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par Claire, lundi 14 mars 2022, 14:33 (il y a 767 jours)

elle est assise dans l’étonnante lumière
qui découpe sur son visage un souvenir d’orage
ou d’énigme
elle regarde ses mains que la lumière déforme aussi.
baisse-elle les yeux pour les protéger des zébrures blanches
qui devant elle
courent sur un mur ?

un portrait si absent, méconnaissable
l’abstraction d’une présence : une robe sombre
des cheveux sombres
où la lumière met des flammèches.
et cette lumière violente et douce, froide et pâle
fait un chemin aussi autour de ses yeux,
de son nez et de sa bouche.

elle se laisse utiliser comme une toile,
le laisse dessiner son idée sur elle,
elle s’en remet
à l’idée, la beauté.

beauté sur sa beauté
abstrait sur humain
tout disparaît presque.

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par m, lundi 14 mars 2022, 18:40 (il y a 767 jours) @ Claire

Est-ce la description d'une photo ? J'aime l'incarnation en mots des jeux de lumière, ils révèlent la présence d'une absence. Comme le noir et blanc d'un négatif ou la résurgence d'un repentir, images rémanentes.

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par Claire, mardi 15 mars 2022, 18:36 (il y a 766 jours) @ m

merci de ta lecture. Oui, je suis partie d'une photo, comme souvent. J'ai de plus en plus de mal à partir "de rien", ou "de moi", il me faut un autre esprit à suivre, je crois, quitte à prendre la tangente rapidement.

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par m, mercredi 16 mars 2022, 08:19 (il y a 765 jours) @ Claire

il y a dans ton poème un statisme, une fixité, propre à la photo. Les photos suscitent toujours en moi un fort sentiment d'absence. Ce que je retrouve bien dans ta manière de décrire, outre le fait que le texte lui-même l'évoque explicitement et finit sur l'image d'une presque disparition.

Je vois ce que tu veux dire. Ce qui manque en toi aujourd'hui n'est sans doute pas la matière de l'écriture mais la nécessité d'écrire. Pour le faire tu as besoin d'un déclencheur, d'une "demande" extérieure à laquelle réagir.
C'est pareil pour moi. J'ai une amie poète qui joue ce rôle depuis des années, nous nous lançons régulièrement des défis. Cette année c'est un peu particulier; pas de contraintes thématiques ni lexicales ni métriques ou autres. Nous avons simplement décidé d'écrire chaque mois pendant un an un poème de 11 vers à nous livrer mutuellement le 11 du mois. Du coup, je me suis donné une consigne supplémentaire : chaque poème doit évoquer ce que représente à mes yeux le mois en cours. Spleen 2022 évoque mars, un mois dépressif.

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par claire, mercredi 16 mars 2022, 18:41 (il y a 765 jours) @ m

Je ressens une nécessité d'écrire au sens où je suis toujours un peu triste lorsque je perds cela. (Ou bien je perds cela quand je suis un peu triste ou "cafardeuse" comme tu dis dans ton poème) parce que l'écriture témoigne pour moi d'une forme de magie, et qu'un monde sans magie est bien morne.
Mais l'illusion d'avoir quelque chose à dire a disparu, que ce soit au sens d'une vérité à transmettre ou au sens d'avoir à exprimer un ressenti. En fait, je crois que ce qu'on exprime passe par la forme, et que c'est elle l'essentiel. Tout a toujours été déjà dit, mais la forme est comme une voix, qu'on doit travailler de son mieux.

Ce qui est évident pour moi c'est que j'aime la transmission, et écrire à partir de la parole, de la création d'un autre, c'est comme entrer dans une chaîne.

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par m, jeudi 17 mars 2022, 09:04 (il y a 764 jours) @ claire

je ne crois pas que tout ait été dit. Cela signifierait que le monde, les mentalités, les individus ne changent pas avec le temps, ce qui est faux bien sûr. Il y a bien des thèmes récurrents mais chaque époque les revisite avec sa propre matière.
Je te prends l'exemple de mon dernier texte. C'est une revisitation du Spleen de Baudelaire : même thème, même métrique. Pourtant il invoque des réalités inconnues de Baudelaire (les gyrophares, le métro...) et surtout le point de vue sur l'état mélancolique n'est pas le même. Le traitement de l'intériorité, d'une époque à l'autre, s'est déporté de l'intime vers l'extérieur. Baudelaire parle d'un mal-être métaphysique dont le maître mot est l'Ennui alors qu'il s'alimente ici des agressions de la réalité sociale.
On pourrait observer le même décalage dans ton poème Image(2) qui donne une vision des "rôles" enfants / adultes totalement étrangère à une époque pas si reculée où les enfants n'étaient jamais que de petits hommes ou de petites femmes.

Quant à la partition fond/forme, pas facile à départager. Le lexique, la syntaxe, les images même, font-ils partie de la forme ou du fond ?

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par claire, jeudi 17 mars 2022, 15:04 (il y a 764 jours) @ m

Oui, tu as raison, ça m'apprendra à débiter des lieux communs.
En fait, je pensais à une certaine poésie assez cérébrale qui tourne beaucoup autour de la philosophie, ou à celle qui soutient des "causes".
La poésie que j'aime, plutôt que de penser, tente de décrire (ce qui est une autre façon de penser), d'évoquer. Le travail sur la forme cherche la justesse, mais aussi cherche à créer des objets nouveaux, qui ouvrent notre esprit, nous réveillent, qui sont à partager.

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par m, jeudi 17 mars 2022, 19:18 (il y a 764 jours) @ claire

ah ça, c'est l'avenir qui décidera. Nous manquons de recul sur notre propre époque pour bien distinguer le nouveau du poncif à la mode

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par claire, vendredi 18 mars 2022, 15:59 (il y a 763 jours) @ m

oui, c'est comme quand on relit un vieux poème et que ce qu'on avait pris pour une beauté nouvelle se révèle une coquetterie, un procédé.

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par claire, mercredi 16 mars 2022, 18:46 (il y a 765 jours) @ m

la question de la contrainte est bien sûr passionnante et paradoxale, et aussi l'idée d'écrire pour quelqu'un, ou aussi avec quelqu'un.