anima(l)

par Claire, lundi 05 septembre 2016, 16:36 (il y a 2792 jours)

je suis arrivée par hasard devant la maison
la route faisait une grande courbe
dans ce matin de printemps je l’ai vue au dernier moment.
depuis la route un chemin
droit bordé d’herbe
pas de jardin, seulement l’herbe tout autour,
la terre caillouteuse
et loin derrière la maison une longue barre de roche
ocre, qui se perdait dans l’horizon.

cette maison était pour moi
mais une maison étrangère
flottait dans l’air tout autour une odeur
dont j’avais perdu le souvenir.

arrivant là, j’ai laissé tomber quelque chose, sur le sol tassé
une forme de solitude, une nuit
dont je ne m’étais pas rendu compte
la détestation que j’avais de moi,
qu’on a tous.
en entrant dans la maison
il y avait des traces, partout.

les murs intérieurs
l’embrasure des portes
ce qu’on voit en regardant
à travers les vitres voilées de poussière
du dedans vers le dehors,
ce qui me saisissait à chaque changement de pièce :
l’adieu de ses habitants.

elle restait comme un chien à l’attache
patient la tête sur ses pattes
tourné du côté de ce qui vient.

quand je suis entrée,
l’attente était suspendue.

anima(l)

par Claire, lundi 05 septembre 2016, 20:52 (il y a 2792 jours) @ Claire

c'est incroyablement bien de poster ici, on prend tout de suite du recul et on voit la gnangnanterie...

anima(l)

par Rémy @, vendredi 09 septembre 2016, 01:33 (il y a 2789 jours) @ Claire

Je n'y vois pas de gnangnanterie et je préfère de loin la première version, plus fraîche (l'on de la seconde ne réussit pas à généraliser un vécu individuel que le simple je fait très bien partager). Il faudrait lui adjoindre le bout en prose...

[image]

(La photo, c'est une des innombrables ruines de Tulle, en septembre 2009. Entre la rue Louis Mie et la rue Georges Duhamel. On l'avait appelée la maison des papiers-peints, parce qu'il y en avait au moins 12 différents.)

corrigé

par Claire, mardi 06 septembre 2016, 12:05 (il y a 2791 jours) @ Claire

on arrive par hasard devant la maison
la route fait une grande courbe, on la voit au dernier moment.
depuis la route un chemin droit bordé d’herbe
pas de jardin, seulement de l’herbe autour,
la terre caillouteuse
et loin derrière une grande barre de roche ocre, qui se perd dans l’horizon.

c'est un endroit qu'on voudrait pour soi,
c'est une maison étrangère
flotte dans l’air une odeur
dont on a perdu le souvenir.

en arrivant on laisse tomber quelque chose,
une forme pleine de solitude, une nuit vide
dont on ne s'était pas rendu compte,
cette détestation qu'on a tous de soi.
partout on voit des traces.

les murs intérieurs l’embrasure des portes
ce qu’on voit à travers les vitres voilées de poussière
du dedans vers l'extérieur, le paysage
ce qui vous saisit à chaque changement de pièce :
l’adieu des habitants.

elle était comme un chien à l’attache
la tête sur ses pattes
tourné du côté où les gens arrivent.
quand on entre,
l’attente est suspendue.

pièce après pièce la géométrie intérieure, le seuil des portes, les quelques meubles encore adossés aux murs, l'ouverture large des fenêtres, et ce dont on a choisi de couvrir les murs autrefois.
tandis que tu poursuis l'exploration, et la reprends pour tout voir, que tu piétines les miettes de temps tombées sur le sol, tu la sens qui lentement rétrécit, s'approche
tu t'assieds, les murs te touchent, souples et obéissants comme des vêtements. L'histoire de la maison elle aussi contre ta peau et tes propres cicatrices. et bientôt c'est le dehors qui vient s'accoler : le ciel d'un bleu brûlant, l'ocre des pierres, le silence de la campagne vide, et même l'arbre qui verse son ombre brunie sur le toit.
tu es assis sur cette chaise que tu n'as jamais connue et encore moins achetée
pour la première fois invulnérable.

corrigé

par vagabond vagabondant, mardi 06 septembre 2016, 12:39 (il y a 2791 jours) @ Claire

la seconde version est 'peut-être' mieux aboutie, et j'aime beaucoup le passage en prose ; et pourtant, en ce qui concerne la partie versifiée, je trouve celle de la première plus touchante. le passage du "je" au "on" (entre autres détails) ici me gène parce que le ton (très personnel) du poème correspond mal à cette impersonnalisation, à ce polissage final. c'est en tout cas le sentiment que j'ai.

corrigé

par Claire, mardi 06 septembre 2016, 16:00 (il y a 2791 jours) @ vagabond vagabondant

tu as sans doute raison pour le je/on, et puis passer du "je" au "tu" dans le texte en prose irait bien dans le sens de ce que dit le poème. merci !