soumission (place)

par Claire, vendredi 17 juillet 2015, 11:28 (il y a 3214 jours) @ Maristein

Oui, tu poses des questions très intéressantes.
Je pense que nous sommes (en profondeur) des primates pour lesquels la question de la dominance est naturelle, organise la vie sociale de façon innée et implicite. Mais nous ne sommes pas que des primates, nous sommes aussi des humains et nous avons élaboré une grande quantité de lois, de pratiques, de théories, de pensées qui interfèrent avec cette loi instinctive et naturelle, la modulent.
Je navigue habituellement dans un monde où cette loi de la dominance est très atténuée. Ou pour dire les choses autrement, où je peux me vivre inconsciemment le plus souvent assez dominante, au point de ne plus avoir besoin d'en faire la preuve et donc de pouvoir oublier ces dérangeantes questions. Avancer en âge remet en cause néanmoins cette dominance (les vieux ne sont pas très admirés dans notre monde).

Après, la télévision ne cesse de nous mettre sous les yeux la souffrance terrible des gens qui sont écrasés par la loi du plus fort, qui est un variante de la pulsion de la dominance, une pulsion qui a échappé aux garde-fous des modulateurs instinctuels animaux, de la loi, de la culture, de la pensée, de l'identification, et se donne libre-cours dans toute sa cruauté et sa perversion, sa folie. Nous sommes terrifiés et révulsés, à juste titre, par elle. Nous sommes envahis d'identification impuissante et nous essayons de nous en protéger, bien entendu.

Mon jeune interlocuteur vit dans un monde où il ne peut pas (inconsciemment) se sentir comme dominant "naturel". Il a certainement souvent eu affaire à la loi du plus fort, et certainement eu à faire la preuve de sa dominance. Mais là, il ajoute quand même quelque chose, une phrase qui sous-entend : "je sais que vous me méprisez".

Il s'était invité dans le monde des dominants (la première classe) et sa dominance il m'en administre la preuve en faisant appel à la loi du plus fort (dans les faits : il m'intimide), mais il en appelle aussi de façon extrêmement maladroite aux règles du monde des dominants : la politesse avec les dames. C'est "faites ce que je dis, ne faites pas ce que je fais". Puis il fait tous ses efforts pour montrer qu'il est quand même capable d'y obéir.

Il y avait un côté La Fontaine, "le loup et l'agneau", le paquet de gâteaux jouant le rôle du ruisseau trouble, dans la plus parfaite mauvaise foi. C'est ce qui explique ma réflexion sur "la loi du plus fort".
Mais j'ai essayé de rendre compte de toute la superposition des pensées qui m'ont traversé l'esprit, et ce n'en est qu'une parmi d'autres.
Ce qui est intéressant c'est que personne des gens de la première classe n'est intervenu pour me défendre (et heureusement...il n'y avait pas de quoi en faire un pugilat).

Si j'étais la femme que je rêverais d'être, j'aurais, au bout d'une heure ou deux, tenté d'ouvrir avec lui la discussion autour de cette phrase qu'il m'avait dite et ça aurait peut-être été bien intéressant. Mais je suis assez lâche en milieu inconnu.
Ceci dit, au cours du voyage, du fait de sa longueur, je crois que quelque chose est passé entre nous de toute cette complexité.

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