La bénédiction
Elle se trouve ici pour saboter le parcours, elle attend le faux pas, la chute, la faillite, elle guette. Des pièges ont sans doute été semés sur ma route, elle en connaît les emplacements. Elle n'est pas sujette au moindre doute à ce sujet, je tomberai ce jour ou le suivant, on retrouvera mon corps sur la chaussée, dans la foule qui fera cercle autour de ma dépouille, et nous n'entendrons dès lors rien d'autre que le silence. On n'entendra plus parler de moi. En voilà de drôles d'idées. Et peut-être est-ce tout le contraire. La femme à la griffure de chat sur la gorge. Celle-là même qui porte sur elle un manteau de fourrure synthétique de couleur crème, qui me fixe des yeux sans laisser voir le moindre signe de tristesse ou de rage, c'est la neutralité absolue de son visage qui m'obsède, au fond. Ai-je reçu d'elle une bénédiction que j'ignore ? Attend-t-elle de moi que j'accède au sommet recherché… Je pourrais provoquer une réaction de sa part, mimer une chute, m'aplatir sur les marches, menacer un suicide. Avouer faussement ma défaite. Mais c'est tout juste si j'ose la regarder, sa torpeur me déroute, sa placidité perturbante, je ne serai plus en mesure de marcher encore bien longtemps dans de telles conditions. La foule passe encore, mais elle ? Pourtant, il faudra faire avec. Je ne peux plus faire sans. Le point d'arrivée est peut-être situé en-dehors de mon champ de vision. Il ne peut pas être aussi haut que je l'imagine. Impossible. Je mise un jeton, un nuage tout au plus, un nuage chargé de pluie, que dis-je, ma vie tout entière.
La bénédiction
J'entrevois avant toute chose dans ce texte envoûtant l’énigme de notre condition, car à mon sens il dit bien-bene dicere,la fragilité de notre mortelle condition terrestre.
Du reste ce titre biblique, et/ou baudelairien- faut-il alors y voir une métaphore du Poète dans sa continuelle ascension, ramène aussi à un possible aspect religieux, avec cette étrange figure féminine(blessée) qui rappelle le silence de Dieu.
J'ai aussi pensé au Siddharta de Herman Hesse. A quel feu se réchauffe l'humain, voilà ce qui pourrait être une clé de ce texte.
L'idée de l' entreprise humaine tremblante sinon balbutiante, qui marque tout le texte par la présence de modalisateurs, est affermie dans la chute poétique (car elle s'en remet aux Eléments) laissant le mot de la fin ... à la grâce de dieu...
Du reste ce titre biblique, et/ou baudelairien- faut-il alors y voir une métaphore du Poète dans sa continuelle ascension, ramène aussi à un possible aspect religieux, avec cette étrange figure féminine(blessée) qui rappelle le silence de Dieu.
J'ai aussi pensé au Siddharta de Herman Hesse. A quel feu se réchauffe l'humain, voilà ce qui pourrait être une clé de ce texte.
L'idée de l' entreprise humaine tremblante sinon balbutiante, qui marque tout le texte par la présence de modalisateurs, est affermie dans la chute poétique (car elle s'en remet aux Eléments) laissant le mot de la fin ... à la grâce de dieu...
La bénédiction
"la bénédiction", c'est aussi le titre d'une des compositions les + connues de ornette coleman : the blessing.
La bénédiction
la benediction me fait toujours penser a la culpabilité
péché => recompense, voila comment on réduit l'humanité
a moins qu'on y voit l'expression béate de la ferveur religieuse
péché => recompense, voila comment on réduit l'humanité
a moins qu'on y voit l'expression béate de la ferveur religieuse
La bénédiction
La bénédiction
c'est clair, la benediction la solution
La bénédiction
Je m'éloigne un peu de la première piste de lecture, celle du destin et de notre faiblesse face à lui, notre incapacité à atteindre ce que de toutes façons nous ne pouvons pas définir - un but probablement inexistant - pour une autre direction :
je me dis que cette femme pourrait incarner tous les autres. Ceux qui sont là, qu'on croise, avec lesquels on est en relation. L'énigme qui apparaît ici, cette légère blessure, cette impassibilité, ces vêtements pauvres, ce regard, et ce "qu'est-ce qu'elle me veut ?"...nous nous empressons de l'oublier. Nous remplissons le vide de ce mystère de toutes sortes de représentations : nous nous racontons des histoires à son sujet, imaginons, jugeons, méprisons, admirons, aimons, détestons. Nous remplissons le silence de bavardages. Mais tout cela sans doute pour éviter la rencontre, la vraie, quand ni l'un ni l'autre ne sait ce qui est en train de se passer, et qui pourtant se passe. C'est peut-être cela, pourtant, la bénédiction. Celle qui nous rend vivable notre destin infirme menant à la dissolution.
je me dis que cette femme pourrait incarner tous les autres. Ceux qui sont là, qu'on croise, avec lesquels on est en relation. L'énigme qui apparaît ici, cette légère blessure, cette impassibilité, ces vêtements pauvres, ce regard, et ce "qu'est-ce qu'elle me veut ?"...nous nous empressons de l'oublier. Nous remplissons le vide de ce mystère de toutes sortes de représentations : nous nous racontons des histoires à son sujet, imaginons, jugeons, méprisons, admirons, aimons, détestons. Nous remplissons le silence de bavardages. Mais tout cela sans doute pour éviter la rencontre, la vraie, quand ni l'un ni l'autre ne sait ce qui est en train de se passer, et qui pourtant se passe. C'est peut-être cela, pourtant, la bénédiction. Celle qui nous rend vivable notre destin infirme menant à la dissolution.
La bénédiction
Merci Chrys, vous y voyez plus de choses que moi-même, dans ce texte, pourtant je crois bien que vous touchez juste.
La bénédiction
Je suis éberlué par de telles visions. Et pourtant c'est pas agréable, pour un auteur, d'être compris, comme dirait l'autre. Ta réponse est plus profonde et riche que le texte en lui-même. Et tu as raison, sur presque toute la ligne.
La bénédiction
Moi aussi c'est ce que j'y ai lu, mais comme j'étais tenté de le dire nettement moins gentiment que tu ne le fais là, je me suis abstenu.
Quelqu'un en souvenir
Du temps où j'habitais aux fins fonds lointains, j'eus un jour la visite d'un couple d'amis dont l'un est cuisinier. J'avais acheté des biftecs, mais j'en étais peu satisfait ; moui, dit-il, ils ont l'air coriaces, va pas falloir trop les cuire.
C'était il y a longtemps, j'ai déménagé et perdu de vue ces amis-là, et beaucoup d'autres, et dans le pays où j'habite on ne trouve pas de vrais biftecs, seulement des tranches toutes fines de viande toute molle. Mais chaque fois que j'en achète, au moment de les jeter dans la poêle, je pense à lui et je me dis moui, ils ont l'air coriaces, va pas falloir trop les cuire ; et je ris, parce qu'ils n'ont pas du tout l'air coriaces et que c'est pile pour la raison inverse qu'il ne faut pas trop les cuire.
C'est en fait lui qu'elle décrivait, cette phrase ; il était coriace et il ne fallait surtout pas trop le chauffer. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'on s'est perdus de vue. Que voulez-vous, je ne suis pas cuisinier, moi, il m'arrive de commettre des maladresses.
C'était il y a longtemps, j'ai déménagé et perdu de vue ces amis-là, et beaucoup d'autres, et dans le pays où j'habite on ne trouve pas de vrais biftecs, seulement des tranches toutes fines de viande toute molle. Mais chaque fois que j'en achète, au moment de les jeter dans la poêle, je pense à lui et je me dis moui, ils ont l'air coriaces, va pas falloir trop les cuire ; et je ris, parce qu'ils n'ont pas du tout l'air coriaces et que c'est pile pour la raison inverse qu'il ne faut pas trop les cuire.
C'est en fait lui qu'elle décrivait, cette phrase ; il était coriace et il ne fallait surtout pas trop le chauffer. C'est d'ailleurs bien pour ça qu'on s'est perdus de vue. Que voulez-vous, je ne suis pas cuisinier, moi, il m'arrive de commettre des maladresses.
Quelqu'un en souvenir
Excellent !
Quelqu'un en souvenir
oui, parce que chauffer les bifteks, tu as du mal à t'en empêcher. Porterais-tu toi-même dans tes intérieurs un biftek tendre trop cuit ? :)
Quelqu'un en souvenir
Cuit à l'étouffée, alors que la viande, c'est meilleur grillé.
Aujourd'hui, dernier feu de la saison... C'est tout le vieil hiver qui craque et qui part en flammes en rugissant, ne laissant derrière lui qu'une chaleur de fourrures et l'odeur du bois sec. On y grillera des côtelettes, et tant pis pour carême et carnaval ; de nos jours les cochons passent l'hiver, il ne serait pas raisonnable qu'ils survivent aussi au printemps.
(Ils auraient envie de fraises et ça les rendrait coriaces.)
Aujourd'hui, dernier feu de la saison... C'est tout le vieil hiver qui craque et qui part en flammes en rugissant, ne laissant derrière lui qu'une chaleur de fourrures et l'odeur du bois sec. On y grillera des côtelettes, et tant pis pour carême et carnaval ; de nos jours les cochons passent l'hiver, il ne serait pas raisonnable qu'ils survivent aussi au printemps.
(Ils auraient envie de fraises et ça les rendrait coriaces.)