histoire d'un t-shirt

par cloud, jeudi 18 septembre 2014, 21:58 (il y a 3510 jours)

Je me souviens que je portais ce même vieux t-shirt à l'époque où j'avais peur de faire l'amour. C'était un t-shirt éclatant, alors.

Quand je marche dans la rue aujourd'hui avec ce t-shirt, les gens ne soupçonnent pas l'histoire de tous les désirs qui ont comprimé, étiré, tiraillé dans tous les sens mon coeur en dessous.

C'est étonnant que ce t-shirt ait si bien résisté au temps. Certes, il est délavé, certes, il pendouille pas mal, et a perdu ses beaux contours; mais il me va toujours, il est toujours taillé pour mon buste. Mes épaules. Ma nuque.

Je n'attache aucun prix à ce t-shirt. Je pourrais le perdre sans que cela me chagrine. Force est de constater, pourtant, qu'il m'attend, depuis des années, rangé bien sagement à l'intérieur des armoires et des penderies. Rien de plus facile que de l'enfiler; je me suis tant habitué à lui qu'il est comme une seconde peau pour moi.

Je n'exclus pas qu'il se passe encore des choses là-dessous. De la première peur on se croit guérit, alors qu'elle se prolonge, se ramifie en sentiments plus nuancés. Il devient difficile, à son tour, de soupçonner quoi que ce soit. Les changements sont trop infimes.

Voici ce que j'aimerais opposer aux tenants du matérialisme historique : les rencontres entre objets et sujets sont purement immatérielles. De la même manière, le germe de tout poème naît d'une volonté de combler un vide, c'est-à-dire de créer, et ses mots viennent ensuite.

histoire d'un t-shirt

par 411, vendredi 19 septembre 2014, 09:26 (il y a 3509 jours) @ cloud

hé ! c'est pas dégueulasse. Je suis sûr qu'il y a des choses à critiquer là-dedans, mais je suis vraiment saisi... Y reviendrai plus tard. C'est pas dégueulasse du tout.

histoire d'un t-shirt

par dh, vendredi 19 septembre 2014, 11:29 (il y a 3509 jours) @ 411

moué bof. je comprends pas tellement la fin. c'est sans doute trop subtil pour moi.

histoire d'un t-shirt

par cloud, vendredi 19 septembre 2014, 15:44 (il y a 3509 jours) @ dh

je crois que c'est assez clair, pourtant. et puis, par ailleurs, ta posture d'éternel naïf est chiante; venant de la part de quelqu'un qui écrit la seule poésie symboliste que ait résisté à la roture contemporaine.

histoire d'un t-shirt

par Ramm77 @, vendredi 19 septembre 2014, 16:56 (il y a 3509 jours) @ cloud

Ta petite confession intime peut prêter à faire sourire... Tu essais d'élargir ton propos en remettant à leur place les matérialistes, comme si ta confession devenait une démonstration et une preuve... et enfin tu nous annonces que la cause de la poésie est dans l'envie de combler un vide etc... Je trouve très humoristique, ironique, ce passage entre l'expérience des affects et des généralisations intellectuelles. Ceci n'est pas sérieux évidemment, sinon ce serait triste...

histoire d'un t-shirt

par dh, vendredi 19 septembre 2014, 17:10 (il y a 3509 jours) @ Ramm77

ramm77, pourriez vous vous présenter rapidement aux membres du forum. d'où venez vous, qui êtes vous, quel est votre parcours, quelles sont vos attentes en venant ici ? pour ma part, je vous imagine, jeune étudiant en fac de philo, j'ai tort ?

histoire d'un t-shirt

par Anonyme, vendredi 19 septembre 2014, 18:03 (il y a 3509 jours) @ dh

C'est une Bayonnaise.

histoire d'un t-shirt

par Claire @, vendredi 19 septembre 2014, 19:11 (il y a 3509 jours) @ Anonyme

et vous cher(e) Anonyme, êtes vous Laurel ou Hardy ?

histoire d'un t-shirt

par dh, vendredi 19 septembre 2014, 19:21 (il y a 3509 jours) @ Claire

c'est floflo.

histoire d'un t-shirt

par Claire @, vendredi 19 septembre 2014, 19:03 (il y a 3509 jours) @ dh

Cher(e) dh, bonne idée !
Pourriez-vous montrer le bon exemple et vous présenter aux participants de ce forum ?

histoire d'un t-shirt

par 'trine, vendredi 19 septembre 2014, 21:08 (il y a 3509 jours) @ Claire

on pourrait tous le faire..

histoire d'un t-shirt

par cloud, samedi 20 septembre 2014, 02:35 (il y a 3509 jours) @ Ramm77

Hé bien, si, cette généralisation est sérieuse. C'est-à-dire que j'y crois. (Je ne compte pas l'imposer au monde entier avant quelques années). Il y a un lien évident entre l'acte d'écrire, et à fortiori d'écrire de la poésie, et l'animation d'un objet (ici le t-shirt) qu'on contemple. Créer ce qui manque, ce qui n'était pas même soupçonné. Je ne vois rien de très artificiel dans cet élargissement. Je pense que ça coule de source.

histoire d'un t-shirt

par zeio, vendredi 19 septembre 2014, 23:45 (il y a 3509 jours) @ cloud

"le germe de tout poème naît d'une volonté de combler un vide" cette pensée est intéressante, mais je ne suis pas certain qu'elle soit juste à tous les coups dans le sens où, je crois, un poème naît aussi parfois d'une volonté de se défaire d'un trop-plein. Il me semble qu'écrire un poème, c'est vider une poche, ça n'est pas la remplir. Ça n'est qu'après, une fois que le poème est couché sur le papier, sur le lit, sur le trottoir, sur les chiottes qu'importe, que le vide s'est fait, paradoxalement, cet échappement laisse place à une sensation de satiété, de soulagement comme après la gésine. Comme après la faim. On a bu de l'air, on a remplacé le bitume par du vent. À mes yeux, mais chacun voit les choses comme il le sent... il naît d'une volonté d'atteindre ce vide inhérent grâce auquel de nouvelles "absorptions" vont avoir lieu.

histoire d'un t-shirt

par cloud, samedi 20 septembre 2014, 02:29 (il y a 3509 jours) @ zeio

Ce n'est pas ce que je pense, donc. Je pense tout le contraire. Avant d'avoir quelque chose à dire, une impulsion, un vers, un message, il y a le besoin de s'exprimer, de combler un manque qu'on n'explique pas. Je ne devrais pas mettre 'on', ou généraliser... mais je suis quasiment certain que ça concerne n'importe qui.

histoire d'un t-shirt

par zeio, samedi 20 septembre 2014, 03:32 (il y a 3509 jours) @ cloud

Là où tu dis "combler un manque" je vois plutôt exprimer, expulser par l'expression poétique ce manque (envie) qui déborde de soi. Le manque prend source dans un appétit qui déborde, si on veut, plutôt que dans un vide. Un vide n'exprime pas de manque. Il exprime, sinon rien, du moins l'absence de ce manque. Je ne vois pas le manque comme étant une sorte de vacuité en soi (à combler donc), mais au contraire un débordement de l'appétit. De plus si le manque est à première vue un désir de combler un espace au-dedans de soi, je crois que ça va plus loin que ça, j'ai presque envie de dire que le manque est d'abord un désir de trouver un lecteur dans lequel s'épancher, un être qui serait en mesure de nous recevoir. Peut-être ici s'agit-il d'une sensibilité plutôt masculine mais à mes yeux c'est ça, l'impulsion poétique : un désir d'être reçu, réceptionné.
La poésie est une crue quelque part, une émergence, c'est un geste depuis soi vers l'extérieur, et ce que tu dis va a contrario de cette idée, pour toi, la poésie draine depuis l'extérieur des sensations, émotions, présences, aptes à combler un vide en soi. Pour moi, c'est une sacrée illusion. L'écriture renvoie, de façon démultipliée des sensations récoltées ça et là dans le monde, en y mêlant les richesses intérieures et visions propres à l'auteur, il les vomit, les étale ou les dessine, mais c'est un don, de soi vers l'autre. Elle est l'expression d'une vision, une flèche décochée, un don, une mise à nu, mise à mort, mise au monde. Je crois que la volonté d'écriture est puisée dans un trop-plein à extirper hors de soi, à offrir comme un don de soi et de ses forces, non pas dans un vide personnel à combler. Un poète est un "donneur d'énergie" en quelque sorte, pour ma part au-delà de la forme je pense que c'est ce qui marque son authenticité.

histoire d'un t-shirt

par cloud, dimanche 21 septembre 2014, 03:31 (il y a 3508 jours) @ zeio

"La poésie est une crue quelque part, une émergence, c'est un geste depuis soi vers l'extérieur, et ce que tu dis va a contrario de cette idée, pour toi, la poésie draine depuis l'extérieur des sensations, émotions, présences, aptes à combler un vide en soi. "

Non, je n'ai pas dit ça, je ne le pense pas. Ce qui est extérieur est séparé de celui qui l'appréhende, cette séparation c'est le manque, le règne du vide... mais c'est une illusion, il n'y a rien qui manque - si les gens ne le soupçonnent pas, c'est un problème de discrétion. La poésie c'est établir une communication avec le langage du secret, le regard se tourne vers l'intérieur, puis se détache. Liens flottants. Pour moi, la crue est ramassée, infime

histoire d'un t-shirt

par 'trine, dimanche 21 septembre 2014, 04:54 (il y a 3508 jours) @ cloud

oui, c'est assez beau ce que tu en dis, il y a de ça oui, "communication avec le langage secret"

histoire d'un t-shirt

par zeio, dimanche 21 septembre 2014, 15:09 (il y a 3507 jours) @ cloud

D'accord alors je saisis mieux ta pensée. Alors il s'agissait peut-être non pas de combler un vide personnel, mais plutôt de creuser un espace intérieur, tisser une frange par laquelle ce vide est "transvasé" et fait le lien avec le réel.

histoire d'un t-shirt

par VeM, samedi 20 septembre 2014, 11:03 (il y a 3508 jours) @ cloud

Histoire d'un poème


Quelque chose se transmet du Réel à la langue
qui le capture et le rétablit
comme une prière
en d'autres termes en oblation
pour ne pas qu' Il se perde
et qu'ainsi allégé du poids des choses
Il en garde la saveur sensible et l'esprit
remerciant le principe dont Il s'est dépris

saisir ce qui se passe de l'autre côté de la scène

par VeM, samedi 20 septembre 2014, 11:08 (il y a 3508 jours) @ VeM

Lorsque, devant une scène de la nature, un arbre qui fleurit, un oiseau qui s'envole en criant, un rayon de soleil ou de lune qui éclaire un moment de silence, soudain, on passe de l'autre côté de la scène. On se trouve alors au-delà de l'écran des phénomènes, et l'on éprouve l'impression d'une présence qui va de soi, qui vient à soi, entière, indivise, inexplicable et cependant indéniable, tel un don généreux qui fait que tout est là, miraculeusement là, diffusant une lumière couleur d'origine, murmurant un chant natif de cœur à cœur, d'âme à âme.

François Cheng, Cinq méditations sur la beauté (coll. Livre de Poche/LGF, 2010)

saisir ce qui se passe de l'autre côté de la scène

par 'trine, samedi 20 septembre 2014, 20:55 (il y a 3508 jours) @ VeM

ha! à lire aussi "Cinq méditations sur la mort." — François Cheng, Albin Michel, 2014.

saisir ce qui se passe de l'autre côté de la scène

par cloud, dimanche 21 septembre 2014, 03:40 (il y a 3508 jours) @ VeM

C'est beau. Merci, je ne connaissais pas.

Toujours rien de rangé – ici
La nuit descend
Lentement dans ma gorge – son bleu
Se mêle aux miens –
Nous nous cognons de pleine paix.
L’alcool infuse comme un onguent – mon sang
Est calme, et libre, je vois claire
La vie peinte en lueurs jaunes-orangées
Sur leurs visages – aura de fortune
Montant, irrésistible, en pleine conscience,
Vers le canon des néons –
Contre elle vainement braqués.

histoire d'un t-shirt

par Claire @, mercredi 24 septembre 2014, 22:46 (il y a 3504 jours) @ cloud

je suis comme toi, assez impressionnée par la permanence quasi-métaphysique de certains objets personnels, opposée à la fuite de notre vie, de notre vécu. Pour moi c'est très lié à la poésie, sans pouvoir vraiment l'expliquer.

Le dernier paragraphe a quelque chose de cocasse, même si sa maladresse est pleine de sève.

Le sentiment d'un trop plein, à déverser (disons plus élégamment symboliser) par toutes les sortes de paroles en direction de l'autre, naît de cette lame de vide, de cet écart qui nous sépare de lui...non ? trop plein et vide se répondent, s'imbriquent.
Aucun mot n'est nécessaire dans la plénitude de l'accord parfait...même celui d'un poème. Le poème ne vient que lorsqu'il appartient au passé, laissant derrière lui son aura.