bonne année !

par Claire, samedi 02 janvier 2016, 15:22 (il y a 3044 jours)

Je ne pouvais pas facilement écrire ici ces derniers jours alors j'ai préféré la fermer, mais j'ai pu suivre à peu près les débats, bien intéressants. Merci à rémy dont les positions un peu provocantes mais pleines de bonne humeur amicale m'obligent bien souvent à réfléchir autrement.
- J'ai eu l'impression qu'il avait envie de remettre en cause un certain dolorisme, une certaine dramatisation qui sont "nos" péchés mignons (je dis "nos" mais tout le monde peut considérer ne pas faire partie de ce "nous").
- J'ai l'impression aussi qu'il préfère faire l'économie dans la recherche artistique de la dimension inconsciente des processus, pour insititer sur la réflexion, le jeu, le hasard, la perception esthétique.
- Enfin qu'il tente de tordre le cou à l'angoisse du ratage.

toutes ces positions me semblent très salutaires, rafraîchissantes, sthéniques, elles mettent au travail. Elles occultent un peu certaines réalités, comme le fait que beaucoup de grands artistes étaient des gens en souffrance.
Je ne dis pas que la créativité est la conséquence de la souffrance, ou pire encore que la création est une façon de se soigner. Mais peut-être que la création est parfois une voie de sublimation de l'angoisse, tout comme les symptômes en sont une autre forme d'expression....je réfléchis à cette idée de la sublimation. Il y a quelque chose d'extrêmement émouvant là-dedans, parce que la sublimation est le point de départ de toute transmission, et donc porte une forme d'éternité, d'âge en âge. Par ailleurs, je crois vraiment que le travail de perfectionnement que l'on mène dans l'expression d'un art s'attaque forcément à nos petits travers personnels, et qu'à ce titre, et à ce titre seulement, il nous "soigne". Pas de notre angoisse, mais de nos façons un peu minables de nous en débrouiller (prétention, radotages, emprunts mal digérés, blocages, minauderies, emphase, bla bla etc....)
Je suis convaincue que d'autres artistes ne sont pas plus en souffrance que le commun des mortels et qu'il s'agit seulement pour eux de se vouer à cette émotion particulière qu'est l'émotion esthétique, à laquelle peut-être ils ont été particulièrement sensibles, ou bien d'utiliser l'art comme un outil exploratoire du monde qui les entoure.
Et que ces deux positions se retrouvent très souvent mêlées.

Le débat autour de l'inconscient n'est pas facile, parce qu'on est dans le registre de la croyance (y croire ou pas, à ce foutu inconscient qui par définition est inconscient), et qu'elle est liée à la question de la maîtrise. Elle me ramène au débat qu'on a eu autour de la question du changement. Créer, c'est changer (évidemment puisque créer change quelque chose du monde en lui apportant une nouveauté). Je suis persuadée qu'une part de notre créativité et une part de notre capacité à changer s'exprime mieux si renonce pour un court instant à la maîtrise, à la pensée conceptuelle. Je dis bien "une part" et "un instant". Donner trop de place à la part de l'inconscient dans la création est certainement une mauvaise idée, l'évacuer totalement me semble apauvrissant.

Enfin, l'angoisse du ratage, de l'échec, du "c'est nul", on voit bien ici de temps en temps combien elle est paralysante et combien on peut avoir envie de la passer au voisin. J'ai aimé la façon dont rémy en parle : "dans une série, la première est parfois ratée, la deuxième super, la troisième etc....jusqu'à ..." Ca m'a fait du bien de lire ça.

Je parle de rémy sans m'adresser directement à lui parce que le débat a démarré autour de certaines de ses réactions mais que c'est un débat bien ouvert.




Pour finir, une citation d'un chanteur de fado, Ricardo Ribeiro, dont le beau visage surmontant un corps gigantesque se modifie subtilement deux secondes avant qu'il commence son chant (j'ai vu un film au musée du fado à Lisbonne, où j'étais ces derniers jours) :
"O que prétendo é ser musicalemente honesto, seguindo sempre a minha logica artistica, onde quer que ela me leve" (je traduis approximativement : ce que je prétends c'est d'être musicalement honnête, suivant toujours ma logique artistique où qu'elle me mène).



(et désolée pour le ton un peu pontifiant)

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