(une sorte de mer)- bout d'essai
une sorte de mer
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au loin très loin
où l’oeil ne perçoit plus :
vallons et monts à perte de vue
infiniment vert sombre
où branches et bras griffent l’air
l’eau profonde du ciel
tu t’appuies
sur les pierres anciennes
abris de fossiles et géodes
tes yeux habités exultent
devant l’immobilité apparante
le poème vif des rais de lumière
que tu respires et expires
par battements de coeur
en vagues successives
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je t’imagine ainsi et
je t’imagine à flanc d’Everest
à flanc
près d’un bivouac
je t’imagine respirer
l’air rare
à la pointe du monde
comme je t’imagine
ailleurs
avec un livre à la main
(certains livres seraient des Everest)
(à conquérir)
les yeux éperdus de mondes intérieurs
les yeux éperdus
devant une sorte de mer
(à conquérir)
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le plus grand silence
n’est-il pas à ces sommets
et ces isthmes intimes
qui délivrent
livrant tout
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délivré il n’y aurait plus de vertige
ni le sol ni l’horizon ne tangueraient
il n’y aurait que des fatigues dues aux ascensions
des victoires et leurs joies pérennes
il n’y aurait
que ta conscience forte
comme ton sang
alors tu serais le dresseur
le dresseur des hauteurs qui te peuplent
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je t’imagine ainsi
trop vif pour ta vie
battue rebattue de marées pulsantes
comme par des monstres humains
aux tentacules empoisonnés
sortants de leur bouche pour projeter
des mensonges et des maux
je t’imagine
sans débordement n’être pourtant que cela
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à des lieux de toi
j’ausculte la pente du vent
sous les délires en coton blanc
bouchant la vastitude même
bouchant comme plâtre
tout l’espace qui nous aspire
et je t’imagine
libre
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(une sorte de mer)- bout d'essai
Voir la mer, miroir de ces états d'âme, se réconcilier avec ses démons cloportes
et lancer dans un défi des mots, en visant au loin une vague sous escorte
des dernières rumeurs anodines, pour enfin saisir le sens de la vie à trépas,
puis rasséréné lui dire, le jour suivant accueille-moi encore avec tes appas
(une sorte de mer)- bout d'essai
Par tous les temps !
qui vive, eau contraire m'aime
crisse sable ces vieux coquillages
morcelés, de criques
en calanques
à la bordure des falaises
à renverse, couvert d'écume
aux rochers abrupts, de la balle
rebondisse, prise d'élan
des vagues divaguent, la mer au cou
t'entoure à la nage
plongée en tourbillon
aux tréfonds, pleins flots
risque large
vise l'horizon
ciel glazic, et gris-gris
memestra
à la clarté éphémère
en mêlée d'huitres, filtré
ballotte aux vents changeants
au gré d'humeurs marines
O goéland mouette, sterne cormoran, albatros
s'en fend la mor, envol
chut, sur la crête, en perles
tempête vers, éclairs sol air
anti-missiles, anti-milliardaires
tombe allo, silence radio
à l'os du monde, hâte l'antique
antipeur en fond de sel
bleu vert jaune rouge
sort des torpeurs
de l'amertume
à la lutte des temps présents
les eaux secourent
http://aufildelavie.hautetfort.com/archive/2015/04/18/temps-erres-5605774.html
une sorte de mer 2
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immobile, les doigts à peine déposés sur les touches du piano, tu écoutes le silence résonner — la pièce est encombrée d’objets et de livres, dépôts savants, quelques témoins, mais il n’y a que le piano, le silence et toi
les yeux clos, tu pèches dans les ondes comme d’autres méditent, la truite sonore, je veux dire l’exocet ou l’espadon mélodique, le ruban argenté d’une myriade de petits poissons aux mouvements saccadés et roulants, ce flot son continu
les yeux clos la mer monte dans le petit salon et l’engloutit — de longues algues se balancent comme tes doigts courent doucement sur le piano — l’eau embrasse tout et ton silence transfuse aux ondes le coulant parfaitement bleu
tu ouvres les paupières les yeux rivés sur l’histoire intérieure à l’histoire, la musique de la mer gonfle ou enfle et des créatures furtives glissent et effacent les motifs ondulants de leur sillage au-dessus des anémones
tu figures un grand hippocampe agrippé à une branche de corail — mille petits sortent de ton ventre et jouent autour de ta bouche — des doigts de lumière plongent en une cathédrale qui danse et s’évanouit se rallume et s’éloigne
puis, immobile, les doigts à peine déposés sur les touches du piano tu écoutes le silence résonner. la pièce est encombrée d’objets et de livres mais il n’y a que le piano, le silence et toi
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