Alberto Giacometti

par Claire @, vendredi 11 juillet 2014, 16:23 (il y a 3570 jours)

« Je fais certainement de la peinture et de la sculpture et cela depuis toujours, depuis la première fois que j’ai dessiné ou peint, pour mordre sur la réalité, pour me défendre, pour me nourrir, pour grossir ; grossir pour mieux me défendre, pour mieux attaquer, pour accrocher, pour avancer le plus possible sur tous les plans, dans toutes les directions, pour me défendre contre la faim, contre le froid, contre la mort, pour être le plus libre possible ; le plus libre possible pour tâcher – avec les moyens qui me sont aujourd’hui les plus propres – de mieux voir, de mieux comprendre ce qui m’entoure, de mieux comprendre pour être le plus libre, le plus gros possible, pour dépenser, pour me dépenser le plus possible dans ce que je fais, pour courir mon aventure, pour découvrir de nouveaux mondes, pour faire ma guerre, pour le plaisir ? pour la joie ? de la guerre, pour le plaisir de gagner et de perdre. »

Alberto Giacometti, Ecrits, Hermann, 1990

Alberto Giacometti

par Ramm77, vendredi 11 juillet 2014, 19:29 (il y a 3570 jours) @ Claire

Merci pour ce beau fragment de Giacometti. "Comprendre pour être plus libre". La raison ici n'étant pas limite, enfermement, mais rebond, excursion vers ce qui est à découvrir toujours. Penser jusqu'à l'épuisement pour que s'ouvre la joie, l'impensé...

Alberto Giacometti

par catrine, vendredi 11 juillet 2014, 19:49 (il y a 3570 jours) @ Ramm77

« Penser jusqu'à l'épuisement pour que s'ouvre la joie, l'impensé...»

exactement, exactement ce que je sens




merci à Claire et à toi

Alberto Giacometti

par zeio, lundi 14 juillet 2014, 03:45 (il y a 3568 jours) @ Claire

Sur le même totem je crois, j'avais réécrit ce texte
Retour aux fondamentaux
Malgré ce vague et vivace sentiment que je ne fais que de la merde






J'écris pour quoi ? pour tordre le cou
Enfoncer le clou, tasser le dilemme
Pour détourner l'avion porteur
Décontaminer les lieux, porter le coup
J'écris pour quoi ? pour remonter la rivière

Pour la défaite de tous, pour le masque du mort

Creuser mon trou, chasser les leurres
J’écris pour passer mon tour
Embrasser le commerce, passer la montagne
Pour ne pas mourir seul

Arpenter la tessiture
J'écris pour quoi ? Pour mendier les éclairs
Me perdre dans la zone, pour désapprendre
Pour les phares inhabités
Pour déclasser les butineurs

J'écris pour la poche d'ombre

Pour me faire étranger
Intrus
Dans la meute de sourds

Alberto Giacometti / que de merveilles ;)

par catrine, lundi 14 juillet 2014, 05:56 (il y a 3567 jours) @ zeio

« J'écris pour quoi ? Pour mendier les éclairs
Me perdre dans la zone, pour désapprendre
Pour les phares inhabités
Pour déclasser les butineurs

J'écris pour la poche d'ombre

Pour me faire étranger
Intrus
Dans la meute de sourds
»


oui.
et je ne sais pas qui t'a mis en tête (mis-au-coeur) que tu écris de la merde ..?
à ce compte là, tous autant que nous sommes faisons de la merde, même Char, même Giacometti,
mais alors quelles JOUALVERT DE CRISS de belles merdes on peut faire !!
(quand on se contente pas que d'un petit caca vite fait bien ordinaire...)
et évidemment ça me fait penser de suite à Artaud et "le caca" !


c'est qui l'internationale andouille pédante qui t'a dit une connerie semblable, hein ?

P.s. / que de merveilles ;)

par catrine, lundi 14 juillet 2014, 05:59 (il y a 3567 jours) @ catrine

psst j'ai oublié de te dire : si toi tu écris de la merde... moi j'écris aussi de la merde mais d'une autre planète ;)

marcel proust

par zeio, lundi 14 juillet 2014, 16:27 (il y a 3567 jours) @ catrine

Chaque fois que le poète n'est pas placé sur le fil des lois mystérieuses d'où il sent aller de lui à toutes choses une même vie, il n'est pas heureux. Et pourtant, c'est ce qui arrive bien souvent, car chaque fois qu'il recherche quelque chose d'une manière sèche et dans un but où sa personne se trouve transportée du dedans au dehors, il cesse de se trouver dans cette partie de lui-même où il peut être en communication, comme dans une cabine téléphonique ou télégraphique, avec la beauté du monde entier.
Jusqu'à l'âge même où il n'a jamais connu cette propriété de sa nature, ce que chacun appelle plaisir ne lui en donnant pas, il est très triste de la vie. Mais plus tard il cesse de chercher le bonheur autrement que du point de vue de ces moments élevés qui lui semblent la véritable existence. De sorte qu'après chacune des occasions qu'il a eues de donner naissance à des formes où son sentiment des lois mystérieuses est déposé, il peut mourir sans regret, comme l'insecte qui se dispose à la mort après avoir déposé tous ses œufs. Ce qui nous rend le corps des poètes translucide et nous laisse voir leur âme, ce ne sont pas leurs yeux, ni les événements de leur vie, mais leurs livres où précisément ce qui de leur âme, dans un désir instinctif, voulait se perpétuer ' s'est détaché pour survivre à leur caducité. Aussi voyons-nous les poètes dédaigner d'écrire, si remarquables soient-elles, leurs idées sur telle ou telle chose, sur tel ou tel livre, ne pas prendre note des scènes extraordinaires auxquelles ils ont assisté et des paroles historiques qu'ils ont entendu prononcer aux princes qu'ils ont connus, choses pourtant intéressantes en elles-mêmes et qui rendent curieux même les Mémoires des gouvernantes et des cuisiniers. Mais pour eux, écrire est plutôt réservé à une sorte de procréation à laquelle ils sont invités par un désir spécial qui leur signifie de n'y point résister. Procréation que ces autres sortes d'écrits ne peuvent qu'affaiblir, quoique regrettent ces écrits ceux qui les ont, sur tel ou tel art, entendu dire des choses qu'ils jugeaient plus brillantes que ce qui fait même l'objet de leurs écrits. Mais cet objet, c'est leur essence même, en ce qu'elle a de singulier, d'inexplicable : d'où sans doute ce désir attaché à la reproduction de toute espèce qui leur est attaché, tandis qu'il n'est pas attaché à des spéculations en apparence plus remarquables, mais dont ils, sont avertis qu'elles le sont moins en réalité, ou comme on dit moins personnelles, en ce que, en y pensant, ils n'ont pas ce charme et, en les écrivant, ce plaisir attaché à la conservation et à la reproduction de ce qui est personnel (correspondant intellectuel de la bonne santé et de l'amour), comme leur goût pour la fraîcheur des squares ombreux dans les villes, les feux d'un diamant aux mains d'un homme sage, les breuvages dont la plus ou moins grande pureté modifie la personnalité et donne le bonheur, les petites villes où est établi depuis quelque temps un homme qui n'est pas du pays, dont on ne sait pas très bien d'où il vient, mais qui y a de l'importance et qui y fait du bien et les anciens crimes survivant dans tel complice qu'on croyait oublié et qui reparaissent et, pouvant compromettre votre réputation, donnent aux remords une énergie qu'ils avaient perdue dans le changement de toutes les habitudes et la douce considération universelle. Toutes choses que vous ne pouvez voir en allant visiter le grand homme et même en admirant la profondeur de ses yeux, pas plus qu'en regardant les yeux d'un amoureux ou même en l'entendant dire : " Qu'elle est belle ", vous ne pouvez imaginer le charme particulier et les rêves, dont il est tressé, qu'a fait éclore dans son âme son amour pour telle femme.

Oh, j'ai retrouvé ce vieil amusement

par zeio, lundi 14 juillet 2014, 17:15 (il y a 3567 jours) @ catrine

(...)


— Mon grand-père disait : "Pour savoir dans quelle état j'ère, il faut multiplier l'aire du carré de l'ère, par l'air de s'en foutre"

— C'est très juste. Nos anciens n'avaient pas la langue dans leur poche. On peut même dire qu'il l'avaient dans la bouche.

— De ce point de vue, je ne vois pas ce qui distingue les anciens de nous. Regardez (Il tira la langue). Vous voyez, j'ai bien la langue dans la bouche moi aussi. Si vous ne voyez pas, jetez un œil, il ne vaut rien... Vu sous cet angle, je n'ai rien à envier à mes ancêtres.

— Ah mais nos ancêtres ne s'arrêtaient pas là. Il étaient capables non seulement d'avoir la langue dans leur bouche, mais de la donner au chat, tout aussi bien que de bâiller aux corneilles.

— Corneille m'a toujours ennuyé. Pas étonnant de bailler devant.

— Le Cid est pourtant excellent. Pétillant et melliflu comme il faut, une vraie sucrerie. Ne dit-on pas : la clef du cid est dans la clepsydre ?

Friedrich approche le verre de sa bouche. Il a cessé de parler bien avant d'avoir des lèvres.

Marcel roucoulait :
— "Va, je ne te hais point", je me rappellerai toujours cette célèbre sentence. Lorsqu'elle me vient à l'esprit, le souvenir de la maison de ma mère monte en moi, je me souviens tout à coup des géraniums qu'elle arrosait tous les matins, sur le beau balcon qui donnait sur le jardin fleuri et le chien Choupy, qui poussait tant de grognements lorsqu’il mordillait le canard en plastique pshit.

— Vous avez l'heure, Shopenhauer ? Lança Charles, qui attendait le moment propice pour s'enivrer.

— Je ne l'ai plus malheureusement, elle a filé en même temps que le bas de ma femme que je n'ai jamais eu. Mon caniche cloné est la proie de tous les vertiges.

— N'est-ce pas Céline qui a mis l'infini à sa portée ? Il ne faisait pas dans la dentelle, vous savez. C'était sa mère. Encore moins dans les bagatelles.

— Ses bagatelles firent un massacre. Quelle idée, cette posture anti-sémite ! La langue parlée, dans le langage écrit... On aura tout vu, bien entendu.

— Pensez-vous, il détestait le monde entier, ce paranoïaque. Si j'étais lui, je me serais attaqué aux normands. Ça aurait évité tous ce fatras. Il méritait le goncourt.

— Le goncourt est un concours très couru, mais il a tourné court le jour où la cour accourue. Romain Gary était un ururpateur : Il a été pris la main dans la jarre, émile.

— Gare à Gary ! Aja fumait la ganja par les racines. Ciel ! Ils ont placardé un avis sur le dos du lémur, je l'ai vu.

— Toujours est-il qu'il est préférable d'avoir son avis devant soi, plutôt que derrière, répliqua Arthur.

Soudain le vers entra sans frapper, ôta son chapeau, salua l'assemblée de poètes.

— Asseyez-vous, mon ami. Prenez une chaise, mais ne la mangez pas, quand bien même vous êtes aux abois.

Le ver à bois ne pris pas le temps de s'asseoir doucement, il se détortilla puis chut sur sa chaise.

— Assez, dit le ver. Nous n'allons pas nous asséner ces politesses aujourd'hui. Je sors à peine du Lachaise, je suis vanné. Trop de bouleaux. À boire ! Mais avant, un verre.

Apollinaire sert un verre au ver. Une absinthe, avec l'étiquette "attrape-moi" collée dessus, verte et des pas mûrs, dans une coupelle au cou coupé.

— Franz entra en fureur : vous n'avez pas vu ma hache ? c'est pour tirer un glaçon de ma mer intérieure gelée.

— Allons tu devrais te mettre au vers, répliqua le pauvre lélian. C'est le Rimb qui t'a mis dans cette état ?

Rimb arriva, sonna le clairon et railla le train de la discussion qui dérailla.

Arthur Schopenhauer et ses caniches

par zeio, lundi 14 juillet 2014, 17:25 (il y a 3567 jours) @ zeio

Arthur Schopenhauer et ses caniches

par cat, lundi 14 juillet 2014, 23:45 (il y a 3567 jours) @ zeio

rhihihih !

et moi qui viens de me commander sa brique,
je n'arriverai plus à le lire sérieusement avec ...ces... portraits !

Arthur Schopenhauer et ses caniches

par dh, mardi 15 juillet 2014, 11:00 (il y a 3566 jours) @ cat

le monde comme volonté et comme représentation. l'un des seuls livres de philo que j'ai lu plusieurs fois.

Arthur Schopenhauer et ses caniches

par catrine, mardi 15 juillet 2014, 14:51 (il y a 3566 jours) @ dh

oui, le monde comme volonté et représentation, mais des exergues aussi... ;)

je n'ai pas mis la main sur le Blanchot encore, mais j'ai trouvé chez un libraire d'usagés les Éloges de St.J. Perse publié chez Gallimard en 1925 et dont les pages n'ont encore été découpées, puis trouvé encore Lectures de Rilke — Pour un art du bien mourir de Gaston Fernandez Carrera... de quoi m'occuper en attendant Schopenhauer ;)

Alberto Giacometti

par Kelig, lundi 14 juillet 2014, 13:11 (il y a 3567 jours) @ zeio

il est très bon ce texte, pas de la merde !

Alberto Giacometti

par zeio, lundi 14 juillet 2014, 16:29 (il y a 3567 jours) @ Kelig

Salut kelig, merci à toi