Début de roman dont c'est aussi la fin

par Cerval @, lundi 06 avril 2015, 12:57 (il y a 3522 jours)

Tout ne vaut que s'il est banal

J'entre dans le langage Les mots me saluent d'une façon Lassante Adorable et connue BANALE La fraîcheur des églises au détour des phrases Interrompues Ici le décor m'arrête

la vie passe si bien qu'on ne la qualifierait de [courte] ou de [longue] catégories euclidiennes propres aux tailleurs elle s'épuise à ne pas se ressembler tant qu'il n'y a que l'insomnie qui permette de reprendre son souffle c'est un exercice du malgré-soi et j'apprends patiemment à manifester ma joie par des FLAMMES

ma mémoire me bouscule impoliment.

et donc il ne faisait pas beau
d'autres jours il le faisait au même endroit
à s'ouvrir des yeux supplémentaires si accepter la peau était possible
je commentais le ciel désert d'un poème qui y mettait nuages & oies sauvages
il était 7 ou 8 heures du matin je marchais dans une compagnie négligeable qui n'était là que pour le souvenir

nous étions allés à ce café
c'était si peu qu'il faille le décrire
la lumière rouge des braseros du chauffage suspendu au dessus de nos têtes comme des soleils de fin du monde et l'épouvantable chaleur des conversations alentour ce mouvement de soi que rythme le manger et le boire
je fumais comme on fait des décomptes
à quoi fallait-il que la conversation s'heurte
on ne dit choses passées
comme une chevelure caressée
par le plaisir d'y perdre l'idée de ses doigts

- bonjour
- bonsoir
toutes les pensées au même endroit
elles ne ressemblent qu'à celui où elles s'exercent
comme la voix chargée des matières qu'elle traverse

de notre-dame à l'île saint-louis ça fait à pieds tout au plus la longueur d'un poème

Où l'on peut trouver dans une rue plus étroite des immeubles coloriés au pastel derrière une cour pudique puisqu'un mur la cache Et il y a pour y accéder une façon de passage Où dort un fronton qui rappelle à ce qu'il couronne l'idée d'une pluie possible Que je n'ai jamais tenue dans mes bras Afin qu'on s'y abrite Cela faisait une marge comme dans la ville Endroits à forme de repos où l'on ne s'arrête pas


lieux en forme de bras :
squares & jardins & ruelles
le ciel renversé une après-midi au dessus des buttes-chaumont comme si la vision épuisait les couleurs Le vent mêle les objets à sa voix ODEURS Les lignes cherchent sans le montrer leur principe Et retournent à leur idée claire Comme si elles suggéraient le dessin d'elle-même Et sous leurs yeux il y a encore leurs mains

UN autre soir
tout commençait à quai-de-la-gare
cent plages me furent terrasses de café
ailleurs église d'auteuil
sans dormir
il fallait s'asseoir pour se souvenir
les feuilles comme des pensées tombées
ciel immobile où tout finissait

ceux où le soleil recommence
la merveilleuse fermeté de son balbutiement
le revers de la cendre et
comme tout y venait ensemble
tout ce qu'on dit
pour n'en être que doté

prendre ta voix ici ou là
laissée aux quais
l'ennui qui par pur amour ne finissait

tout cela ne fait ni sens ni ordre
et partout pourtant
la même lumière
qu'en conclure

RIEN

Début de roman dont c'est aussi la fin

par Écrire, lundi 06 avril 2015, 18:10 (il y a 3521 jours) @ Cerval

"... je marchais dans une compagnie négligeable qui n'était là que pour le souvenir"

A l'occasion, le négligeable se dédommage en devenant inoubliable.

Début de roman dont c'est aussi la fin

par Claire, mardi 07 avril 2015, 14:08 (il y a 3521 jours) @ Cerval

beaucoup de plaisir à retrouver ici ton écriture si étonnante, Cerval.
J'essayais de définir un peu mieux ce que j'y sens : fluidité, fuite du temps sous les doigts, ferveur constamment atténuée ou cachée mais présente, distorsions étranges...et dans ce poème, l'errance dans Paris qui lui donne des allures d'un film de Rivette. et toujours l'air du dehors, des rues, les lumières.

Début de roman dont c'est aussi la fin

par silfautunomceseraceluidunombre, mardi 07 avril 2015, 14:37 (il y a 3521 jours) @ Cerval

A la re-re-relecture -car il faut prendre le temps- très belle écriture, subtile, et belle manière de tendre des fils de lumière entre les choses, les sensations, les paroles, les pensées, de les faire dialoguer entre elles sans gravité

Début de roman dont c'est aussi la fin

par julienb @, jeudi 09 avril 2015, 14:35 (il y a 3519 jours) @ Cerval

C'est bizarre et beau, détaché et profond, ça coule dans des méandres. J'aime beaucoup.