WIP (suite)

par Rodrigue @, jeudi 03 juillet 2014, 12:28 (il y a 3585 jours)

jusqu'au ciel
si on laissait faire
l'oeil
hurlerait par degrés
son désir de mort

mais ton visage obstiné
resserre le vertige
à sa mesure
lasse

altitude
orbite
balancier
servitude

l'oubli c'est l'enchevêtrement de ta langue
à mon oeil

*

la faim fidèle attroupe une marche intérieure
dé-résonne son rythme

les mots s'emportent dans la sente fièvreuse
des pas luttent à situer vivre

ce soir une colère diffuse l'encre au creux
des fribres insomniaques

remâcher leurs signes jusqu'à
extinction de la soif

*

on guette un geste au centre
du manège
l'instant soulage d'une main
la vitesse

l'effraction perdure et déborde l'enfance
c'est du moins ce qu'on espère

chaque heure consacre la joie sur l'autel
de son visage

au-delà son nom
sara

*

un lit de misère
l'outre-temps pèse
il charrie des orages
comme troue ma carcasse

réfugié dans l'ossature
le derme
la pointe

crevé

mille noms frappent gueulés par l'éclair
jusqu'aux bords poreux
de mon crâne
dedans

chaque battement
et quoi s'endort noyé dans le sang
chaud du silence

WIP (suite)

par Claire @, vendredi 04 juillet 2014, 12:01 (il y a 3584 jours) @ Rodrigue

il y a quelque chose de carcéral dans ce poème. Seul ou à deux. Du carcéral à l'intérieur du corps, des corps.

WIP (suite)

par catrine, dimanche 06 juillet 2014, 20:56 (il y a 3581 jours) @ Rodrigue

Rodrigue, je suis désolée mais je ne suis pas capable de lire ni d'entrer, et ce depuis un bout de temps... je ne peux pas entrer dans cette suite.. ça sent le cadavre, la mort, le cassé exprès, voulu, la mort voulue ... je ne peux pas.

WIP (suite)

par Rodrigue, lundi 07 juillet 2014, 13:58 (il y a 3581 jours) @ catrine

Et ben, rien que ça?
Pas peur des mots, hein?...
Donc ce que j'écris actuellement sent le cadavre, la mort, le cassé exprès, voulu, la mort voulue...
Que tu ne puisse pas entrer dedans, je peux le concevoir. Que tu ne puisse pas le lire, ok rien ne t'y oblige. Mais tu trouves pas tes propos légèrement violents sur les bords?
Non?

Tu sais quoi? Vu que mes textes ne semblent quasiment intéresser personne ici ou sur le Bleu, je vais me dispenser d'y poster quoi que ce soit désormais. Ça m'évitera d'en attendre des commentaires et ça t'évitera des odeurs désagréables.

"ça sent le cadavre..."! non mais franchement, y a des jours où on préfèrerait que les poète aient un tout petit peu "peur des mots"...

WIP (suite)

par Claire @, lundi 07 juillet 2014, 14:09 (il y a 3581 jours) @ Rodrigue

ce serait dommage.
Je m'interroge, c'est vrai depuis quelques temps sur les raisons pour lesquelles (de moi ou d'eux) j'accroche moins avec tes derniers poèmes.
Mais si tu t'en vas, je serai obligée de ne plus me poser la question.

WIP (suite)

par zeio, lundi 07 juillet 2014, 15:04 (il y a 3581 jours) @ Rodrigue

Rodrigue, catrine exprime son ressenti, certes il tape, quoi que pas si fort que ça non plus... Devrait-elle le cacher ? non elle a mille fois raison de l'exprimer.
Baudelaire à son époque était le poète puant la charogne. Corbière sentait la pisse avec ses amours jaunes et sade écrivait sur des rouleaux de pq. Non, le pire, c'est l'absence de fumet...
Du reste, je trouve aussi que ce texte est ennuyeux. La vraie question à se poser n'est-elle pas plutôt là ?

Vaut-il mieux te mentir ?

par catrine, lundi 07 juillet 2014, 19:27 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

euhm.. euh..
doucement là, attends, mais attends un peu là, Rodrigue, je m'explique :



1- je suis très étonnée et désolée de ta réaction (violente)... qui est une défense, et qui me parle beaucoup de toi, te révèle.. mais ta réaction ne questionne pas et elle ne réfléchit pas, elle ne fait que repousser ce que tu refuses pour X ou Y raisons....

2a- généralement on ne poste pas un poème ou un texte sur un forum pour obtenir le silence complèt... et je pense qu'à écrire et partager un espace, si on commence par se mentir les uns aux autres ça n'ira pas bien, et même ça tuera cet espace lentement mais sûrement, tuer dans le sens d'étouffer, dans un climat bizarre et faux — je suis incapable de mentir, ça me fait mal.
2b-je n'ai pas tué ton poème, je ne t'ai pas humilié publiquement, j'ai simplement écrit que je ne peux pas entrer là parce que ce n'est pas vivant au sens où moi j'entends "poème vivant" ou "écriture vivante"... ET cela ne veut pas dire, non plus, que tout ce que tu écris est comme ça, loin de là, mais ici, cette suite, ce WIP sur lequel tu t'acharnes... oui, un peu... à mon sens à moi, ma lecture, ce corps est mort. (je saurais dire pourquoi il est mort et comment, mais c'est la dernière chose à dire, ou la première... et ça ne se dit pas, ou seulement à un ami très proche et encore...)
2c-le commentaire (positif ou négatif) est un cadeau, il propose un regard hors du tien, pour mille commentaires positifs tu reçois un commentaire négatif, je dis négatif pour toi, mais ce commentaire que tu perçois comme tel n'est ni négatif ou positif, il n'est qu'une réponse à une proposition. tu fais/agis/transformes ce que tu lis du commentaire, tu lui donnes la charge en fonction d'une importance accordée ou au texte ou au commentaire... tout cela autour de ce qui n'est qu'un texte... est-ce tu veux être flatté dans le sens de la peluche (comme sur facebook), ou, est-ce que tu veux recevoir des avis sincères de personnes qui t'estiment et estiment que tu peux faire de l'écriture quelque chose d'autre, quelque chose de vrai, quelque chose qui te ressemble, quelque chose qui apporte aux gens autour de toi, qui te reçoivent, ici...

3- mon commentaire n'est pas une attaque personnelle, mon commentaire ne nomme que ce que je perçois et reçois du texte, du texte, de l'écrire, qui pour moi, mais vraiment très personnellement, sont un peu des corps, des corps de paroles, des corps de pensées, vivants, vivants avec leur souffle, leur coeur, leurs sens, leurs membres, leurs articulations, muscles et tendons, veines, liquides, ossatures, moelle. mon commentaire nomme ce que je vois et ressens quand j'entre dans cette parole, souffle, battement, ce que cette parole agit en moi si je la prononce, si je la porte en moi...

4- lire est une rencontre, une rencontre avec un soufle, certains auteurs et poètes décédés depuis très très longtemps, ont laissé "des corps de paroles et de pensées" encore vivants, qui nous plongent et soulèvent, soutiennent, nourrissent, et on les porte longtemps longtemps en nous, on les gardent proches de soi, ils deviennent nos amis nos confidents, ils nous recueillent.. si on entre dans le roman, la poésie nous pénètre, la rencontre ici est d'un autre ordre, d'un ordre plus sensible, de degrés plus sensibles même de la sensibilité...


depuis Comptoirs déjà, et il y a plusieurs mois, tu descends une suite,
tu descends un texte, désaticules, suspends, coupes, découpes,
tu le tortures avec une minutie terrible, mais tu ne sembles pas réaliser
ce que cela produit, ni où cela conduit, de le lire, de le porter...
tu es emporté par ton mouvement de descente du texte... et tu t'écoutes,
je veux dire qu'il faut écouter le poème, son souffle à lui, le sien.
les poèmes nous traversent comme les vents solaires et parfois ils passent
complètement, bel et bien, parfois nous les retenons et les brisons...

je ne sais pas si c'est toi ou ton poème qui souffre, mais il t'appelle, il a besoin de toi,
il a besoin que tu lui apportes ce qu'il lui faut pour être...
ou que tu lui permettes de mourrir

le poème souvent est transparent de l'être qui l'écrit, la vibration du poème parle ...








tiens, je t'ai trouvé ça, c'est un chercheur japonais qui étudie la vibration des mots, ce qu'ils produisent : Masaru Emoto





p.s. allé reviens, ne me fais pas la gueule, allé, reviens quoi...

j'arrête

par rodrigue, mardi 08 juillet 2014, 00:40 (il y a 3580 jours) @ catrine

Tu penses que ma réaction me révèle,.. En voici une autre: je vais arrêter toutes ces conneries. C'est pas pour moi tout ça.

j'arrête

par catrine, mardi 08 juillet 2014, 01:01 (il y a 3580 jours) @ rodrigue

..mais que se passe-il, Rodrigue ?
c'est quoi "toutes ces conneries" ?
que veux-tu dire ?

j'arrête

par Rodrigue, mardi 08 juillet 2014, 08:44 (il y a 3580 jours) @ catrine

Mes textes sont morts depuis longtemps, mort-nés. C'est pour ça qu'ils sentent le cadavre.
Ils sont vides et c'est pour ça qu'ils sont ennuyeux.
Ils reflètent en effet ce que je suis.

Ce que je vais faire là, impudique, parler de moi, n'a pas d'importance puisque je ne reviendrai pas. Çà n'appelle d'ailleurs aucune réponse.

L'écriture est devenue la seule partie de ma vie qui avait un sens. Parce qu'avant et pendant presque 40 ans elle n'en avait aucun.
J'ai un boulot intéressant qui me fait chier, une femme admirable que je n'aime pas, une fille de 18 ans qui me déteste et une autre de 7 qui en fera autant un jour ou l'autre.
Et il n'y a aucune chance que ça change dans les années à venir, parce qu'elle seront consacrée à expier le mal que j'ai pu faire à ceux et celles qui ont eu le malheur de m'approcher de trop près.

Ce que j'arrête? C'est l'écriture, ce truc à moi qui me donnait un peu l'impression de créer quelque chose de positif, d'aller de l'avant. Ces conneries, c'est l'investissement, la charge émotionnelle que ça génère, que ça charrie pour créer quelque chose d'honnête.
Je ne suis pas taillé pour ça.

Mieux vaut revenir à l'état ancien. L'homéostasie du rien. Puisqu'il faut bien continuer dans cette vie qui n'a pas de sens. Eviter de trop souffrir.

Bref, au final t'as pas grand-chose à voir dans cette décision. Tu m'as peut-être juste aidé à faire le point.

faire le point...

par catrine, mardi 08 juillet 2014, 09:09 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

..mais je ne parlais que de ce wip, dont ce fragment..

il ne faut pas tout saborder ...ou en arriver à des conclusions si définitives parce qu'il y a un Cap Horne à franchir...
je veux bien sentir et comprendre que ton trois-mâts craque dans la tourmente, alors descends les voiles, resserre les cordages..
tiens bien la barre, solide sans te crisper... pis attache-toi on en a pour un moment

bon, et si on en parlait ailleurs, dans ma cabine, je veux dire, voici mon e-mail takaldir@hotmail.com




il est 3h du matin chez moi...et je me demandais ce qui m'empêchais de dormir..

j'arrête

par dh, mardi 08 juillet 2014, 13:46 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

salut rodrigue,

je crois que tu es trop exigeant avec toi-même et que tu attends trop de choses de la poésie. il faut accepter de se planter parfois, de rater des poèmes, c'est inévitable. moi ça m'est déjà arrivé de ne rien écrire pendant six mois, pas un mot, tellement je pensais que j'étais dans l'impasse, et puis c'est revenu, et puis ça repart, c'est comme ça. ça ne se contrôle pas. le conseil que je te donnerai, c'est surtout de continuer à lire des poèmes et puis ne pas s'isoler, aller vers les autres.

je te souhaite bon courage et j'espère te relire bientôt.

ressentir

par Claire @, mardi 08 juillet 2014, 13:53 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

Quand je parlais d'une impression carcérale, je ne voulais pas dire mauvais. Qu'est-ce qui fait qu'un texte est "aimable" ? Une sorte d'équilibre - dans lequel le lecteur évolue à l'aise - entre le dedans et le dehors par exemple, entre la chair et les os.
Quand il parle de choses enfermées, ou de huis-clos, le dehors n'existe pas assez dans le ressenti du lecteur, il étouffe, et ce n'est pas plaisant. Mais est-ce que le premier devoir d'un texte est d'être aimable ? Je ne crois pas. Peut-être que ton poème dit trop bien justement ce qu'il a à dire.


Quant à la question du sens, en art, d'arrêter, je crois justement qu'on n'arrête pas ce qui a du sens. On peut faire un break, oui. Mais ça revient.
Et c'est pareil dans la vie. On n'arrête pas ce qui a du sens ; et si ça continue, c'est que ça en a, même si on ne le ressent plus.

ressentir

par Rodrigue, mardi 08 juillet 2014, 14:47 (il y a 3580 jours) @ Claire

Je ne suis pas d'accord sur la question du sens. D'abord, en l'espèce, je ne crois pas que ce que j'écris serve à grand chose. Ils m'ont aidé à me sentir vivant pendant 2 ans mais c'est un pansement sur une jambe de bois, comme l'amour ou le sexe. Pareil.
Quant à savoir si tout ce qui continue a forcément du sens... ma foi, ça peut aussi avoir seulement celui qu'on a pas assez de ressource pour y mettre fin.
Je me suis passé d'écrire pendant 10 ans (et c'est sans compter les 15 où j'écrivais vraiment de la merde, ce qui reviens à ne pas écrire), je m'en passerai à nouveau.

ressentir

par Claire @, mardi 08 juillet 2014, 14:59 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

tu passes de "sens" à "servir à", et c'est une question bien intéressante. Est-ce que ça va ensemble ? Est-ce que le sens de l'art ne serait pas, entre autres, que ça ne sert à rien ? Que ça se faufile dans cette faille-là ?

Pour le reste, la vie, je continuerais volontiers à en parler, mais pas ici.

ressentir

par dh, mardi 08 juillet 2014, 15:20 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

là ou je suis d'accord avec toi rodrigue, c'est que l'écriture a effectivement quelque chose à voir avec l'amour et le sexe. mais quand tu parles de "pansement sur une jambe de bois", je ne vois pas ce qui te permet de dire ça !

j'arrête

par zeio, mardi 08 juillet 2014, 20:30 (il y a 3579 jours) @ Rodrigue

Rodrigue, ce que tu écris me fait penser que tu es capable d'excellentes choses.
Sincèrement.
Ça change, comparé à tous les nombrils du monde.
Mon avis personnel et modeste sur ton travail est que tu es trop accroché à une certaine idée de la poésie.
Ça se voit, tu veux faire de la poésie et cette volonté traîne avec elle des boulets d'histoires et de poètes que tu apprécies, ta volonté même farouche d'être à la hauteur de cette idée au final te diminue et te rend maladroit, comme si tu sentais que c'était perdu d'avance ou que tu te forçais
Tu ne sembles pas être intégralement dans ce que tu écris
Les poètes sont des vengeurs, peut-être devrais tu te "venger" de toutes ces choses dont tu parles
et par la même les transmuer en quelque chose de très beau qui sait, et déployer grâce à l'art ta vision les perceptions biaisées
que tu as de ces choses, modeler ta manière de sentir le monde
Si comme tu dis tu n'es pas taillé pour ça, l'occasion est parfaite dès lors de t'éloigner de toi-même
La littérature en effet donne un sens, sublime à la poussière
Donneras-tu un sens à la poussière ?

ho et..

par catrine, mardi 08 juillet 2014, 22:19 (il y a 3579 jours) @ zeio

c'est beau ça, c'est en plein dans l'idée ce que je tente de formuler depuis des heures ;
je suis bien contente de ne pas l'avoir fait ;) je ne l'aurais jamais si bien tourné

Et puis...

par catrine, lundi 07 juillet 2014, 20:23 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

tu te souviens de l'audio que t'a fait Laurent ?...
et de Casimir qui te confondait avec lutine ?...



je préfère cent fois ne recourir à aucun de ces procédés hypocrites et/ou enfermant, et juste te dire ce que je sens de ce texte, honnêtement, sincèrement, avec amitié, et même avec tristesse, et signer.

Et puis...

par lutine, mardi 08 juillet 2014, 10:31 (il y a 3580 jours) @ catrine

Je ne vois pas pourquoi je suis citée ici. Je me sens bien dans mon écriture et j'y attache l'importance qu'elle mérite c'est à dire qu'elle est un second plan car le premier plan est la vraie vie. Il me semble que ceux qui s'y attardent trop c'est parce que justement comme l'écrit Rodrigue c'est qu'ailleurs cela ne va pas.

Sans rancune.

Et puis...

par anonyme+, mardi 08 juillet 2014, 13:04 (il y a 3580 jours) @ lutine

au secours

Poète, poésie

par et poème, lundi 07 juillet 2014, 20:39 (il y a 3580 jours) @ Rodrigue

Lundi 7 juillet 2014
Poète, poésie et poème
À Lou, affirmament que je n’aimais pas la poésie, j’ai répondu qu’elle, si. Le problème étant plutôt ce qu’en font font font les petites marionnettes des poètes auto-proclamés et leurs poèmes. Manque de bol, ma remarque est tombé sous l’œil d’Alphonse Salafia - pote poète - et il me demande (amygalement) de m’expliquer.

Ce qu’il te faut savoir, cher lecteur, c’est que pour moi, écrire, dès le début et pour une bonne vingtaine d’année, ça a été écrire de la poésie. Ne vois là aucune prétention d’expertise, c’est juste pour dire que le sujet me préoccupe de longue date. Depuis, j’ai exploré d’autres genres, tout particulièrement la fiction et je préside même aux destinées d’une revue littéraire dans laquelle sont régulièrement publiés Aline Fernandez, Jean-Marc La Frenière, Alphonse Salafia, Gabriel Henry… tous plus poètes les uns que les autres.

Tout ça pour dire que je ne suis pas en guerre. Je ne mène aucune croisade pro ou anti. Après tout, si certains restent persuadés que pour « faire poème », il suffit de passer à la ligne quand il faudrait une virgule, commencer son vers par une majuscule et le finir par un mot désuet mais plaqué or, c’est leur affaire. Mais pour essayer de faire comprendre ce qu’est pour moi la poésie, le plus simple est de partir de ce que je crois : La langue, le langage m’apparaît comme un organisme symbiote. À ce titre, le langage est si intimement attaché à chacun d’entre nous qu’il fait partie de notre personne. Écriture manuscrite, voix, vocabulaire, style : c’est nous. Mais il n’est pourtant ni totalement notre création ni notre propriété puisque nous l’avons appris, que nous partageons notre langue maternelle avec plein d’autres et qu’au final le langage signe notre appartenance à l’humanité.

Là, bien sûr, on pourra penser que l’espèce humaine n’est peut-être pas la seule espèce animale dotée du langage et que les machines ne sont peut-être pas très loin de disposer du leur. Mais ça vient plutôt à l’appui de ma thèse : comment s’étonner qu’un organisme symbiote cherche de nouveaux hôtes ? Pour nous comme ailleurs, pour le langage comme pour les autres organismes symbiotes, l’association est à profit mutuel : à nous, grâce à lui, la capacité de penser, de dire, d’écrire, de communiquer. À lui, grâce à nous, les bénéfices attendus par n’importe quel organisme de n’importe quelle espèce : croître, s’adapter, prospérer, se diversifier, se reproduire.

Et la poésie alors ? On y vient. La poésie, je la vois, je la sens, je la ressens quand le « curseur » de l’expression quitte la zone de service de l’auteur, où elle est utilisée comme outil, comme véhicule du discours, de l’exposé, et que l’expression quitte également la zone opposée du foisonnement formel, de la recherche, de l’exploration, pour se situer pile poil au point d’équilibre entre les deux. Autrement dit, le poème me touche quand il témoigne de la symbiose, quand le poète ne parait pas tordre le bras de la langue pour lui faire avouer on ne sait quoi, mais également quand le poème n’apparaît pas comme du langage désincarné, sans rien ni personne derrière. C’est donc bien entre le poète et le poème qu’apparaît la poésie*, à distance identique des deux, mais les réunissant, témoignant également de l’être et du langage.
* On pourra remplacer par "auteur" et "texte", également par "réalisateur" et "film" etc. La poésie n'est pas l'apanage de la langue ; plutôt de l'expression.

Jean-Marie Dutey

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