Extrait de "dix jours en mai"
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Combien d’histoires ont commencé sur le cuir râpé de sa banquette arrière ? Jusqu'où sont-elles allées après qu'il les ait déposées ? Curieux, il ne l'était pas trop à l'origine. Quand il chargea ses premiers clients, il se préoccupait peu de savoir qui il accompagnait. Ce qui se passait dans son dos se résumait à une vague rumeur. Un théâtre d’ombre assourdi. Puis, un jour, il avait changé. Il était devenu collectionneur de bribes. Un hobby involontaire engendré par une activité qui l’occupait 60 heures par semaine. C’est le métier qui veut ça, s'était-il dit alors, sans trop s'émouvoir de ce constat. Son champ de conscience s’était élargi. Il ne prenait plus seulement en compte les données de la circulation et le tempo du compteur horokilométrique. Il engrangeait en mémoire les menus événements qui se produisaient dans l’habitacle. Désormais, les kilomètres étaient diserts. Ils bavardaient, riaient, chuchotaient et se caressaient. Il y avait aussi les éclats. Des cris. Des drames. Des ronflements…
Il se souvient avoir entendu, à moins qu'il ne l'ait lu, que ce qui était déterminant dans une relation amoureuse, c’était la fin. Selon cette optique, la manière dont elle se conclut en dirait plus long sur sa portée que n'en révéleraient ses prémisses. Il penchait volontiers pour ce point de vue. Les débuts ne réclament pas d’effort particulier. Au contraire, il suffit de se laisser aller, de s’abandonner à l’attraction que chacun exerce sur l’autre. Ensuite… ensuite il faut y mettre du sien. Mais comment y parvenir lorsqu’on est sur les routes jour et nuit, les weekends et les jours fériés ?
Quand il rentre chez lui, sa femme et ses filles sont couchées. A l’heure où il quitte le domicile, elles dorment encore. Jojo se gratte la casquette. Il essaie de se souvenir à quand remonte son dernier dîner en famille. Jojo vit dans un monde parallèle. C’est le capitaine d’un vaisseau interstellaire dont l’équipage est plongé en hibernation. Il assure la maintenance des caissons et remplit le frigidaire… Sur cette réflexion dont on ne sait si elle est sage ou folle, il lance sa machine dans la rumeur automobile.
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Combien d’histoires ont commencé sur le cuir râpé de sa banquette arrière ? Jusqu'où sont-elles allées après qu'il les ait déposées ? Curieux, il ne l'était pas trop à l'origine. Quand il chargea ses premiers clients, il se préoccupait peu de savoir qui il accompagnait. Ce qui se passait dans son dos se résumait à une vague rumeur. Un théâtre d’ombre assourdi. Puis, un jour, il avait changé. Il était devenu collectionneur de bribes. Un hobby involontaire engendré par une activité qui l’occupait 60 heures par semaine. C’est le métier qui veut ça, s'était-il dit alors, sans trop s'émouvoir de ce constat. Son champ de conscience s’était élargi. Il ne prenait plus seulement en compte les données de la circulation et le tempo du compteur horokilométrique. Il engrangeait en mémoire les menus événements qui se produisaient dans l’habitacle. Désormais, les kilomètres étaient diserts. Ils bavardaient, riaient, chuchotaient et se caressaient. Il y avait aussi les éclats. Des cris. Des drames. Des ronflements…
Il se souvient avoir entendu, à moins qu'il ne l'ait lu, que ce qui était déterminant dans une relation amoureuse, c’était la fin. Selon cette optique, la manière dont elle se conclut en dirait plus long sur sa portée que n'en révéleraient ses prémisses. Il penchait volontiers pour ce point de vue. Les débuts ne réclament pas d’effort particulier. Au contraire, il suffit de se laisser aller, de s’abandonner à l’attraction que chacun exerce sur l’autre. Ensuite… ensuite il faut y mettre du sien. Mais comment y parvenir lorsqu’on est sur les routes jour et nuit, les weekends et les jours fériés ?
Quand il rentre chez lui, sa femme et ses filles sont couchées. A l’heure où il quitte le domicile, elles dorment encore. Jojo se gratte la casquette. Il essaie de se souvenir à quand remonte son dernier dîner en famille. Jojo vit dans un monde parallèle. C’est le capitaine d’un vaisseau interstellaire dont l’équipage est plongé en hibernation. Il assure la maintenance des caissons et remplit le frigidaire… Sur cette réflexion dont on ne sait si elle est sage ou folle, il lance sa machine dans la rumeur automobile.
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