houellebecq

par dh, mardi 13 octobre 2015, 13:38 (il y a 3124 jours)

Un poète mort n'écrit plus. D'où l'importance de rester vivant.
Ce raisonnement simple, il vous sera parfois difficile de le tenir. En particulier au cours des périodes de stérilité créatrice prolongée: Votre maintien en vie vous apparaîtra, dans ces cas, douloureusement inutile; de toute façon, vous n'écrirez plus.
À cela, une seule réponse : au fond, vous n'en savez rien. Et si vous vous examinez
honnêtement, vous devrez finalement en convenir. On a vu des cas étranges.
Si vous n'écrivez plus, c'est peut-être le prélude d'un changement de forme. Ou d'un
changement de thème. Ou des deux. Ou c'est peut-être, effectivement, le prélude de
votre mort créatrice. Mais vous n'en savez rien. Vous ne connaîtrez jamais exactement cette part de vous-même qui vous pousse à écrire. Vous ne la connaîtrez que sous des formes approchées, et contradictoires. Égoïsme ou dévouement ? Cruauté ou compassion ? Tout pourrait se soutenir. Preuve que, finalement, vous ne savez rien; alors ne vous comportez pas comme si vous saviez. Devant votre ignorance, devant cette part mystérieuse de vous-même, restez honnête et humble.
Non seulement les poètes qui vivent vieux produisent dans l'ensemble davantage,
mais la vieillesse est le siège de processus physiques et mentaux particuliers, qu'il
serait dommage de méconnaître.

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