L'assommé

par zeio, mardi 21 mars 2017, 02:14 (il y a 2600 jours)

Quelques marches de plus, et j'étais sur le point de nuire au néant. Le jour est pourtant bien levé, je me suis levé avec lui comme à l'accoutumée, une douleur dorsale légère. Ne pas prendre le temps de musarder à la fenêtre, monter plutôt quelques marches supplémentaires. Toute une somme d'efforts afin de se donner un air présentable. Me suis-je bien levé sommes toutes. J'ai ce rêve régulier de me trouver dans la cabine de pilotage d'un avion de ligne, sillonnant les routes de montagne. Mon rôle, c'est de guetter que les ailes ne se brisent pas sur les arbres en bordure. Il m'arrive épuisé de prendre appui sur la rampe, tant l'ascension me paraît infinie. Exhorté de continuer, de vaincre la marche suivante, dans un but que j'ignore. La joie monte en moi comme une montgolfière, plein gaz vers le sommet qui se renouvelle. J'enjambe des mourants, des assommés, des mains serrent ma cheville, je peine à m'en débarrasser, pas de temps à perdre avec des enfantillages. Il faut monter, tout est là, et si je descends je ne serais plus rien. Voilà que, ne pouvant plus je m'affale sur le mur, mes yeux se referment. Le pilote me fait signe de surveiller le bord. Un feu blanc au bout de l'aile clignote à mon intention. Qui d'autre ? L'odeur du pin et de l'humidité, au fond de laquelle se contorsionne un vague souvenir. Pourtant, alarme crue, tocsin, foudre. Vitre brisée. On y lance des cailloux, j'entends que la foule s'impatiente en contre-bas. Des enfants réclament quelque chose de moi. Je rouvre les yeux. Me réveille bel et bien, sans trêves.

Grammaire

par Rémy @, mardi 21 mars 2017, 03:59 (il y a 2599 jours) @ zeio

Pas d's à somme toute (mais ça pourrait être une licence poétique, à condition qu'il y en ait d'autres dans le texte) ni à je ne serai plus rien.

La règle pour serai c'est que le conditionnel, qui prend un s, réclame l'imparfait dans la proposition introduite par "si" :
A Si je jeûne (présent), je maigrirai (=> futur simple).
B Si je jeûnais (imparfait), je maigrirais (=> conditionnel).

Ces deux phrases ont des significations différentes et c'est pour ça qu'on les écrit différemment :
A Si je jeûne une fois aujourd'hui, je vais maigrir d'un coup.
B Si j'avais l'habitude de jeûner, j'aurais déjà souvent maigri.
B Si je prends l'habitude de jeûner, je vais me mettre à maigrir régulièrement.
La tournure avec présent + futur simple porte en elle-même une indication temporelle (ponctuelle), alors que la tournure avec imparfait + conditionnel peut s'interpréter dans le passé ou dans le futur (mais toujours comme quelque chose de répété et régulier).

Grammaire

par Rémy @, mardi 21 mars 2017, 04:24 (il y a 2599 jours) @ Rémy

Le français écrit comporte DEUX difficultés : différencier le participe passé de l'infinitif des verbes du premier groupe, et différencier le conditionnel du futur simple à la première personne du singulier.

Il est vraisemblable que le futur simple finira par prendre un s à la première personne, mais ce n'est pas encore acquis.

Une autre évolution possible serait le remplacement du futur simple par une forme composée. Ce serait alors avec l'auxiliaire aller : je vais faire au lieu de je ferai. En anglais c'est l'auxiliaire vouloir : I will do, et en allemand, devenir : ich werde tun. Ces deux lanques montrent que l'usage du futur composé dans les langues où il l'est est beaucoup moins fréquent que celui du futur simple dans les langues qui en ont un, et qu'on utilise alors volontiers le présent de l'indicatif pour décrire les actions et états situés dans un futur proche.

L'utilisation de l'imparfait dans la proposition introduite par "si" est une bizarrerie du français, dans toutes les autres langues elle réclame le conditionnel comme la proposition qui exprime la conséquence. Mais cette coutume est très bien ancrée, la différence s'entend à l'oral, et l'erreur correspondante est moquée dès le plus jeune âge, aucun locuteur, a fortiori aucun écrivant ne la commet une fois adulte, de sorte qu'il y a peu de chances que cette bizarrerie disparaisse.


Il faut remarquer aussi, pour les verbes du premier groupe, la difficulté à accepter que l'impératif singulier soit identique à la première personne du présent de l'indicatif et pas à la deuxième : mange ! et non pas manges !. Ça pose moins de problèmes aux écrivains tout simplement parce que l'impératif est moins fréquent que le futur simple, mais rapporté au nombre d'occurrences, ils se queutent encore plus souvent. Surtout que le s est remis en place pour l'euphonie dès que l'impératif est suivi d'une voyelle : manges-en au lieu de mange-en. Sur ce point-là, les grammairiens devraient se demander s'ils n'est pas temps d'aligner le règlement sur l'usage en prescrivant un s à l'impératif singulier de tous les verbes : manges ! finis ! viens !.

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par zeio, mardi 21 mars 2017, 11:36 (il y a 2599 jours) @ Rémy

En effet, merci Rémy, je vais corriger ça.

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par Rémy @, mardi 21 mars 2017, 12:42 (il y a 2599 jours) @ zeio

Sinon, tu peux aussi passer tout le texte à la deuxième ou à la troisième personne.

À part ça, les récits de rêves, ça pose toujours la question de l'arbitraire : vu qu'il peut s'y passer n'importe quoi, comment doser l'invraisemblable et qu'est-ce qui justifie de ne pas s'y livrer à un concours d'imagination ? Et puis ça pose la question de la futilité : à partir du moment où on a sapé délibérément tout rapport avec le réel, et si on ne se livre pas à un concours d'imagination, qu'est-ce qui motive le lecteur à continuer la lecture ? Peut-être qu'en en écrivant beaucoup beaucoup on finirait par obtenir une espèce de matériel d'étude pour qui se piquerait de clé-des-rêves, mais que trouvera le lecteur dans l'un ou l'autre texte court posé là tout seul et qui ne fait même pas sourire ? Trois minutes de malaise (merci bien !), le partage d'un instant d'exhibovoyeurisme ? En bref : à quoi ça sert et est-ce que ça vaut le coup ?

Pour tout te dire, moi ce texte m'a volé un moment d'attention sans rien me donner en échange, et pour ça, je lui en veux.

Grammaire

par Claire, mardi 21 mars 2017, 12:49 (il y a 2599 jours) @ Rémy

tu es resté sur le bord du grand bain :)

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par Rémy @, mardi 21 mars 2017, 13:05 (il y a 2599 jours) @ Claire

Non : j'ai été attiré par un spam et je m'en veux d'avoir cliqué dessus.

Je ne crois pas aux grands bains/gains cachés.

Grammaire

par Claire, mardi 21 mars 2017, 13:35 (il y a 2599 jours) @ Rémy

Oui, je sais bien que tu n'y crois pas. Je n'essaierai pas de t'y baptiser.

Grammaire

par zeio, mardi 21 mars 2017, 21:54 (il y a 2599 jours) @ Rémy

Tu aimes bien la dimension du jeu dans la littérature en général, la poésie en particulier ou la musique. Tu as mille fois raison. Mais sitôt que telle ou telle forme d'obscurité pointe le bout de son nez charbonné, forme d'inconnu, d'égarement, d'ambivalence ou de creusement, il s'agit réticent de vite retourner dans les repères, où il fait meilleur. Où le sol est plus ferme et où des lois précises les régissent. Pourtant la littérature ne se situe pas forcément toujours là où il "fait meilleur" et l'absence d'obsurité à force, ça déssèche. Mais pourquoi perdre du temps avec le versant absurde et mystérieux de la vie après tout, c'est vrai quoi, tu as déjà bien trop à faire avec la borne d'éclairage.

Grammaire

par Rémy @, mercredi 22 mars 2017, 00:35 (il y a 2599 jours) @ zeio

Oh lui eh comment y s'la pète... D'abord y me lit dans la tête, ensuite y raconte que son textillon rêveur, ce serait le versant mystérieux et sombre de la vie ! Non mais picoua encore ?

Remarque, à tout prendre, ce délire-là me plaît nettement mieux que le texte d'origine. Continue, on en fera un livre. J'ai déjà le titre : Cervelles Révélées, le Versant Mystérieux et Sombre de la Vie, par Ubu II, dit l'Extralucide (c'est toi) et Alfred Jabienri (c'est moi).




Par contre là où tu as platement raison, c'est si tu veux dire que je n'aime pas les psychothérapies publiques. Ni les lignes courtes dépressives, ni les racontis de rêves. Ça ne date pas d'hier, et il y a peu de chances que je m'y mette demain, effectivement.
Marrant que dans le post de LOL un peu plus bas, ce soit précisément ce qui fait sortir le texte de ce nombril sans fond qui déplaît à Claire et qui le sauve à mes yeux.
Qu'est-ce que tu pourrais mettre dans les tiens pour qu'ils soient intéressants pour les deux ?

Grammaire

par zeio, mercredi 22 mars 2017, 00:47 (il y a 2599 jours) @ Rémy

Là où tu n'as pas tort c'est sur l'utilisation de la première personne. J'avais hésité. Il ne s'agit pas de moi, l'idée de fond, c'est un personnage qui monte indéfiniment un escalier pour une raison qu'il ignore, poussé (expulsé) par on ne sait quelle foule en contre-bas qui lui jette des pierres. C'est une sorte de pénitence, châtiment public, tout autant que la compétition universelle vers les sommets, au détriment de ceux qui flanchent (les mourants qu'il enjambe). Confusion entre le réel et le songe, on ne sait pas trop. Ça devait avoir la forme d'une dérision, plus que d'une lourdeur syncopée. Ça devait s'appeler "le grimpeur". Comme un amusement. Comme ça, ici, en un morceau, ça peut porter à confusion. Du reste, c'est un embryon.

Grammaire

par catr @, mardi 21 mars 2017, 13:56 (il y a 2599 jours) @ Rémy

ouais bon...
.. votre excellence, comment se porte votre accordéon?
ne l'entendez-vous pas soupirer profond et d'ennui
en songeant à vos belles mains dont il se languit
alors que vous assénez vos valeurs tels des paradigmes royaux ici,
quand l'ici est une recherche qui s'approfondit,
une recherche dans un lieu de recherche, hé oui,
...recherche que sans doute plusieurs lisent et suivent avec attention..

..votre malaise ressenti 3/4 de minutes est une grande amélioration ;)



mes salutations chat-botte-esques

Grammaire

par catr @, mardi 21 mars 2017, 15:47 (il y a 2599 jours) @ catr

..ok bon, je lâche le truc
...je vais te ficher la paix
Claire va me chicaner sinon

Grammaire

par zeio, mardi 21 mars 2017, 21:01 (il y a 2599 jours) @ Rémy

Le rêve et son récit est tout à fait secondaire. D'ailleurs, je n'aime pas tant que ça les récits de rêves. Ce texte traite plutôt d'une certaine absurdité. Mais au jeu de l'absurde, avec ton commentaire, je dois admettre que tu me bats à plate couture.