout haut...
(moins je veux répondre plus une part de moi tient à formuler une réponse, est-ce grave dotoré?)

Venise

par zeio @, jeudi 29 janvier 2015, 14:43 (il y a 3589 jours) @ Claire

J'ai l'impression que ce poème est plutôt à classer dans la catégorie "décoration". M'est avis que pour parler de venise, il faut à tout à prix s'éloigner des gondoles, des dalles, des îles.

Venise

par zeio @, jeudi 29 janvier 2015, 14:49 (il y a 3589 jours) @ zeio

Peut-il faut-il rabattre les cartes. Venise, c'est le flocon de neige, la dune de sable, le tipi amérindien, la masque africain craquelé, l'usine désaffectée soviétique, le chagrin d'une nonne, bref, tout ce qui éloigne ces images intérieures préconçues, permet d'observer le monde avec des yeux nouveaux.

Venise

par Claire @, jeudi 29 janvier 2015, 22:24 (il y a 3588 jours) @ zeio

Merci zeio.

oui, ça a été bien sûr la première idée : fuir les clichés....seulement après, je me suis dit que c'était tricher. Parce que ce qui fait Venise, la vérité de Venise quand on y vient - si prévenu qu'on soit contre tout ce bazar touristique, si hérissé qu'on soit par les lieux communs et les paillettes - c'est que la puissance de sa beauté se moque de vos poses d'intellectuel averti, qui veut jouer sa partition.
C'est pourquoi j'ai parlé des petits enfants, Venise vous rend con comme un petit enfant devant un sapin de Noël, comme une fillette devant la barbie de ses rêves.
Alors j'ai essayé de jouer le vrai jeu de ce que j'avais ressenti.
Mais je vois qu'il y a quelque chose d'intransmissible de ce rire intérieur qui naît, dans l'acceptation de ce qui est au delà de la pensée : l'évidence du beau, du passé. Ou en tout cas que je n'y suis pas parvenue.

Je vais essayer de rattraper un peu le truc en donnant comme titre : "Venise ressemble à un livre sur Venise".