l'oeil fixé

par jude, jeudi 20 novembre 2014, 18:35 (il y a 3446 jours)

---Supprimé à la demande de l'auteur---

l'oeil fixé

par c., mardi 25 novembre 2014, 06:05 (il y a 3441 jours) @ jude

oui, oui. j'entends très bien le tout
le fond la forme le complet très plein
j'aurais bien trop de choses à dire
sur cet espace clos/ouvert du discours
puis de l'ouvert/clos de l'oeil
et de l'immobile
et de ton écriture
et toutes les intensités
et la musique de cette partition
et... que j'aimerais t'écouter interpréter cette partition


ton poème est entré, chez moi, jude.

l'oeil fixé

par Claire @, mardi 25 novembre 2014, 13:56 (il y a 3441 jours) @ jude

tu vois, tout le poème est vraiment beau, mais j'aurais évité le dernier vers.

l'oeil fixé

par c., mardi 25 novembre 2014, 18:26 (il y a 3441 jours) @ Claire

mais, Claire, ce "que je n'ouvrirai pas" n'est-il pas la clé ?
je pense que ce vers est capital.

voudrais-tu élaborer ton avis ?

l'oeil fixé

par Claire @, mardi 25 novembre 2014, 23:59 (il y a 3441 jours) @ c.

j'y vois une invraisemblance.
Les paquets qu'on reçoit des gens qu'on aime on les ouvre. Ceux qu'on reçoit des gens qu'on n'aime pas on les ouvre ou on les met hors de vue ou on les jette.
Là je lis une sorte de résolution quasi héroïque...alors pourquoi l'avoir gardé sous les yeux en lui donnant tant d'importance ?

Sans le dernier vers, le poème garde une indécision, une indéfinition plus ouverte et plus proche je trouve de certains états où un objet devient comme vivant, comme le signe de la confusion des sentiments, de leur énigme.

Ou alors c'est de la haine...pourquoi pas après tout ?

l'oeil fixé

par c., mercredi 26 novembre 2014, 14:37 (il y a 3440 jours) @ Claire

j'y vois une invraisemblance.
Les paquets qu'on reçoit des gens qu'on aime on les ouvre. Ceux qu'on reçoit des gens qu'on n'aime pas on les ouvre ou on les met hors de vue ou on les jette.


euh.. je ne suis pas d'accord, ce n'est pas si tranché, il y a des paquets qui revêtent l'apparence d'un symbole, qui contiennent un geste et un sens profond et même un impossible, un réel impossible. dans le texte ce paquet n'est pas qu'un paquet, il représente bien plus que cela, contient peut-être même le coeur d'un être ou son âme, son esprit. et alors comment jeter un coeur son âme ou son esprit ?


Là je lis une sorte de résolution quasi héroïque...alors pourquoi l'avoir gardé sous les yeux en lui donnant tant d'importance ?

..la question que tu avances contient la réponse, c'est l'importance que le paquet revêt qui fait que le non-geste est "héroïque".
ne pas l'ouvrir tient d'une résolution profonde, une résolution douloureuse, de celles qui coûtent, tu ne trouves pas ? cette résolution contient et parle d'un affect puissant, de son empire, auquel on a choisi longuement, posément, de ne pas se soumettre. de ne plus se soumettre. ou peut-être... imagine un instant, imagine seulement s'il te plaît, que ton coeur est pétri d'un amour indéfectible (et incommensurable) pour un être, au point de brûler intérieurement, au point d'en trembler dans tout tes organes, et imagine qu'il te faille tenir, que tu sentes que tu ne peux plus/pas y tomber. imagine ce paquet devant toi, arrivé soudainement, alors que tu places dans ton corps et ton coeur les forces pour te résoudre à te tenir (serrée en toi-même et déterminée), si tu ouvres ce paquet là, tout s'écroule dans ton être, toute volonté tombe, et alors tu es perdue à toi-même. cette force à se tenir contient, elle, (et c'est là le plus important, à mon sens) un amour encore plus grand et plus fort que celui ressenti et nourri, plus fort que celui dont le coeur aura été pétri pour "l'expéditeur". encore, garder le paquet non ouvert et le regarder est regarder cette force en soi, se rappeler à soi-même ... tu sais, on peut aimer jusqu'au bord de la folie, puis sentir qu'on glisse, puis avoir la force de résister, de ne pas "succomber", et lutter sciemment, dans une vaillance éprouvante, mais capitale. capitale.

je suis étonnée que tu n'aies pas lu ces aspects en sous-jacent... que tu n'aies pas saisi ce matériau sensible qui crisse réellement dans ce texte,

Sans le dernier vers, le poème garde une indécision, une indéfinition plus ouverte et plus proche je trouve de certains états où un objet devient comme vivant, comme le signe de la confusion des sentiments, de leur énigme.
Ou alors c'est de la haine...pourquoi pas après tout ?



justement, je pense qu'il ne faut pas qu'il y ait indécision ou indéfinition, ni confusion, ces états sont dépassés dans le poème, et très précisément c'est de ces états que le texte se garde. ce texte parle de ce moment où l'âme et le coeur d'une personne deviennent une lame, la lame d'une épée intérieure. et cette épée parle d'un amour plus qu'amour, d'une chose plus forte que soi tenue en soi. la seule détermination fait briller cette lame de droiture, de vaillance, et cette lame garde les plus hautes et les plus belles exigences qu'une âme puisse avoir.

ici la haine est impossible.






j'aimerais ajouter ceci que la toute première phrase stipule bien "l'observation/observance" et la position d'attention, quant à la toute dernière phrase, elle marque fortement la détermination: un oeil ouvert sur un aspect qu'on n'ouvrira pas sur un autre aspect. le choix de rester "sciemment aveugle" à une chose est vraiment l'aspect crucial ici... ça me parle de ... attends ... je viens de faire un lien, ha! cet Orphée s'anime! voilà! voilà je que je cherchais je viens de le trouver, j'ai bien dû lire quinze fois ce texte en me demandant ce qui m'interpelait ! Claire, ici je lis que l'anima/animus revêt la forme archétypale d'Orphée et l'incarne, et ici Orphée triomphe !





ha! merci jude, peut-être ma lecture te semble weird, mais, moi, je trouve une merveille rarissime ici, cette merveille étant un renversement puissant et salvateur, et le lire me remplit d'enthousiasme. ton poème a une âme.

l'oeil fixé

par c., mercredi 26 novembre 2014, 14:44 (il y a 3440 jours) @ c.

et demain matin je prends un café de moins, promis, comme ça mon esprit ne s'emballera pas comme ci-dessus ! ;)

l'oeil fixé

par zeio @, mercredi 26 novembre 2014, 16:06 (il y a 3440 jours) @ c.

j'ai éprouvé aussi un vrai enthousiasme à la lecture de ce poème

l'oeil fixé

par c., mercredi 26 novembre 2014, 16:43 (il y a 3440 jours) @ zeio

ha ! je suis contente que tu l'éprouves aussi ! il y a donc là véritablement quelque chose de puissant !
et quelque soit ma lecture, ce peut être bien autre chose qui rende le poème fort, mais à mon sens,
quelque chose s'y délivre bel et bien

l'oeil fixé

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 17:01 (il y a 3440 jours) @ c.

Il y a juste quelque chose qui pour moi s'oppose à ta lecture : ce paquet, l'autre te l'a envoyé pour que tu l'ouvres.

idée fixée

par cat, mercredi 26 novembre 2014, 19:10 (il y a 3440 jours) @ Claire

oui, c'est le but initial d'un envoi que d'être ouvert.

mais on est pas obligé, ni forcé de le recevoir et de l'ouvrir vraiment. on est jamais l'obligé que de soi-même, alors par rapport au paquet (ou autre situation) on est libre - et libre de ne pas l'ouvrir ; le plus facile étant d'ouvrir ledit fichu maudit paquet, mais ce n'est pas du tout le choix auquel le [ je ] du texte souscrit. et ça, il faut l'entendre et le respecter, parce qu'autrement on ne comprend rien du texte.

bon, le motif de départ de cet envoi est de "procurer un bonheur/joie", de faire plaisir, mais, qui dit qu'un "bonheur" réel et fort n'est pas dans la résistance à, qui te dit à toi que la vraie joie n'est pas celle que l'on se donne/rend en se tenant serré contre soi-même, et même qui dit que ce paquet n'est pas une forme torture, qu'il n'apporte pas une souffrance qui s'ajouterait à d'autres, et qui plierait la personne en elle-même et à elle-même, la réduirait en loque ou en miette ?

se trouver et se rendre une force (un pouvoir sur soi-même) est un des plus grands cadeaux qu'un individu puisse se faire dans la vie. hors ça ne vient pas du ciel, ça ne vient que d'une sorte de violence agi contre une facilité, voire un confort, un avenant. mais de cette violence nul mal n'est retiré, au contraire, qu'un bien très au-dessus des conditions primes, d'où l'être s'en trouve grandit à coup sûr.

..que choisir Claire, un plaisir extérieur qui nous dévoie parce que nous y trahissons une part de nous-même, ou une joie profonde comme une victoire sur soi-même qui nous rassérène dans notre réel le plus complet ? la facilité ou l'exigence ? la reddition ou la ténacité ?





ce qui est magnifique dans ce texte de jude est ce climat de douceur et de calme, la lumière dansante mais très lente comme un très long écoulement de sable, un ralenti extraordinaire et en plein centre - bien qu'on ait une impression d'excentrement - cette rigueur presque vertigineuse, cette lame de détermination. parfois il n'est de salvation que dans le renoncement.

de l'en-soi et de l'altérité

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 20:32 (il y a 3440 jours) @ cat

tu vois, je crois que tout est dit.

et de ton altérité ?

par cat, mercredi 26 novembre 2014, 20:36 (il y a 3440 jours) @ Claire

et de ton altérité ?

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 20:48 (il y a 3440 jours) @ cat

en y réfléchissant, on pourrait le comprendre tout à fait autrement.
Le "que je n'ouvrirai pas" pourrait signifier : "que je ne pourrai pas ouvrir" et alors le poème devient tout autre, une sorte d'hymne au mystère de l'altérité, et à ce que l'en-soi chante autour de lui.
Mais là, c'est Jude qui peut seul nous dire ce qu'il cherchait à dire.

et de ton altérité ?

par cat, mercredi 26 novembre 2014, 22:52 (il y a 3440 jours) @ Claire

s'il te plaît ne fais pas tricher le vers limpide pour en faire un agrégat bizarre !
pourquoi diable ne peux-tu ouvrir cette sapré porte dans ton entendement ? que redoutes-tu en fait ?

euh...

par c., jeudi 27 novembre 2014, 03:03 (il y a 3439 jours) @ cat

ça c'était un intermède du genre "le chat dans le plat"

l'oeil fixé

par cat, mercredi 26 novembre 2014, 20:33 (il y a 3440 jours) @ Claire

Claire, et si toi, tu ne voulais plus de ce paquet, ni
de ce qu'il contient, si tu fermais une porte à l'intérieur de toi,
comme on tourne une page comme on referme un livre... saisis-tu ?
et si c'était une terrible lutte en toi pour refermer cette porte,
qu'il te fallait toute ta force pour le faire,
et que paf un beau matin arrive ce paquet ?

l'oeil fixé

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 20:37 (il y a 3440 jours) @ cat

c'est pourquoi je parlais de haine, celle qu'on reçoit ou celle qu'on ressent. Et là oui, le dernier vers a du sens.

l'oeil fixé

par cat, mercredi 26 novembre 2014, 22:42 (il y a 3440 jours) @ Claire

hein ? mais aucune haine n'est possible là, voyons ?
je ne comprends pas comment tu en arrives à un pareil résultat,
et je t'assure que ça me plonge dans une incompréhension véritable.


mais surtout que tu restes en suspend au-dessus sans livrer vraiment ta pensée
ça commence même à m'énerver un tout petit peu... comme qui dirait

l'oeil fixé

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 22:55 (il y a 3440 jours) @ cat

ok, restons-en là.

l'oeil fixé

par Claire @, mercredi 26 novembre 2014, 23:09 (il y a 3440 jours) @ cat

bon, quand même, pour préciser les choses.
Quand l'autre a pris le risque, et la peine, de m'adresser quelque chose, je trouve que la seule raison valable de ne pas en prendre connaissance, c'est à dire de lui opposer une fin de non recevoir, ce serait la haine.
Sinon, j'ouvre et je vois, ou j'écoute.
Après j'en fais ce que je peux, ce que je veux.
Décider de ne pas ouvrir, c'est pour moi une sorte d'anihilation de lui, de son geste, de cette tentative d'échange, de sa parole propre que je ne connais pas.
ou une lâcheté.
Le réduire au silence en substituant à sa parole mes propres rêveries ou fantasmes à son sujet.
faire comme si je savais ce qu'il a à dire sans avoir besoin de l'écouter
tu comprends ?

l'oeil fixé

par c., jeudi 27 novembre 2014, 02:54 (il y a 3439 jours) @ Claire

oui, là j'entends mieux et je comprends ce que tu dis, pourtant, et je pèse mes mots, il me semble que ces possibilités sont négatives, quand rien dans le texte ne laisse présager d'un tel négativisme. l'espace campé par les vers médiants ne contient que l'or des moments, on sent que les choses même infimes sont aimées, voire chéries. rien n'y est froid, rien ne mord ni ne blesse, et seul le paquet vient perturber une quiétude (qui est peut-être issue d'un travail de patience et de détachement) et ne pas ouvrir ce paquet la préserve, ou du moins, le voudrait. je me dis que cet acte en est un de survie, pour se survivre, comme on choisit délibérément de survivre à une part de soi qui nous dévorait de l'intérieur et qu'on a fini par cerner/apprivoiser/comprendre puis apaiser/admettre/absoudre et lâcher (je vois une sorte de Bucéphale à la place du coeur, et l'animal pouvant maintenant marcher avec som ombre) ... dans cet optique ouvrir le paquet serait ... se mettre à mort, se catapulter dans un brasier, en quelque sorte. donc ce n'est pas vis à vis de l'autre. et le paquet n'est pas jeté/déchiré/brûlé/détruit non, il est juste là, présent dans un autre présent, il fait surgir quelque chose, sans doute des choses silencieuses, profondes, et, tout se passe vis à vis soi...

et si comme je le dis depuis dix ans la poésie c'est voir en face, ce texte est de la poésie. il regarde droit en face.





j'ai, en le lisant les trois premières fois, ressenti une grande douleur, assez grande pour fermer tout, claquer une porte, puis j'ai trouvé que c'était intéressant, je voulais fuir subitement, il se passait quelque chose, puis j'ai relu encore et trouvé un centre très droit, puis une joie que je ne pouvais pas décrire, puis à y revenir, j'y ai trouvé un puits de force, une forme de beauté étrange et décalée, un peu comme trouver un objet médiéval dans une pièce ultra contemporaine où les choses changent d'aspect et de perspective, se transforment tout à coup quand absolument rien n'a bougé, et que seul le regard a changé ... tu sais, cette représentation du chandelier, qui, dans l'oeil devient deux visages ... c'est ce moment où la perception change qui fait la beauté et la joie du moment. le poème a produit ça chez moi...

peut-être que..parce que j'y suis revenue et que j'ai travaillé à une lecture du poème, je ne veux pas y voir autre chose ?

l'oeil fixé

par c., jeudi 27 novembre 2014, 03:52 (il y a 3439 jours) @ Claire

..qui a dit "l'enfer est pavé de bonnes intentions" ?

rien n'annihile l'expéditeur/trice, rien ne l'atteint non plus, il n'est pas là ! par contre son geste atteint ou pourrait atteindre (cruellement), non? son geste implique et impose, il ne le sait pas. y aura-t-il simplement pensé... et ça n'est-il pas de quelque violence ? et même, ça n'est-il pas de quelque égoïsme ?

la personne qui reçoit, elle, reçoit la conséquence, et agit c o n s é q u e m m e n t avec elle-même, cette personne n'agit pas avec le paquet, cette personne n'agit pas sur le paquet non plus que sur l'expéditeur/trice, cette personne n'agit que sur elle-même en elle-même et d'une manière qui la garde, elle. n'est-ce pas ce qui devrait toujours prévaloir ?

on pourrait glisser sur la pente d'un instinct primal ou sauvage, mais je ne pense pas que ce soit de ça qu'il s'agisse ici dans ce texte, je pense vraiment que c'est plus haut que ça, plus haut dans le sens de.. plus près du coeur réel d'une personne comme près d'une envie de vivre, de se déployer. dans mon expérience il n'y a que le détachement qui puisse produire cet effet, ce détachement qui rend possible de ne pas ouvrir le paquet, et d'en rester libre.

bon, mais après tout, on parle d'un texte !





y a trop de dimensions ! jude, pourquoi fallait-il que ce soit si plein ? ;)

l'oeil fixé

par kel, jeudi 27 novembre 2014, 13:08 (il y a 3439 jours) @ jude

bien mystérieux... cet oeil fixé / que je n'ouvrirai pas

l'oeil fixé

par jude, samedi 29 novembre 2014, 18:11 (il y a 3437 jours) @ jude

Honnêtement, je n'en attendais pas tant!
Recevoir cet écho de vous m'a fait un grand plaisir(surtout vue l'ambiance parfois étrange, violente et délétère de ce forum, qui me surprend et m'attriste).
J'écris très peu, et moins encore de poésie. Il me faudrait une liberté de corps et d'esprit surtout dont je ne peux disposer.

Bref, j'étais en partance et il s'agissait là d'une dernière bouteille à la mer. J'ai brièvement retravaillé un vieux poème de 1989, pour la beauté du geste en quelque sorte...

Encore une précision à tous : je n'aime pas l'hypocrisie, les faux-fuyants, la dissimulation. J'interviens sur ce forum en tant que jude et je ne me cacherai jamais sous un autre nom. Maintenant, je ne garantis pas que personne ne puisse usurper mon identité... Je ne connais rien aux mystères de l'informatique.

Comment te dire, Catrine? C'est émouvant mais terriblement inquiétant et violent de recevoir ta lecture. J'avais fini par croire que j'étais un exemplaire unique, bizarroïde , décalé et complètement weird comme tu dis.
Mon esthétique, pour une bonne part est classique. Le dix-septième français est un de mes jardins. Lors de mes études, j'ai eu l'occasion de découvrir une critique marquante de Doubrovsky je crois sur le Cid de Corneille, de celles qui coupent le souffle et accélèrent le coeur. Voilà pourquoi, lorsque tu as employé le terme « lame d'une épée » quelque part, tu es tombée pile à la pointe des choses.
Il s'agit de l'épée de Rodrigue qui fend son moi en deux, de celle de Chimène qui la sépare en deux êtres luttant l'un contre l'autre. Oui, c'est une lutte contre soi-même, dont on ne peut sortir sans dommage. On perd tout, absolument, forcément, mais c'est là qu'on peut gagner tout aussi (du moins de ce qui reste à sauver)

Il n'y a aucune haine, Claire, l'esprit et le cœur sont bien au-delà. L'autre, qui envoie le paquet, a sa liberté ; on le respecte infiniment (parce qu'il a été, est peut-être encore un alter ego) mais on a le droit de refuser d'ouvrir ce paquet parce que la plus haute des fidélités est d'abord d'être soi-même (on se trahit déjà si souvent soi-même!).Mais tu as raison aussi. Le je est si faible, ce pauvre roseau souffrant, qu'il ouvrira peut-être le paquet parce que comment s'empêcher d'espérer encore avant la mort ou bien pour s'écharder le cœur, et ce sera une façon de s'éprouver (peut-être le côté masochiste qu'on te reproche, Catrine;-)))Tiendra-t-il sa résolution ? Rien de moins sûr !

Voilà pourquoi j'ai hésité à détacher le dernier vers et à mettre un futur parce qu'avec un conditionnel, tout le rêve, l'espoir, le terrible et fol espoir, le « tu » est encore là grâce à cette indécision du « je », ces états de flottement, de doute, d'hésitation qui te sont si chers, Claire. Aucune haine, aucune ! Lorsque l'on s'est tué à s'empêcher d'éprouver les sentiments que l'on éprouve encore, quelle haine pourrait-il y avoir contre un être qui vous aide (fût-ce en dépit de lui-même) à vous accomplir plus parfaitement ?

Le Cid est un conte de fées. L'infante est là qui marie Rodrigue et Chimène. Hélas , « Notre vie » comme dirait Maupassant, n'en est pas un !

Merci encore à vous, Catrine et Claire, à Zeio, Kel, et à ceux qui ont lu ce texte !

l'oeil fixé // question :

par c., samedi 29 novembre 2014, 22:00 (il y a 3437 jours) @ jude

C'est émouvant mais terriblement inquiétant et violent de recevoir ta lecture

..pourquoi ?
euh.. en quoi est-ce violent ?
et en quoi est-ce inquiétant ?.. je craints de ne pas comprendre

l'oeil fixé // question :

par jude, dimanche 30 novembre 2014, 00:02 (il y a 3437 jours) @ c.

violent et in-quiétant parce que cela empêche précisément de laisser retourner les choses à la quiétude, la tranquillité. C'est de l'ordre de l'exigence comme toute création ,bien sûr, mais il y a des moments où l'on aimerait laisser aller tomber...

merci encore

imaginations

par Claire @, lundi 01 décembre 2014, 11:53 (il y a 3435 jours) @ jude

merci jude de tes explications qui éclairent parfaitement le poème.

Quand je parlais de haine c'était simplement pour essayer d'imaginer quelle sorte de sentiment expliquerait cette situation pour moi paradoxale : recevoir un paquet (extrêmement chargé d'émotions) de la part de quelqu'un, le poser dans son salon, l'avoir sous les yeux et ne jamais l'ouvrir. Je précise que je n'ai rien contre la haine, c'est un sentiment qui est parfois nécessaire pour se protéger. Mais elle peut induire des comportements de ce type : "je t'ai sous les yeux et c'est moi qui ai le pouvoir et je ne veux plus rien de toi".

Mais là, ça ne collait pas avec le reste, où effectivement je ne sentais pas de haine. Du coup, je ressentais un truc "forcé" dans ce dernier vers si affirmatif, d'autant plus affirmatif que sa position isolée en fin de poème lui donnait encore plus de poids.
Poids d'une résolution en réalité fragile qui cherche, si je te comprends bien, à se nourrir de sa propre affirmation (ce qui contraste avec la maturité du reste du poème).
C'était donc quand même une remarque littéraire que je te faisais.

La suite de mes commentaires, comme souvent après qu'on ait lu un texte et qu'on la prolonge, reflétait avant tout des réflexions personnelles, que je me fais autour du statut de l'autre, la façon dont nous avons finalement affaire à deux "autres" : celui que nos imaginons, et celui qui existe vraiment et s'adresse à nous, le vrai "autre".
Mais c'est pareil finalement quand on lit un poème : il y a le vrai poème, ce qu'il dit, et puis il y a tout ce que nous imaginons autour de lui, en le trahissant souvent.

imaginations

par jude, lundi 01 décembre 2014, 15:54 (il y a 3435 jours) @ Claire

Pour un être humain digne de son nom, même et surtout la plus forte des résolutions est-doit être fragile. Sinon il se prend pour Dieu, il est Dieu, et c'est grave.

L'homme est par définition au-dessus d'un précipice(l'existence). La voie pour ne pas tomber est ardue, constituée de batailles successives et infinies. (il y a là un peu de la conception de Bernanos avec toutes les transpositions laïques voulues bien sûr).
A chacune il peut -doit être blessé(il ne sait pas non plus s'il faut les livrer . Quelque chose le conduit dans la bataille (du style :in hoc signo vinces pourquoi pas?)
Ce peut être l'étoile du berger ou un feu trompeur. Il n'en sait rien.
Seule l'intuition de ce qu'il veut le mène. Il lui faut s'y livrer ou bien s'immobiliser. Quelle humanité véritable aurait un être humain qui ne douterait pas de sa voie à chaque pas? Voilà pourquoi, au moment même où il fortifie sa décision ,il est en train d'en douter.
Y a-t-il un "vrai autre" ou un" vrai moi"? De façon extrême, même celui qu'il est pour lui n'est qu'une de ses incarnations. Pourquoi serait-elle plus vraie que celle qu'il est pour chacun de ceux qu'il côtoie? Plus vraie même que celle qu'il voudrait être, celle qu'il s'imagine étant?
A chaque lecteur aussi sa vérité (s'il la cherche avec sérieux !)
Les lectures sont par définition plurielles (dixit Barthes)

Merci encore pour les vôtres.

imaginations

par kel, lundi 01 décembre 2014, 16:57 (il y a 3435 jours) @ jude

voici un message qui dit beaucoup de choses qui me parlent. merci, jude.

imaginations

par Claire @, lundi 01 décembre 2014, 17:17 (il y a 3435 jours) @ jude

oui mais tu vois, tout ce que tu dis-là me parle d'imaginaire.
Ce qui est réel c'est l'acte qu'il fera finalement : ouvrir ou pas. Et ce qu'il y trouvera alors dans le paquet. Ce que le "vrai" autre a mis dans le paquet.
D'une certaine façon c'est assez simple.
...après, bien entendu, on se remet à imaginer. Mais il y a eu un fragment de seconde pour le réel, ce qui nous protège de la folie.

imaginations

par jude, lundi 01 décembre 2014, 17:43 (il y a 3435 jours) @ Claire

D'accord avec toi mais, en même temps, je suis beaucoup plus extrémiste.
La vérité vraie de l'être est aussi en amont ou-et en aval de ce moment-là, que tu envisages.
Comme le disait Proust dans le temps retrouvé(c'est wiki ki l'a dit):"La vraie vie...la seule vie par conséquent réellement vécue...c'est la littérature."

Damned, me v'là dans de beaux draps ! Après une citation comme celle-là je n'oserai plus jamais écrire un iota!;D