j'ai pris une photo

par Claire @, dimanche 13 juillet 2014, 12:13 (il y a 3575 jours)

Il y a une colonne
qui supporte la galerie couverte
une cour dallée, un arc en plein cintre.

et la fillette floue
tournée de l’autre côté
qui lève le bras.


Tout ce qui est là, dans la lumière fossile du jour
a déjà disparu - quand tu le regardes.
mais la paroi des vitres, d’où coulait vers l’intérieur
une lumière de fin de journée
(cette membrane transparente qui définit l’intérieur,
protège l’air des pièces des vibrations étrangères)
elle persiste sans doute, elle existe encore.

la cour n’était pas isolée vraiment
sinon par l’idée qu’on en a. Il y a un passage versla rue.

l’intimité se développe dans la tête.

et dans ma tête se développe l'histoire
de la fillette floue et de son petit chien
qu'elle était allée promener ce jour-là
par les rues intimes de sa ville
vers cette cour qu'elle connaît depuis toujours
passant sous l'arc en plein cintre.

Ville où peut-être
ont vécu ses grand-parents paternels
depuis les années soixante,
passant une après-midi calme
de temps en temps derrière ces vitres, assis à parler dans cette pièe
que je devine, où elle
n'est jamais entrée.

Et tout en parlant ils regardaient dehors
c'était - qui sait ? - le printemps,
fixant sans le voir
l'espace où se tiendraient
quarante ans plus tard
leur petite fille
et son chien roux.

j'ai pris une photo

par ynos, dimanche 13 juillet 2014, 16:32 (il y a 3575 jours) @ Claire

c'est mignon :')

....version spéciale pour ynos ;)

par Claire @, dimanche 13 juillet 2014, 18:49 (il y a 3575 jours) @ ynos

Il y a une colonne
qui supporte la galerie couverte
une cour dallée, un arc en plein cintre.

un punk à chien, flou
tourné de l’autre côté
qui lève le bras.


Tout ce qui est là, dans la lumière fossile du jour
a déjà disparu - quand tu le regardes.
mais la paroi des vitres, d’où coulait vers l’intérieur
la lumière de fin de journée
(cette membrane transparente qui définit l’intérieur,
protège l’air des pièces)
elle persiste sans doute, elle existe.

la cour n’était pas isolée vraiment
sinon par l’idée qu’on en a. Il y a un passage vers la rue.
l’intimité se développe dans la tête.

dans ma tête se développe l'histoire
du garçon et de son chien
qui avaient erré tout ce jour-là
par les rues de la ville
vers cette cour qu'il ne connaît pas
passant sous l'arc en plein cintre.

Ville où peut-être
ont vécu ses grand-parents paternels
depuis les années soixante,
- passant une après-midi calme
de temps en temps derrière ces vitres, assis à parler dans cette pièe
que je devine,
où lui n'est jamais entré.

Et tout en parlant ils regardaient dehors
c'était - qui sait ? - le printemps,
fixant sans le voir
l'espace où se tiendraient
quarante ans plus tard
leur petit-fils ivre et son chien.

... en vers arithmonymes de 6

par Claire @, lundi 14 juillet 2014, 13:23 (il y a 3574 jours) @ Claire

Il y a une épaisse colonne
qui supporte la galerie, une cour
dallée, un arc en plein cintre.

un punk avec son chien - flou
est tourné de l’autre côté
lève à demi le bras droit.


Tout ce qui était là, plongé
dans la lumière fossile du jour
a déjà disparu, lorsque tu regardes -
mais la paroi fragile des vitres
d’où coulait vers l’intérieur
la lumière de fin de journée
(membrane transparente qui contient l’intérieur
et protège l’air des pièces)
elle persiste sans doute, elle existe.

la cour n’était pas isolée vraiment
tu es venue par un passage
depuis la rue - l’intimité s'
est développée, construite dans ta tête.

Dans ta tête commence l'histoire
du garçon et de son chien
qui avaient erré tout ce jour
par les rues de la ville
vers cette cour retirée qu'il
ne connaît pas, passant - presque seul
sous l'arc en plein cintre.

Ville où il le savait, autrefois
avaient vécu ses grand-parents maternels
depuis la fin des années soixante.

Passant de longues après-midi calmes
derrière ces vitres, assis à parler
dans cette pièce qu'on devine
où lui n'est jamais entré,

et tout en parlant ils regardaient
au dehors ; c'était, peut-être,
le printemps.....fixant sans le voir
l'espace vide où se tiendraient
quarante ans plus tard, dérivants, leur
petit-fils ivre et son chien.

... en vers arithmonymes de 6

par 411, lundi 14 juillet 2014, 16:10 (il y a 3574 jours) @ Claire

Je ne sais pas ce que sont les vers arithmonymes mais ça envoie du pâté. J'aime beaucoup beaucoup le mélanges entre tournures poétiques et images plates genre:

"Ville où il le savait, autrefois
avaient vécu ses grand-parents maternels
depuis la fin des années soixante."

On parlait de Houellebecq mais je suis de plus en plus fan de ce genre de phrases définitive, n'appellant pas de réflexion. Et il y a un rythme dans ces phrases jetées comme ça, comme un tempo nonchalant, une sonorité plate. Je ne suis pas sûr de m'expliquer bien, mais en gros ça me botte. Et ça poursuit peut-être ce côté narratif que je trouve de plus en plus chez toi. En tout cas le poétique est dosé juste comme il faut, au poil.

Mais j'aimerais vraiment savoir qu'est ce vers imprononcable. Je m'intéresse de plus en plus aux formes.

... en vers arithmonymes de 6

par Claire, lundi 14 juillet 2014, 16:38 (il y a 3574 jours) @ 411

Chaque vers est fait de 6 mots...c'est tout simple.
C'est Ivart Ch´Vavar qui m'a fait découvrir ça.

... en vers arithmonymes de 6

par 411, lundi 14 juillet 2014, 16:47 (il y a 3574 jours) @ Claire

Yes. Ça fonctionne en tout cas.

... en vers arithmonymes de 6

par dh, mardi 15 juillet 2014, 09:14 (il y a 3573 jours) @ 411

ah bon ? moi la poésie "à contrainte" j'ai toujours trouvé ça bidon.

j'ai pris une photo

par jude, mardi 15 juillet 2014, 17:48 (il y a 3573 jours) @ Claire

J'aime beaucoup cet instantané ouvert à la rêverie sur le temps mais voici quelques chipotages:

- Le ton me paraît peut-être trop différent entre la troisième strophe, très technique avec ses parenthèses explicatives, et les autres plus rêveuses.

- Je ne peux m'empêcher de me poser une question: puisque la petite-fille connaît la cour, pourquoi n'est-elle jamais entrée dans la pièce? S'il y a, en plus une sombre histoire de fâcherie, de succession, il faudrait qu'on le comprenne. Sinon, c'est , à mon avis, un chemin inutile qui nous est proposé et qui nuit à la concentration du lecteur sur la première trame du poème: l'écoulement du temps et la quasi superposition des deux réalités (grands-parents qui ne le sont pas encore et petite-fille)quarante ans plus tard.
Merci pour cette photo!

j'ai pris une photo

par Claire @, mardi 15 juillet 2014, 18:35 (il y a 3573 jours) @ jude

oui, tes remarques sont très justes, et ça me chiffonnait aussi.
Je pourrais simplement ajouter quelque chose qui laisse entendre que la pièce était un café quarante ans plus tôt. Je l'imaginais ainsi.

Je suis amenée en ce moment à revenir dans différent lieux où j'ai longuement vécu, ou vécu il y a très longtemps, et je suis saisie de cette question des superpositions temporelles.
Le poème essayait de relier les séparations du temps aux séparations des espaces, et aux séparations à l'intérieur même de l'esprit (mémoire, imagination, réalité actuelle etc...).
C'est quelque chose qui me fascine, émotionnellement, et internet n'a rien arrangé. La photo est un bon révélateur de ces questions-là.

une photo (correction)

par Claire @, samedi 19 juillet 2014, 14:44 (il y a 3569 jours) @ Claire

Il y a une colonne
pour supporter la galerie couverte
une cour dallée - un arc en plein cintre.

et la fillette floue
tournée de l’autre côté
qui lève le bras.

Tout ce qui était là, dans la lumière fossile du jour
a déjà disparu quand tu revois la photo :
mais l’architecture
et la paroi des vitres,
d’où coulait vers l’intérieur cette lumière de fin de journée
(membrane transparente qui définit l’intérieur)
persistent sans doute,
existent encore.

la cour n’est pas isolée vraiment
il y a un passage.

l’intimité se développe dans la tête.

dans ta tête se développe l'histoire
de la fillette floue et de son petit chien
qu'elle était allée promener ce jour-là
par les rues intimes de sa ville,
vers cette cour qu'elle connaît depuis toujours,
passant sous l'arc en plein cintre.

Ville où peut-être
vivent ses grand-parents paternels
depuis les années soixante.

ils passaient une heure calme
dans ce qui était autrefois un café
de temps en temps, derrière ces vitres
assis à parler dans cette pièce sombre
qu'on devine -
où elle n'est jamais entrée.

Et tout en parlant ils regardaient dehors
c'était - qui sait ? - le printemps,
fixant sans le voir
l'espace où se tiendraient
quarante ans plus tard
leur petite-fille
et son chien.



°°°°°°°°°°°°°°



Il y a une épaisse colonne
qui supporte la galerie, une cour
dallée, un arc en plein cintre.

un punk avec son chien - flou
est tourné de l’autre côté
lève à demi le bras droit.


Tout ce qui était là, plongé
dans la lumière fossile du jour
a déjà disparu, lorsque tu regardes -
mais la paroi fragile des vitres
d’où coulait vers l’intérieur
la lumière de fin de journée
(membrane transparente qui contient l’intérieur
protège l’air de la pièce)
elle persiste sans doute, elle existe.

la cour n’était pas isolée vraiment
tu es venue par un passage
depuis la rue - l’intimité s'
est développée, construite dans ta tête.

Dans ta tête commence l'histoire
du garçon et de son chien
qui avaient erré tout ce jour
par les rues de la ville
vers cette cour retirée qu'il
ne connaît pas, passant - presque seul
sous l'arc en plein cintre.

Ville où il le savait, autrefois
avaient vécu ses grand-parents maternels
depuis la fin des années soixante.

Passant une fin d'après-midi
derrière ces vitres, assis à parler
dans cette pièce qu'on devine,
qui était alors un vieux café -
où lui n'est jamais entré.

et tout en parlant ils regardaient
au dehors ; c'était, peut-être,
le printemps.....fixant sans le voir
l'espace vide où se tiendraient
quarante ans plus tard, dérivants, leur
petit-fils ivre et son chien.