Contre-performance

par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 17:29 (il y a 2716 jours)

D'un silence et d'un nu, tout redescend sur terre : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances dans la chambrée et le fourmillement du linge. Les variétés de lumière s'amenuisent et finissent par nous sécher au visage. Nos yeux nous brûlent. Ce feu nous incline à la complainte. Il faut écrire. Mais. La solitude, thème éculé. Le paysage de campagne, thème éculé. La ville, thème éculé. Nous désirons éclater. Écrire l'androgynie du désir. Nous engager en politique. Prôner la grande aventure du sexe. L'idée nous fait rire puis nous écoeure. Ce n'est déjà plus une lamentation. Recentrons.

Une triste journée vient de s'abattre. Une autre. Encore une. Nous disons s'abattre parce que d'un silence et d'un nu, tout est redescendu sur terre. D'un coup. Impression d'abattement généralisé. Nous disons s'abattre parce qu'un déluge de gris s'est rué sur les couleurs vives qui composent le souvenir du jour. S'abattre est l'acte privilégié du réel sur l'étendue du désir. Nous étions la perfection de nos gestes. Les voilà qui se séparent de nous et nous prennent de revers. Nous ouvrons les yeux. Sueurs. Tout est redescendu à l'instant du réveil : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances et le linge, le foutoir que nous ne sentions pas, et nous nous tenons au seuil de la nuit comme d'un vertige. Une triste journée vient de s'abattre. À présent, contre-jour.

Nous poursuivons l'amour d'une manière plutôt que d'une autre, de quelques façons mêlées, tantôt dans cette urgence de contes arabes, tantôt avec une tendresse d'aristocrate prussien. Fâcheuses redondances, lenteurs ridicules, ce sont toujours les mêmes truismes de la chair, les mêmes faux-mouvements, coude sur la joue, genou au ventre, hématomes invoulus. La plupart des gestes : éculés. "Je te veux" : risible. Parcours horizontal du corps : piste renouvelée huit-cent-trente sept fois ces deux dernières années. Parcours vertical du corps : n'en parlons pas. Oeillades avides, haletantes, exquises, enjôleuses : égales à elles-mêmes. Les sueurs : aussi sublimes que celles d'un fauve assoupi. Les parfums : bête continuation de leur éternelle fonction. Les caresses : impuissantes à saisir un destin. Que faire, que sentir, que dire. Ce dos manque d'être une colline, cette jeunesse d'être immémoriale, ce désordre de jaillir d'un cru plus intense, et le ciel d'évoquer le sifflement des trains, l'ivresse de l'orage.

Il pleut à proportions moyennes. Tout redescend sur terre...

Contre-performance

par Essim, samedi 19 novembre 2016, 19:28 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

Je n'ai pas compris , pourquoi l'emploi du nous ?

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par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 19:51 (il y a 2716 jours) @ Essim

je est beaucoup trop exclusif

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par Essim, samedi 19 novembre 2016, 19:54 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

Mais nous n'est-il pas trop englobant ?

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par Essim, samedi 19 novembre 2016, 20:14 (il y a 2716 jours) @ Essim

Et sans l'emploi du nous, ni du je, par exemple ?

...

D'un silence et d'un nu, tout redescend sur terre : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances dans la chambrée et le fourmillement du linge. Les variétés de lumière s'amenuisent et finissent par sécher au visage. Les yeux brûlent. Ce feu incline à la complainte. Il faut écrire. Mais. La solitude, thème éculé. Le paysage de campagne, thème éculé. La ville, thème éculé. Désir d'éclater. Écrire l'androgynie du désir. S'engager en politique. Prôner la grande aventure du sexe. L'idée fait rire puis écoeure. Ce n'est déjà plus une lamentation. Recentrer.

Une triste journée vient de s'abattre. Une autre. Encore une. Dire s'abattre parce que d'un silence et d'un nu, tout est redescendu sur terre. D'un coup. Impression d'abattement généralisé. Dire s'abattre parce qu'un déluge de gris s'est rué sur les couleurs vives qui composent le souvenir du jour. S'abattre est l'acte privilégié du réel sur l'étendue du désir. Etre la perfection des gestes, révolu. Les voilà qui se séparent de soi et prennent de revers. Ouvrir les yeux. Sueurs. Tout est redescendu à l'instant du réveil : le bleu déchirant et la pluie indécise, les errances et le linge, le foutoir non senti, au seuil de la nuit, vertige. Une triste journée vient de s'abattre. À présent, contre-jour.

Poursuivre l'amour d'une manière plutôt que d'une autre, de quelques façons mêlées, tantôt dans cette urgence de contes arabes, tantôt avec une tendresse d'aristocrate prussien. Fâcheuses redondances, lenteurs ridicules, ce sont toujours les mêmes truismes de la chair, les mêmes faux-mouvements, coude sur la joue, genou au ventre, hématomes invoulus. La plupart des gestes : éculés. "Je te veux" : risible. Parcours horizontal du corps : piste renouvelée huit-cent-trente sept fois ces deux dernières années. Parcours vertical du corps : no comment. Oeillades avides, haletantes, exquises, enjôleuses : égales à elles-mêmes. Les sueurs : aussi sublimes que celles d'un fauve assoupi. Les parfums : bête continuation de leur éternelle fonction. Les caresses : impuissantes à saisir un destin. Que faire, que sentir, que dire. Ce dos manque d'être une colline, cette jeunesse d'être immémoriale, ce désordre de jaillir d'un cru plus intense, et le ciel d'évoquer le sifflement des trains, l'ivresse de l'orage.

Il pleut à proportions moyennes. Tout redescend sur terre...

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par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 20:16 (il y a 2716 jours) @ Essim

c'est vraiment pas mal comme ça aussi ! c'est vrai

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par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 20:20 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

tu as raison, sans je ni nous, cela va même au bout de l'idée finalement, c'est accommodant

suivant cette idée, en ce qui concerne le "no comment", je garderais quand même "n'en parlons pas" en ce que la formule est toute faite et ne se réfère pas littéralement à un vrai nous.

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par Essim, samedi 19 novembre 2016, 20:25 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

Oui, ça le fait.

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par Essim, samedi 19 novembre 2016, 20:30 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

Et le poème Ode à l'amitié, il devient quoi ?
Il y avait de bonnes choses je trouvais

J'avais mis une lecture, je ne sais pas si tu l'avais vue
https://delivre.net/index.php?id=25408

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par Essim, lundi 21 novembre 2016, 09:29 (il y a 2714 jours) @ Essim

Des choses qui me paraissent bonnes parmi, et d'autres pas.

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par Rémy, samedi 19 novembre 2016, 21:35 (il y a 2716 jours) @ vagabond vagabondant

Pourquoi le bleu de la première phrase est-il "déchirant" ? Qu'est-ce que ce mot-là vient faire là ? Ç't'un pouettisme ?

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par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 22:13 (il y a 2716 jours) @ Rémy

ça veut dire quoi pouettisme ?

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par Rémy, lundi 21 novembre 2016, 09:55 (il y a 2714 jours) @ vagabond vagabondant

Devine, gros malin.

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par vagabond vagabondant, samedi 19 novembre 2016, 22:14 (il y a 2716 jours) @ Rémy

le fait est que ça m'emmerde de faire ma propre exégèse

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par Rémy, lundi 21 novembre 2016, 10:08 (il y a 2714 jours) @ vagabond vagabondant

Je ne voudrais pas t'obliger à défendre publiquement chaque mot de ton texte, mais en privé, tu peux volontiers te demander lesquels sont indéfendables.

un livre sur les couleurs

par Essim, lundi 21 novembre 2016, 12:57 (il y a 2714 jours) @ Rémy

L'autre jour, je suis tombé sur un livre intéressant de Michel Pastoureau (les couleurs expliquées en images) sur l'histoire des couleurs, comment elles évoluent au fil du temps et qu'elles ne "disent" pas les mêmes choses selon les lieux.
Par exemple la robe couleur blanche de la mariée est relativement récente.
Dans le livre il disait que le bleu était utilisé en Egypte (la photo montrée était bleu,vert en fait)
le bleu et vert égyptien http://www.cnrs.fr/cw/dossiers/doschim/decouv/couleurs/loupe_pigments3.html

par la suite il était peu utilisé et s'est imposé au fil du temps et est devenu une couleur prédominante en occident
https://mots.revues.org/9833

(en breton on dit glazh pour la couleur bleue, verte (comme la couleur changeante de la mer, bleu, vert, grise par temps de pluie) )

un livre sur les couleurs

par Rémy @, lundi 21 novembre 2016, 23:27 (il y a 2714 jours) @ Essim

Oui ! C'est super intéressant ! J'avais eu un cours là-dessus en DEA d'algorithmique graphique, on avait appris les différences entre les phosphores des écrans et les cônes des yeux, et à cette occasion le prof nous avait aussi parlé du vocabulaire utilisé pour désigner les couleurs. Par exemple il paraît qu'en arabe il n'y a qu'un mot pour "bleu" et "vert" (on dit "vert ciel" ou "vert herbe"), en grec ancien il n'y en avait qu'un pour "rouge" et "noir". Par autre exemple, du fait que nos yeux sont beaucoup plus sensibles aux fréquences situées entre le rouge et le jaune qu'aux autres, il y a quantité de mots pour nommer ces couleurs-là, et ça produit des collisions (par exemple, sur l'ordinateur, si tu prends un bleu et que tu l'éclaircis, tu obtiens du bleu clair, mais si tu prends un rouge et que tu l'éclaircis, ce que tu obtiens ne s'appelle pas "rouge clair", ça s'appelle rose ; et pareil pour un "orange foncé", qui s'appellera brun.) Il y a aussi la distinction entre les couleurs qui ont un nom à elles (comme rouge, bleu, jaune, brun, ...) et les couleurs qu'on nomme d'après un objet qui les porte (comme rose, marron, orange, ...).

Les articles de l'Ouiquipédie sur les couleurs, le vocabulaire et la sociologie qui s'y rapportent sont toujours passionnants.
https://fr.wikipedia.org/wiki/Violet#Nom_de_couleur