les cerises

par Claire, mardi 15 septembre 2015, 10:34 (il y a 3154 jours) @ catr

oui, et pour revenir à ce "féminin" dont tu parlais, c'est justement pour moi le féminin séculaire à dépasser, un féminin de l'autoportrait idéal (je prends idéal au sens toxique du terme : ce qui cherche à attirer le regard admiratif pour se sentir exister). C'est diffcile pour une femme de faire un autoportrait non idéal, c'est difficile pour une femme de ne pas faire des portraits de femmes idéaux qui sont en fait des autoportraits déguisés. C'est pourquoi je me sens si redevable à Annie Ernaux, Marie Rouanet, à Marguerite Yourcenar, à Nathalie Sarraute et un peu moins à Marguerite Duras d'avoir montré que c'est possible. Et que c'est possible à cause de la passion et la curiosité qu'on a pour ce qui n'est pas soi.
Pour dire les choses autrement, faire quelque chose de nouveau et oser se mettre au centre en provoquant une gêne n'est pas pour moi un critère d'exploration novateur....mais ça peut l'être bien sûr. C'est vrai que c'est souvent riche de sens, la gêne.

J'ai mis un moment à comprendre d'où me venait cette angoisse en lisant le wikipedia et c'était ça : mettre en scène et fixer un "on me suit", "on me photographie", "on dort dans mon lit", "on m'écrit une lettre d'amour enflammée". Comme une faim terrible d'être au centre. Là, à Arles, c'était "on est aveugle devant mon objectif", "on regarde la mer, de dos, devant mon objectif". Mais ce qui est le propre de l'autre, son visage, son histoire et surtout sa parole, comme escamotés.
J'ai été aussi mal à l'aise devant cette performance : trouvant un carnet d'adresse dans la rue, aller rencontrer chacun des personnes qui y sont notées....suivi de "la performance n'a pas pu être exposée car le propriétaire du carnet s'y est opposé", où j'ai l'impression d'un vol de l'intimité d'autrui, sans son accord, tout comme sa lecture publique du carnet intime de sa mère qui le lui a légué après sa mort.

Si on lit son histoire, on voit que son père était un chirurgien et un grand collectionneur d'art, et que sa mère, dit-elle, avait beaucoup besoin qu'on la regarde. Alors on imagine la solitude de l'enfance, puis la nécessité d'être une oeuvre d'art.
mais bon...c'est des extrapolations ....angoissées :)

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