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par Olivier, lundi 08 juin 2015, 01:08 (il y a 3459 jours)

Quelqu’un a dit des personnages de Candide qu’ils n’avaient pas de consistance, soit. Tout comme les personnages des romans de Rabelais, ou des fabliaux qui les ont précédés, mais on n’a pas toujours été attaché à sa silhouette, à son individualité, à son égoïsme. Les tableaux de Bruegel en témoignent : on est parfois aussi tombé en symbiose. Cette symbiose qui justement, est la résignation, ou la perte de son individualité, si jamais on en a eu une. Les tableaux de Bruegel insistent sur l’individu comme décor, intégré au paysage d’hiver (j’insiste sur cette saison lucide et dénudée). Ces tableaux là font de la résignation comme un attribut divin, et à vrai dire, comme un sentiment tellement fin, tellement rentré, qu’il jaillit sans jaillir, qu’il est sans être. Tout l’inverse de la monstrance, de l’insignifiance, ces personnages ne sont que leur âme, ne sont que des produits de la nature et de quelques traits de culture, juste assez pour les différencier du reste. Voilà pourquoi je n’aime pas qu’on s’attaque à leur soi-disant inanité. Ils sont froids certes, mais comme l’image d’un brasier.

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par Claire, lundi 08 juin 2015, 11:29 (il y a 3459 jours) @ Olivier

en écho, un extrait de François Cheng : Cinq méditations sur la beauté :







"Je crois que tout le monde a vu plus ou moins un
tableau chinois.
D'ailleurs un oeil occidental ne manque pas de
remarquer que, au sein de ce paysage représenté par
des grands rouleaux, on voit un petit bonhomme qui
est là.
Pour un occidental qui est habitué à toute cette
grande tradition de la Renaissance, c'est-à-dire,
l'homme est campé au premier plan, alors que le
paysage est relégué en arrière... On dit, mais, ce petit
bonhomme, il est noyé dans la nature, il est perdu
dans le grand tout. C'est la première impression.
Mais pour un Chinois, c'est le contraire...
Même pour un oeil occidental, lorsqu'il commence à
vraiment contempler ce paysage chinois… Au début, il
admire les montagnes, les arbres, les brumes, les
fleuves et tout ça... Mais il finit quand même par fixer
son regard sur ce petit bonhomme qui est là. Et, il va
s'apercevoir que ce petit bonhomme, il est situé
quelque part au coeur du paysage et il est en train de
contempler ce paysage.
Petit à petit, le spectateur occidental, comme un
spectateur chinois, finit par se mettre à la place de ce
petit bonhomme. On finit par se mettre à sa place et
on contemple le paysage à partir de sa position. Parce
que ce petit bonhomme est toujours situé quelque
part à un point assez vital. Et on s'aperçoit que c'est
autour de lui que le paysage tourne, s'organise... Non
seulement ça. Et on finit par penser qu'il est l'oeil
éveillé et le coeur battant du paysage.
C'est ainsi que le Chinois conçoit notre place au sein
de l'univers.
On a l'air perdu, complètement ignoré de cet univers
vivant. Et pourtant le ciel étoilé, le soleil couchant,
c'est nous qui les avons vus, sinon c'est un peu en pure
perte.
Donc, nous sommes là, nous faisons partie du
programme de l'univers vivant... Peut-être il y a
d'autres êtres vivants dans d'autres planètes, mais ça
n'enlève en rien notre rôle, notre grandeur, c'est
d'être encore une fois, je le répète, l'oeil éveillé et le
coeur battant de l'univers..."


Lexique
Au sein de : dans, à l’intérieur de.
Brumes (f.pl): brouillard léger qui empêche
de voir loin.
Campé : ici, peint, placé, représenté, avec
une notion que le personnage est important.
Contempler : regarder avec concentration et
admiration.
Ignoré : ici, inconnu, considéré sans
importance.
Perte, c’est en pure perte : ça ne sert à rien.
Relégué : ici, peint, placé, avec une notion
que le paysage n’est pas important.
Rouleaux (n.m.): ici, le papier sur lequel est
peint l’oeuvre est enroulé sur un rouleau.
S’apercevoir : se rendre compte, comprendre.
Sein, au sein de : dans, à l’intérieur de.

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par Rémy @, lundi 08 juin 2015, 21:30 (il y a 3458 jours) @ Claire

Je ne comprends pas ?

Jusqu'au Moyen-Âge, la peinture représente soit un portrait, soit une scène de vie ; il est donc bien évident que les personnages y sont prépondérants.
À la Renaissance, ces deux genres continuent d'exister, et parallèlement se développe petit à petit un nouveau genre qu'on finira un jour par appeler paysage, en ce que les peintres se mettent à représenter des scènes avec un nombre de personnages tel qu'il faut forcéments qu'ils soient tout petits (des batailles, des foules), et qu'ils prennent goût à donner de plus en plus d'importance à l'environnement - et donc logiquement de moins en moins de détails et d'importance aux personnages. Ça se fait graduellement, donc il y a au moins une période de 200 ans où on ne peut pas vraiment tracer de ligne de démarcation entre les scènes avec déjà beaucoup de décor et les paysages avec encore des personnages importants (gros ou pleins de signification)...

L'idée qu'un paysage est à l'origine une scène vue de loin, et donc qu'il doit contenir au moins un personnage, un bateau, une chaumière, bref quelque chose d'humain, n'a jamais disparu ; elle est toujours enseignée aux Beaux Arts et dans les écoles pour peintres du dimanche : on appelle ça "animer" le paysage. Le petit bonhomme est situé à un point-clé de l'image et il en est venu à remplir exactement le même rôle que celui du tableau chinois : il invite le spectateur à se mettre à sa place dans le paysage. C'est une erreur de débutant que de dessiner des paysages inanimés - à moins qu'on n'en fasse un coup de génie, bien sûr, mais ça n'est pas donné à tous les peintres... ni à toutes les œuvres des peintres qui en sont capables !

Il est un peu absurde de comparer une peinture chinoise du genre paysage avec des peintures européennes du genre scène, et d'imputer les différences aux civilisations plutôt qu'à une erreur dans le choix des objets à comparer...

.. +

par c., mardi 09 juin 2015, 00:48 (il y a 3458 jours) @ Rémy

...je pense que... l'intersection des deux commentaires, celui de Olivier et celui de Claire, se situe très précisément dans l'idée et/ou la représentation d'une symbiose, du concept symbiotique, et donc autour du mot/idée/sens/connaissance de symbiose. c'est à cela que la proposition et commentaire de Claire répond, par écho (résonance), et donc par senti. hors, ton propre commentaire se situe quant à lui dans la logique de l'historique de l'art et l'évolution de la représentation picturale, la représentation en tant que connaissances et discours. ta pensée est dans ce que j'appelle le pragma, les faits et contextes historico-sociaux, et il est tout à fait normal qu'elle ne rencontre pas les ensembles et l'intersection que proposent l'échange des résonances entre Olivier et Claire... néanmoins ta logique est implacable et néanmoins il semblerait qu'elle touche un autre sujet que celui qui occupe leur propos... d'où ton incompréhension quant au leur (?)

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par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 01:33 (il y a 3458 jours) @ c.

Tu crois ? Ça ne m'élucide pas leurs histoires... Qui, entre-nous soit dit, se présentent toutes deux comme des réflexions et pas comme des rêveries !

Le premier combat un épouvantail inconnu - qui donc a prétendu que les personnages de Candide étaient inconsistants ou ceux de Brueghel froids ? Et si quelqu'un l'a prétendu, pourquoi en faire une affaire de détestation et inventer que les personnages de Breughel seraient chauds, au lieu de lui répondre la vérité, à savoir "eh banane, dans un paysage les personnages sont moins importants que dans une scène de genre, c'est justement pour ça qu'on a eu besoin d'inventer la catégorie "paysage", c'est pas un bug çtune friture" ? Quant au second, il appelle "cette grande tradition de la Renaissance"... un truc qui date de l'aube de l'humanité et qui justement, a été transgressé à la Renaissance - contresens complet ; et il enchaîne sur une explication de la différence entre les Chinois et les Européens... qui finalement se mue en ressemblance... qu'il a l'air de croire que l'Européen doit découvrir alors qu'elle est enseignée dans toutes les écoles ! Pour quels ignares nous prend-il, et qu'est-ce que c'est que ce ramassis de vasouillages ?

Je veux bien qu'on parle de symbiose quand les personnages sont petits dans un grand paysage qu'ils justifient, mais de grâce, qu'on s'exprime clairement, sans feindre d'ignorer pourquoi les mots sont nés, sans se contredire, et sans inventer des faussetés rien que pour les réfuter !

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par c., mardi 09 juin 2015, 02:04 (il y a 3458 jours) @ Rémy

c'est exactement ce que je dis, ils sont dans le senti et toi dans le pragma.

reprenons : le premier éprouve quelque chose de l'ordre du senti et de l'intuition, il tente alors de le traduire dans une autre logique que la logique dite organique. quant à la seconde, elle passe et glisse par dessus la tentative de traduction (ne nous enfargeons pas dans les fleurs de tapis) et synthétise le senti (s'y connecte) et rapporte un artéfact qui fasse lien avec l'idée ou notion de symbiose tout en l'explicitant. exit donc la phase du jugement à laquelle tu ne peux pas ne pas souscrire vu la nature même de l'organisation de ta pensée !
on a là trois mondes : un qui sent et veut (se) traduire, un qui perçoit, synthétise et "échoïse" (pour reprendre ton invention), puis un qui analyse et organise mathématiquement des données.
bon, maintenant il s'agirait de trouver une nouvelle intersection du communicable... ou ça grippera



quand même, t'as l'air de quoi à lui tirer les zoreilles et les tifs, lui foutre des tournioles et lui scier les bras à c't'Olivier?

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par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 01:51 (il y a 3458 jours) @ c.

Ah tu vois, je passe trop de temps ici et je redeviens raisonneur. C'est pas bien. Je rarrête, on se relira un de ces jours.

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par c., mardi 09 juin 2015, 02:09 (il y a 3458 jours) @ Rémy

ha, c'est dommage parce que ta présence est bien vivante et stimule et moi j'adore ça que tu sois là avec tes intelligences qui pétillent
mais de raisonneur à résonateur tenterais-tu le pari ?


je te salue Rémy, à une autre fois

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par c., mardi 09 juin 2015, 03:36 (il y a 3458 jours) @ Rémy

et j'espère ne pas t'avoir froissé, pardon si
vraiment pardon si

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par Rémy @, mercredi 10 juin 2015, 00:06 (il y a 3457 jours) @ c.

Mais non, tu ne m'as pas froissé ! C'est moi qui froisse les gens, avec ma manière inquisitrice de chercher à comprendre, et de ne pas savoir m'arrêter. Et puis même si, ça ne serait pas grave, on se réconcilierait. Je m'en vais, je reviens, d'ailleurs tu vois, ce soir je ne m'en suis même pas allé, je vous ai raconté l'histoire de la peinture et la mienne au lieu que de bosser. dh va dire que je fais mon numéro et il sera tout vexé que vous me demandiez de rester :-D Alors à plusse, voilà, à la prochaine, à demain, ou bien à une autre fois, suivant l'inspiration.

.. +

par Claire, mardi 09 juin 2015, 14:02 (il y a 3457 jours) @ Rémy

J'ai bien aimé le texte d'Olivier, parce qu'il m'a donné envie d'aller revoir ces tableaux "d'hiver", de réfléchir à ce qu'il en dit, à la façon dont il perçoit les personnages.
Les inexactitudes que tu pointes, je suis trop ignare pour les avoir notées, par contre je n'ai pu m'empêcher de sentir derrière ses propos un relent de philosophies orientales, ou de mysticisme au sens large, relents dont je suis friande tel Ysengrin de parfum d'anguilles.
J'ai donc enchaîné avec mon François Cheng et son paysage chinois.....tout ça parfaitement explicité par Catrine avec ce mot de "symbiose".

J'aime énormément aussi ta forme de pensée, cette battue que tu mènes avec méthode contre la tendance déplorable à trouver ce que'on cherche plutôt que de chercher ce qui est. Et ta mise au point par rapport au texte d'Olivier est donc imparable et passionnante, j'espère qu'il le prendra comme une leçon spirituelle, aux deux sens du terme. J'ai l'impression que tu déplores (que tu es énervé par) cette façon que nous avons souvent de chercher notre bonheur dans de belles histoires imaginaires pleines de projections perso, plutôt que dans la réalité qui se présente à nous, y compris la réalité culturelle. En cela, tu es dans une forme de philosophie que j'admire vraiment.

Sladi, il y a ce que décrivent les psychanalystes du nourrisson (eh oui, ça existe), qui parlent de "l'illusion anticipatrice" parentale créatrice de sens : c'est l'intérêt puissant des parents pour le langage, leur façon bébête d'entendre "Papa" et de s'exclamer quand le bébé dit "bvava", qui va attirer l'enfant vers le langage réel.
Je veux dire que chercher ce qu'on imagine le fait parfois apparaître, et que les créateurs, ou les philosophes, ou les etc...parce qu'ils sont souvent obsédés par une idée ou une forme, vont la faire apparaître partout et créer du sens.

Et donc il n'y aurait pas à opposer ces deux formes de pensée, mais être capable de manier les deux, être dans les deux champs successivement : le naïf rêveur qui suit sa trace, le pragmatique attentif qui le châtie bien... c'est très difficile, je trouve.

Quand je relis ce que j'ai écrit ces dernières années je suis hérissée par tous les textes où je me suis laissée aller aux belles histoires fausses ou empruntées. Mais après....que c'est dur d'écrire.

.. +

par Claire, mardi 09 juin 2015, 14:24 (il y a 3457 jours) @ Claire

et je regretterai bien que tu t'en ailles d'ici. Le Rémy ça devrait être prescrit sur tous les forums de poésie, une sorte d'antidote naturel et tonifiant à base de pensée (viola tricolor).

Pas d'souci

par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 21:33 (il y a 3457 jours) @ Claire

Je m'en vais, je reviens, on se perd, on se retrouve. Il n'y a pas fâcherie, et même s'il y avait, il y aurait réconciliation.
Je vous remercie de votre admiration, mais il faut m'aider à ne plus m'éterniser dans des démonstrations qui deviennent grognonnes une fois que j'ai dit ce que j'avais à dire.



Un micropouem sur ce thème écrit il y a longtemps :


De l'air, de l'air !

Les sourcils broussailleux, le reste trop en ordre
Caractère ombrageux à l'esprit étriqué
Regretteur, aigri et mécréant
Je finirai par perdre ardeur
Et rendrai l'arme.

Pas d'souci

par Claire, mardi 09 juin 2015, 21:47 (il y a 3457 jours) @ Rémy

l'admiration est liée à la respiration.
:)

Pas d'souci

par Claire, mercredi 10 juin 2015, 07:48 (il y a 3457 jours) @ Rémy

Admiration n'est pas tout à fait le mot, d'ailleurs. Disons que tu fais voir les choses d'un autre côté souvent, d'une autre manière, et ça fait du bien.

.. +

par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 21:24 (il y a 3457 jours) @ Claire

Ça dépend beaucoup de la forme qu'on adopte pour le texte en question, je trouve... Je n'ai pas tant de mal avec l'imagination qu'avec les trompages (je veux dire se tromper ou tromper le lecteur, qu'il s'agisse dans les deux cas d'erreur ou de duperie).

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par Claire, mardi 09 juin 2015, 21:30 (il y a 3457 jours) @ Rémy

oui, la maladresse du texte c'est qu'il se veut trop docte. S'il en était resté à des questionnements ou des remarques ou des lressentis et des liaisons il révélerait mieux son intérêt.

Oui !

par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 22:18 (il y a 3457 jours) @ Claire

Trop docte, c'est le mot exact.

À leur décharge, il faut reconnaître que c'est quand on enseigne qu'on réfléchit le mieux.



Dans le texte d'Olivier j'ai aussi du mal avec le fait d'inventer des faussetés rien que pour les contredire, ou d'inventer que quelqu'un qu'on ne précise pas ait dit des faussetés rien que pour vitupérer à la cantonade. Je trouve ça vilain. C'est un de mes diables personnels. Je l'ai beaucoup fait étant petit, un jour quelqu'un me l'a reproché, et depuis j'en ai honte et je m'efforce de ne pas recommencer, et ça me gêne quand je lis quelqu'un le faire, alors je proteste contre.

La reprocheuse, c'était une prof de yoga qui participait aux mêmes stages de chant que moi. Elle chantait un peu faux et n'aurait laissé personne le lui dire, mais elle m'a donné d'un ton rogue deux conseils qui ont changé ma vie : ne pas dire "on" sans préciser de qui on parle (et donc toujours vérifier que cet on existe, surtout quand on lui attribue des mauvaisetés), et quels muscles du dos il faut que je contracte pour me tenir droit, être beau et bien chanter. Elle s'appelait Sonia - elle doit bien encore s'appeler Sonia. Ce serait justice qu'elle ait trouvé comment chanter juste, et un peu plus moelleusement qu'elle ne le faisait à l'époque. Elle était en train de redécouvrir sa religion, et comme quoi ça faisait du bien de ne pas porter de chaussures un jour par semaine - moi qui ne peux pas porter de chaussures plus d'une demi-heure d'affilée à cause des pieds plats, a posteriori, je ris. C'était il y a exactement 20 ans. Il faudrait bien que je cherche son adresse pour lui envoyer un mot de remerciements.

Oui !

par Claire, mardi 09 juin 2015, 22:26 (il y a 3457 jours) @ Rémy

Ca doit être lié à la respiration, mais je me souviens assez bien de ce que tu racontais à propos d'un autre prof de chant, qui au lieu de te parler de la petite lumière qu'on doit aller chercher au plus profond pour l'amener à la voix (mes souvenirs sont imprécis) t'avait enfoncé les doigts dans la gorge pour t'aider à percevoir la place de la luette et la position adéquate à lui donner.

(tout ça était dans la partie du forum bleu qui n'est plus qu'un souvenir )

Oui !

par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 23:58 (il y a 3457 jours) @ Claire

Ça c'en a été un ! Une grosse tapette de l'Opéra, belge, je crois, donc plutôt sympa dans le genre et pas trop parisienne, intervenu in extremis pour remplacer un prof dans le dernier stage où je suis allé, et qui avait l'habitude de rudoyer et de tripoter des étudiantes qui voulaient devenir cantatrices pros, pas de donner de gentils conseils à des amateurs qu'il vaut mieux garder bêtes pour qu'ils enquillent les stages. C'était 10 ans après Sonia, il m'a donné le dernier truc qui me manquait, et tout ce qu'on m'avait raconté pendant 10 ans s'est mis en place. À partir de ce moment-là, j'avais enfin acquis la technique vocale, j'aurais dû commencer à vraiment apprendre le chant - et à la place, j'ai arrêté de prendre des cours et j'ai fondé un quatuor, qui a eu de très belles heures, mais qui bat de l'aile en ce moment, malheureusement.

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par Lectrice - 0 :)), mardi 09 juin 2015, 08:01 (il y a 3458 jours) @ Claire

Salut Claire :))

Il me plairait, si tu as du temps, de lire un commentaire (chiadé:)) de toi concernant la dernière production postée par Casimir sur delivre.
Les rois de la plume, tous horizons, sont aussi conviés bien sûre :))

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par Claire, mardi 09 juin 2015, 11:25 (il y a 3458 jours) @ Lectrice - 0 :))

chiadé....ah ça va prendre du temps, ça....ok, si je le trouve :))

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par Lectrice - 0 :)), mardi 09 juin 2015, 11:41 (il y a 3458 jours) @ Claire

Pas de blème Dame Claire :)) J'ai toute la vie devant moi pour grandir encore et m'assagir :)) Quoique m'assagir, c'est pas gagné :))
Prenez tout le temps qu'il vous faudra Dame Claire :))

soyons précis!..

par jude, mardi 09 juin 2015, 17:31 (il y a 3457 jours) @ Olivier

Qu'on se le dise, je viens ici pour mordre ;-)) .

Qu'on ne touche pas à mes Brueghels, à mes Chinois , à la clarté du propos. Je n'aime pas les commentaires peu précis.

"Quelqu'un a dit..." Qui? "des personnages de Candide...personnages de roman de Rabelais ...fabliaux ..." qu'ils n'avaient pas de consistance"

Comment un personnage de conte philosophique (Candide) ou humaniste (chez Rabelais) pourrait-il avoir à répondre d' une accusation qui n'a de sens que si elle s'adresse à un personnage de roman ou de nouvelle réaliste du XIX°siècle par exemple? Va-t-on reprocher à Rembrandt de n'être pas cubiste? Ou à Racine de ne pas être surréaliste?

"On n'a pas toujours été attaché à sa silhouette"
Qui est le on qui est le sa?
Pas d'accord du tout avec "l'individu comme décor". En revanche "intégré au paysage" oui et il me semble que cela rejoint le grand courant humaniste du XVI ° siècle européen. L'homme est là, dans le paysage, intégré dans le grand tout.
En ce sens, la remarque de Claire est intéressante . Le monde humaniste est vu à partir de l'homme qui n'est pas "noyé" mais porte un regard réfléchi sur le monde dans lequel il accepte de prendre sa place . Il ne me semble pas résigné du tout . Il commence à comprendre ce que la civilisation industrielle s'empressera d'oublier: il est un élément du grand tout. Il entre dans le Tao, pas pour s'y fondre mais pour y participer et l'église, le divin n'écrase plus tout.

Ce n'est pas de la froideur que dégagent ces personnages c'est une prise de conscience du fonctionnement des choses. Moi, être humain, je peux me dégager de tout ce que l'on a voulu me faire croire et regarder la vie de l'homme pour ce [/i[i]]qu'elle est. L'hiver est là pour gommer tout ce qui pourrait parasiter la réflexion : les fleurs, les anges, les jolies femmes dénudées .
Les personnages des chasseurs chez B. regardent l'humanité de loin et d'en haut(une vue d'ensemble)
Pour moi Candide, Rabelais, Brueghel: même combat:" je suis un être humain qui fonctionne en pleine conscience de moi-même et du monde."

soyons précis!..

par Claire, mardi 09 juin 2015, 21:08 (il y a 3457 jours) @ jude

il y a quand même quelque chose dans le texte d'Olivier qui est vraiment intéressant et que ni toi ni Rémy ne relèvent, c'est que ces personnages sont intégrés dans le paysage mais aussi dans leur place, leur place sociale, celle que la vie leur a imposée...tout simplement.

Parce qu'à l'époque et dans cet "hiver"-là cela s'imposait. Et que donc cette fameuse liberté et cette fameuse individualité et cette fameuse psychologie qui nous mènent, cela n'existait pas., ou peu.
Je ne continuerai pas plus loin dans la paraphrase de son texte.

soyons précis!..

par jude, mardi 09 juin 2015, 21:41 (il y a 3457 jours) @ Claire

Précisément! Il sont pratiques, pragmatiques et il n'y a pas d'autre psychologie en eux que le froid qu'ils ressentent ce jour_là en voyant de loin la ville où ils vivent. Aussi, il me paraît vain d'extrapoler à partir d'eux une lecture post- Freud ou moderne.

soyons précis!..

par Claire, mardi 09 juin 2015, 21:54 (il y a 3457 jours) @ jude

Bien excuse-moi, à moins que tu ne sois un esprit du passé hantant l'hyper-espace, tu ne peux les regarder qu'avec ton regard qui a vu Picasso et lu au moins le nom de Freud. Tu ne peux leur rendre complètement leur être-au-monde à eux. C'est ce que j'aime dans le texte, il n'évacue pas cette accumulation de pensées qui nous sépare d'eux, il en est conscient, essaie de la traverser.

soyons précis!..

par c., mardi 09 juin 2015, 21:59 (il y a 3457 jours) @ Claire

oui, je trouve aussi.. c'est maladroit mais c'est dans ça :

« Les tableaux de Bruegel en témoignent : on est parfois aussi tombé en symbiose. Cette symbiose qui justement, est la résignation, ou la perte de son individualité, si jamais on en a eu une. Les tableaux de Bruegel insistent sur l’individu comme décor, intégré au paysage d’hiver (j’insiste sur cette saison lucide et dénudée). Ces tableaux là font de la résignation comme un attribut divin, et à vrai dire, comme un sentiment tellement fin, tellement rentré, qu’il jaillit sans jaillir, qu’il est sans être. Tout l’inverse de la monstrance, de l’insignifiance, ces personnages ne sont que leur âme, ne sont que des produits de la nature et de quelques traits de culture, juste assez pour les différencier du reste. »

soyons précis!..

par jude, mardi 09 juin 2015, 23:06 (il y a 3457 jours) @ Claire

D'accord avec toi si on ne mélange pas le sentiment des personnages regardant le village et le sentiment du spectateur (de tous les siècles) regardant les personnages regarder. Avec quelques siècles entre les deux regards!

soyons précis!..

par Rémy @, mardi 09 juin 2015, 23:43 (il y a 3457 jours) @ Claire

La place sociale des personnages de peinture a fait l'objet de tout un tas d'études.

Au Moyen-Âge, les gens du peuple font partie du décor, par exemple les soldats dans une scène de bataille ou le laboureur et les glaneuses dans une représentation des saisons. On ne les représente que quand ils sont strictement nécessaires à la compréhension de la scène, ce sont des figurants ou des accessoires, pas des personnages. Et ils représentent souvent la vulgarité, par exemple, dans les Très Riches Heures, l'hiver, les paysans se chauffent les parties, jambes écartées face à la cheminée (et face au spectateur).
C'est une des nouveautés de l'art de la Renaissance hollandaise et une des audaces de Brueghel que de faire cesser cette "symbiose" dans certaines œuvres, et de montrer les gens du peuple en tant que personnages, par exemple en peignant des scènes de noce. Les paysans personnifient toujours la vulgarité, ils sont gloutons, ivrognes, libidineux et paresseux. C'est la naissance du protestantisme, avec un regain de rigueur moralisante, qui pousse les peintres à raffoler de scènes de péché, de jugement dernier, etc., où ils ont besoin de représenter les pécheurs, et donc bien souvent des gens du peuple ou du bas clergé, qui n'apparaîtraient pas dans des tableaux catholiques - dans le catholicisme du Moyen-Âge, on trouvait ces figures-là dans les sculptures des portails d'église, mais toujours petites et en foule, pas comme personnages principaux. Les individualités sont évidemment gommées dans ces œuvres-là, et caricaturées : il s'agit de moraliser à la cantonade, pas de risquer de se faire rouer vif. Chez Brueghel on voit même apparaître des aveugles, des estropiés, etc. - c'est une innovation radicale. Toujours à cause du protestantisme se manifeste le besoin de faire voir dieu-parmi-nous : les scènes bibliques se déroulent dans un village des Pays-Bas (et à l'occasion aussi, dans l'actualité politique des guerres de religion et de leurs atrocités), et veulent être intégrées au quotidien, d'où l'apparition sur les tableaux de personnages des basses classes sociales, "en symbiose" dans la tradition du Moyen-Âge, dans leur rôle de figurants, peu mis en avant, mais pas caricaturés. Le même protestantisme pousse aussi les peintres à vouloir représenter la réalité telle qu'elle est, sans enjolivements, pour faire preuve de sincérité. C'est encore un facteur qui favorise l'apparition du peuple dans les tableaux, et de son environnement normal, villages, chaumières, etc., et l'individualité des personnages secondaires dans les scènes de foules, où le peintre se glisse volontiers lui-même, et ses copains, si la perspective lui en fait dessiner de pas trop petits.
La même recherche de réalisme se manifeste dans les portraits ; le genre a toujours existé, en peinture et en sculpture, seulement, au Moyen-Âge, très peu de gens étaient suffisamment riches pour se faire tirer le portrait, et tant qu'à engager une dépense pareille, on tâchait d'en profiter pour faire sa pube, et donc de placer le tableau bien en vue dans une église, et là, le curé réclamait sa part du gâteau, pardon : mettait le holà au péché d'orgueil, en exigeant que le portraitisé n'apparaisse qu'en adoration de quelque chose de biblique, et pas tout seul au milieu. À la Renaissance se forme une bourgeoisie qui se paie des portraits pour sa salle de séjour, et réalistes, s'il vous plaît. L'individualité existe bel et bien, avec tout ce qu'il faut de psychologie pour que les portraits soient à la fois ressemblants et flatteurs, seulement bien sûr, on ne portraitise que ceux qui peuvent payer. Ce n'est pas qu'on était plus modeste à l'époque, mais les inégalités étaient extrêmement dures, la grande majorité des gens n'avaient pas le choix.
Bref, la Renaissance est le moment où apparaissent timidement les premières peintures où les personnages populaires ne soient PAS "en symbiose"... Quand ce sont des personnages principaux, ils y tiennent des rôles négatifs. Parallèlement, les situations de paysans "en symbiose" et les situations de riches "hors symbiose" continuent, mutatis mutandis, comme au Moyen-Âge. Finalement, le plus remarquable là-dedans, c'est l'apparition de véritables individus dans les représentations de foules ! Olivier découvre chez Brueghel un truc ancien dont Brueghel est le premier à se détacher, comme si on découvrait le réalisme en regardant les trois Picassos qui le sont encore... C'est justifié, évidemment, l'arrivée d'autre chose fait voir ce qu'il y avait jusque là, mais enfin, ce serait quand même bien de s'en rendre compte, que c'était déjà là...


Je ne connais pas assez la peinture des époques suivantes pour dire ce que tout ça devient. Il me semble que les inégalités s'accroissent avec la concentration des pouvoirs jusqu'à l'absolutisme, que le goût du naturel cède la place aux jardins à la française, et donc que le peuple disparaît presque complètement de la peinture. Il y réapparaît au XIXe siècle, dans les scènes de guinguettes ou les représentations d'artisans des impressionnistes, mais je ne saurais pas dire quelles motivations ça a. Je crois que c'est tout bêtement une lassitude des enjolivures et un regain de goût pour le réalisme. Et au XXe siècle, la photo, puis sa démocratisation, changent tout.

soyons précis!..

par jude, mercredi 10 juin 2015, 14:09 (il y a 3456 jours) @ Rémy

Merci pour tous ces renseignements très éclairants!

soyons précis!..

par Armor @, jeudi 11 juin 2015, 20:42 (il y a 3455 jours) @ jude

"Ils sont froids certes, mais comme l’image d’un brasier. " . Très haut.
Je ne regarderais plus de la même manière, ni les personnages, ni l'hiver.