commentaire du poème

par dh, lundi 16 mars 2015, 16:42 (il y a 3543 jours) @ dh

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se dégage de ce poème dans sa globalité une impression de fatigue et en même temps d'endurance. et puis aussi l'idée d'une désillusion, d'un retour à la simplicité du réel après les grands rêves et cauchemars de l'histoire. non pas une poésie d'après l'histoire, mais une poésie qui engloberait l'histoire dans un ensemble cosmique plus vaste, au delà de la joie ou du désespoir. "longtemps n’avons vécu / que des voyages en soute". on sait que rl aime proust. ce premier vers s'inscrit en quelque sorte comme un double négatif de la première phrase de la recherche. le nous collectif et le thème du voyage s'opposent au je immobile et ensommeillé de proust, alors que le temps imparfait, le retour sur le passé par l'écriture est typiquement proustien. rl, en bon géomètre de l'existence, construit un univers dans lequel on verrait bien évoluer des silhouettes à la giacometti : lignes, nuit, filins, vide, distance, ces mots dessinant un paysage crépusculaire et froid, dans lequel la présence humaine semble presque accidentelle. "pourtant / nous comptions à nos mots / leur pesant de réel" souvenir d'une époque où les mots et le réel étaient comme indissolubles, bien avant que tout ce qui était directement vécu ne s'éloigne dans une représentation incertaine et menteuse. "tout ça monnaie de singe" la désespérance de s'être fait dupé, d'avoir misé sur le mauvais cheval semble remettre en question la possibilité même de continuer à vivre, mais l'existence même du poème comme témoignage d'un être-là qui malgré tout perdure et produit du sens, sa nécessité, empêche le basculement dans le nihilisme. "errant sur les quais portuaires / de nos boîtes crâniennes". on pense ici au pessimiste schopenhauer (autre influence proustienne) écrivant : "ma tête est dans le monde, mais le monde est dans ma tête." et à beckett (ombre de proust encore) : "hors crâne seul dedans" vient ensuite le moment ou le temps sort littéralement de ses gonds et bascule dans un univers statique et purement spatial :"semblables à nous même / aujourd’hui /comme ailleurs" l'aujourd'hui temporel se dissout dans l'ailleurs spatiale et éternel, le silence des espaces éternels. la fin du poème, son point d'orgue, est une une dissonance, une incertitude : "nos mains comme des bombes / serrant / la vérité". nostalgie pour une vérité quasi légendaire que l'on se refuse à oublier, mais qui n'appartient plus qu'à la mémoire, peut-être la possibilité d'une espérance



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